Alors que le tourisme affiche une belle saison, près de la moitié des agences de voyage sont dans une situation économique difficile. La valeur ajoutée échappe à la profession faute d’avoir anticipé les transformations numériques et le comportement d’achat du touriste. Pour assurer sa pérennité, ce secteur des agences de voyages doit se régénérer, se réinventer et innover, et mettre en place un nouveau tourisme en sortie de crise, qui soit plus durable, plus participatif et plus numérique. Malgré les crises structurelles et conjoncturelles, les agences de voyages ont su résister à la fermeture et ont ainsi prouvé que la profession conservait son utilité, sa raison d’être. En effet, passé « l’effet Covid-19 », les citoyens du monde se sont à nouveau mis à voyager. Les Tunisiens ne furent pas en reste. . En principe, cette embellie devrait rejaillir sur la situation économique des agences de voyages. Il n’en est rien comme l’ont signalé les agents de voyages lors de la réunion groupant le ministre du tourisme Sofiane Tekaya et le conseil d’administration élargi d la Fédération tunisienne des agences de voyages en vue d’examiner la situation du secteur des agences de voyages.
Le secteur touristique est toujours exposé à des problèmes structurels et reste tributaire de la performance des secteurs liés, à l’instar des transports aérien et terrestre. L’un des principaux défis auxquels le secteur est confronté concerne, en effet, les infrastructures de transport. L’activité des agences de voyages est limitée par des problèmes relatifs au manque de transport touristique et par la situation parfois déplorable des moyens de transport touristique. Ces voyagistes sont obligés de renouveler leur parc. Ils n’ont pas les moyens. Cette situation pourrait conduire à un vieillissement du parc roulant, compromettant ainsi la qualité des services offerts aux clients. C’est pourquoi, ils suggèrent l’ajustement récent des avantages fiscaux et douaniers liés à l’acquisition de véhicules touristiques. décision, prise dans le cadre de la loi de finances 2024, qui a entraîné une flambée des coûts d’achat pour les micro bus et minibus nécessaires aux opérations touristiques. Les agences se retrouvent donc dans l’incapacité de renouveler, aisément, leur matériel, ce qui pourrait nuire à leur compétitivité sur le marché. La crise économique mondiale et la dévaluation du dinar tunisien ont amplifié les coûts d’importation des véhicules, des pièces détachées et de l’entretien, impacts que les agences de location répercutent sur leurs tarifs. C’est en tout cas ce que confirment les professionnels du secteur qui appellent, à leur tour, l’Etat à préserver leur activité indispensable pour réaliser la performance du tourisme et l’octroi privilèges fiscaux pour acquérir les bus de moins 30 sièges comme approuvé par la loi des finances 2023 et les voitures 4×4 comme approuvé par les lois de finances 2017 et 2018
L’Outgoing et la libération progressive du pèlerinage
Beaucoup de bruit ne cessent de circuler sur l’incapacité de certaines agences de voyages tunisiennes d’honorer leurs engagements dans l’activité outgoing et d’effectuer désormais les réservations des chambres d’hôtels à l’étranger pour leur clientèle. L’activité outgoing consiste, rappelons-le, à envoyer des Tunisiens à l’étranger par l’intermédiaire des agences de voyage tunisiennes. Elle consiste à donner la possibilité à ces dernières d’être payées par un voyageur tunisien en dinar tunisien et de payer un prestataire de services à l’étranger en devises moyennant une autorisation de la Banque Centrale de Tunisie.
Cette activité de l’outgoing représente depuis des années une véritable bouffée d’oxygène pour les agences de voyage tunisiennes qui ont été fortement touchées par les crises successives qui ont touché notre tourisme. Or dans de nombreux cas, ceux qui voyagent en touristes ont été contraints de payer l’hôtel à travers leurs allocations touristiques limitées depuis 2010 à la somme modique de six mille dinars . L’enveloppe de devises allouée à l’activité outgoing est limitée depuis 2016 par la Banque Centrale à la somme de 25 MDT sans aucune augmentation ou de rallonge.Or comme chaque année, cette enveloppe s’avère insuffisante et s’épuise rapidement. Elle ne couvre plus les besoins réels des agences de voyages pour honorer leurs engagements des partenaires étrangers et de leurs clientèles.Les agents de voyages réclament la révision de ce montant. Un autre secteur a été marqué cette année par une flambée des coûts. C’est le pèlerinage. Les candidats au pèlerinage seront obligés de débourser des montants en forte hausse comparativement à ceux des années précédentes. Les agents de voyages ont appelé les autorités tunisiennes à libérer le marché d’Omra et du grand pèlerinage d’une manière progressive .Ce qui permettra de proposer des prix moins élevés . Les professionnels ont démontré leur professionnalisme lors de l’organisation de la Omra, avec des prix abordables et un service de qualité . Contrairement aux autres pays du Maghreb où cette activité est ouverte totalement ou en partie aux privés, c’est un opérateur public, la Société des services nationaux et des résidences (SNR), qui, en Tunisie, commercialise les packages du pèlerinage à la Mecque.
