La Tunisie dispose d’avantages indéniables en matière de tourisme de chasse, telle que la proximité avec les marchés émetteurs et la disponibilité d’un gibier sauvage. Ce secteur est un bon créneau touristique comme le précise Mohamed Mejri, président de la commission chasse à la Fédération tunisienne des agences de voyages (FTAV).
Le Temps.news : La chasse touristique est-elle développée en Tunisie ?
Mohamed Mejri : La Tunisie est une destination de chasse prisée et de plus en plus appréciée par les touristes.. Compte tenu des espèces chassables, un voyage dans ses belles contrées est susceptible de contenter tout autant les amoureux de la chasse. La chasse touristique s’est développée depuis les années 1960 en Tunisie. Elle est encadrée par des agences de voyages et des hôtels spécialisés qui accompagneront les touristes pour les formalités administratives. Elle est aussi très appréciée pour ses territoires immenses (grands espaces sauvages, un gibier abondant), des paysages contrastés tout près de l’Europe (deux heures de vol seulement la sépare du continent européen), une chasse régie par une loi et des professionnels expérimentés, une longue tradition de la chasse… Donc, les raisons ne manquent pas pour faire venir les touristes chasser en Tunisie.
La chasse a connu une expansion significative depuis 1970 . La Tunisie comptait environ 1884 chasseurs touristes en 2009..Cette activité a chuté après la révolution .La pandémie de Covid-19 lui a assené, en outre, un coup brutal. La saison 2019/2020 a vu cette performance se diviser par trois, n’enregistrant que 674 touristes, à travers 11 agences de voyages. Les Français viennent au premier rang avec 457 chasseurs, suivis des Belges, Suisses, Suédois, Italiens, Hongrois, et autres. La quasi-totalité (91.5%) vient traquer le sanglier et les grives
Quel est l’apport du tourisme de chasse pour le pays ?
Quand on parle de niches touristiques, on ne se limite pas au golf et aux croisières, il y a également le tourisme de chasse, appelé aussi tourisme cynégétique. Comme tout passionné, un touriste chasseur s’accompagne très souvent d’un budget conséquent. Ces clients sont principalement des touristes haut de gamme, séjournant dans des hôtels cinq étoiles. Ils optent pour des forfaits en demi-pension et déjeunent dans les restaurants locaux.
Aussi, ils dépensent beaucoup en shopping. Un chasseur étranger dépense seulement 15 % de son budget pour la chasse, et 85 % dans d’autres activités économiques. La chasse touristique a un effet positif en cascade sur l’économie tunisienne. Cette niche s’avère donc être une manne séduisante pour le secteur touristique tunisien. Elle génère déjà un chiffre d’affaires annuel important, entre les redevances et les recettes collectées par les hôteliers, guides, rabatteurs, transporteurs restaurateurs et autres activités liées à la chasse.
La clientèle de chasse est une très bonne affaire pour les professionnels du tourisme, notamment les agents de voyages et les hôteliers .Le séjour d’un touriste chasseur hors aérien varie entre 1700 et 2400 euros. La délivrance d’une licence de chasse touristique donne lieu à la perception par le receveur des produits domaniaux d’une redevance de cent dinars pour la chasse au sanglier.
Pour les grives et les étourneaux, mille (1 000) dinars pour la période du 6 décembre au 31 janvier et deux mille (2 000) dinars pour la période du 1er février au 28 février .En outre, un droit d’abattage de cent cinquante dinars pour chaque sanglier abattu sur les terrains forestiers, à l’exception des périmètres cités à l’article 14 du présent arrêté, sera versé à la caisse du receveur des produits domaniaux par le chasseur concerné à la fin de chaque journée de chasse touristique. Chaque sanglier abattu doit être immédiatement bagué et soumis aux dispositions de l’article 3 du présent arrêté.
Quel impact sur les régions ?
Le tourisme de chasse ne se limite pas aux déplacements des chasseurs. Il joue également un rôle significatif dans le renforcement des économies locales. Les retombées économiques s’étendent bien au-delà de l’acte de chasse. En créant des emplois (30 à 40 par site) et en générant des revenus, le tourisme de chasse apporte des avantages tangibles aux communautés qui l’accueillent notamment les rabatteurs, les cuisiniers, les commerçants, les transporteurs …
De plus, la demande accrue en main-d’œuvre saisonnière pendant les périodes de chasse peut offrir des opportunités d’emploi temporaire aux résidents locaux. Dans de nombreuses destinations touristiques, la saisonnalité peut être un défi économique important. Cependant, le tourisme de chasse peut contribuer à atténuer ce problème.. La saison de chasse qui s’étend d’octobre à mars peut aider à maintenir une activité économique plus constante. Cela peut être particulièrement avantageux pour les régions où le tourisme est plus saisonnier , notamment dans les régions intérieures du centre , du Nord Ouest et du Sud.
Mais il faut avouer que les procédures administratives entravent ce secteur notamment l’octroi de permis de chasse, la période de réservation des territoires et l’attente pour la vérification du matériel de chasse .Les dirigeants de la fédération, la FTAV et de nombre de clubs et associations ne cessent de multiplier les démarches auprès des autorités , réclamant le déblocage des demandes déposées et la réduction des délais d’octroi.
Propos recueillis par Kamel BOUAOUINA