Le devenir des billettistes !
Les agents de voyages demandent une révision du cahier des charges pour leur activité qui vise à renforcer les pratiques et les exigences relatives à l’activité de l’agence de voyage , dans le but d’assurer un cadre réglementaire plus clair et efficace et de permettre aux professionnels du secteur de se conformer aux nouvelles exigences, aux mutations du secteur et aux règles de la concurrence internationale Le secteur touristique en Tunisie continue de faire face à des défis majeurs. Alors que les indicateurs du tourisme sont au vert, certaines agences ont du mal à maintenir leurs activités. Il y a encore deux ans, l’émission des billets d’avion représentait 30% des dépenses de voyage à l’étranger, ce qui permettait aux voyagistes de sécuriser» quelque peu leurs revenus. La billetterie des compagnies aériennes, qui constituait jadis un matelas de sécurité pour les voyagistes, est en train de se rétrécir à la faveur de la montée en puissance de la désintermédiation. Les agences de voyages agissant dans la billetterie aérienne sont en difficulté et ne sont pas en mesure de s’acquitter auprès de l’IATA (l’Association du transport aérien international, qui collecte les recettes des billets d’avion pour le compte des compagnies aériennes). Les relations entre les agences de voyages tunisiennes spécialisées et l’IATA ne semblent pas s’apaiser. Certains billettistes ont des difficultés à payer leurs factures BSP (somme des billets d’avions vendus au cours du mois)surtout que l’IATA a réduit le délai de paiement des factures de deux semaines à une semaine .Chose qui risque de mettre les billettistes en difficulté . Réserver un billet d’avion et une chambre d’hôtel n’importe où dans le monde est aujourd’hui à portée d’un simple clic sous réserve de disposer d’une carte de crédit. Les défenseurs du net mettent surtout en avant la possibilité d’obtenir des prix moins chers. C’est vrai dans certains cas car le consommateur évite d’éventuels frais de dossier facturés par l’agence de voyage. Les plateformes de réservation elles-mêmes agissent comme intermédiaires entre les hôtels et les clients, permettant à ces derniers de comparer les tarifs et les avis sur une structure pour prendre une décision éclairée.
Un métier menacé par le digital
Les agences de voyages voient leur rôle central d’intermédiaires s’éroder avec l’apparition de solutions de rechange à leurs services. La concurrence émanant des nouveaux distributeurs, dont la plupart appartiennent au monde des technologies et de l’informatique, met en lumière la faiblesse structurelle de l’agence de voyages qui ne possède habituellement pas une capacité organisationnelle ni une capacité financière équivalente. L’Internet n’est pas la seule technologie qui représente une menace de substitution pour les agences de voyages. Pensons seulement à la billetterie électronique ou aux kiosques électroniques dans les aéroports, les halls d’hôtel ou les bureaux d’information touristique, qui permettent aux clients d’effectuer eux-mêmes certaines opérations comme s’enregistrer dans un hôtel, acheter un billet d’avion, recevoir de l’information sur une destination… Ce phénomène facilite l’arrivée de nouveaux arrivants dans l’industrie. Certains de ces nouveaux joueurs, par exemple les agences virtuelles, apportent une nouvelle offre concurrentielle qui constitue une menace pour les agences traditionnelles. Résultat : la perte de compétitivité. Les agents de voyages n’ont plus de choix : s’adapter aux mutations du marché ou disparaître.L’agence de voyages de demain sera celle qui aura réussi à se transformer en s’adaptant à un marché tout aussi dynamique qu’ exigeant.. L’agence de voyages de demain sera celle qui aura été en mesure de gérer le changement tout en s’adaptant à un environnement en mouvance.
Kamel BOUAOUINA