Souvent méconnu, le ronflement ou syndrome d’apnée du sommeil est une pathologie pourtant de plus en plus fréquente en Tunisie. Une apnée est caractérisée par un arrêt du flux aérien d’une durée supérieure ou égale à 10 secondes, la reprise respiratoire coïncident habituellement avec un éveil très bref ou l’allègement du sommeil. Entre 5 et 7% de la population s’arrête de respirer plusieurs fois pendant la nuit. Ce problème qualifié d’apnées du sommeil a un impact important sur la santé puisque, en plus d’altérer la qualité du sommeil, il augmente le risque de troubles cardiovasculaires. Résultat : un réveil matinal difficile avec une sensation de fatigue dès le lever, une somnolence dans la journée et des difficultés de concentration. Qu’est-ce la maladie du sommeil ? A qui s’adresse-t-on en cas d’insomnies répétitives ou de troubles annonciateurs de la maladie ? Tant d’interrogations que se posent les Tunisiens, notamment, qui en souffrent tristement. Les explications du Pr Leila Douik El Gharbi , cheffe de service de pneumologue à l’hôpital Abderrahmane Mami de l’Ariana et Présidente de la société tunisienne de médecine du sommeil
Le Temps.news : Quels sont les principaux troubles du sommeil ?
Pr. Leila Douik EL Gharbi : On peut observer deux phénomènes distincts. D’une part, il y a les insomnies : des personnes qui se plaignent d’avoir du mal à s’endormir, de ne pas assez dormir ou d’avoir un sommeil peu récupérateur ; d’autre part, il y a les apnées du sommeil, des arrêts momentanés de la respiration qui surviennent exclusivement la nuit.
Comment se manifeste l’apnée du sommeil ?
Qui ne connaît pas un ronfleur dans son entourage ? Les ronflements sont très fréquents, à la fois chez les adultes, mais aussi chez les enfants. Ils proviennent de vibrations anormales du pharynx au cours de l’inspiration. Ce syndrome d’apnées du sommeil se manifeste par la fermeture répétée du conduit aérien au niveau du pharynx, pendant 10 secondes ou parfois plus, à raison d’au moins cinq événements par heure de sommeil. Certains patients connaissent plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines d’apnées au cours d’une même nuit. Ce phénomène est dû au relâchement des muscles des parois du pharynx. Celui-ci devient mou et l’air passe difficilement, provoquant au passage des vibrations qui créent un ronflement. Si les parois s’effondrent totalement, le passage de l’air est bloqué et c’est l’apnée. Un système d’alerte se déclenche alors dans le cerveau, provoquant un micro-éveil qui permet lui-même l’activation d’un système neurologique réflexe ; ce dernier va conduire à la contraction des muscles, l’ouverture de la trachée et la restauration du passage de l’air. La respiration reprend… jusqu’à l’obstruction suivante. On parle de microéveils car le patient n’en a pas conscience.
Quels sont les symptômes du ronflement / apnée du sommeil ?
Si le ronflement s’accompagne de l’un des symptômes suivants, cela peut être une indication de consulter un médecin pour une évaluation plus approfondie de l’AOS : Pauses respiratoires observées pendant le sommeil, somnolence diurne excessive, difficulté de concentration, sommeil agité, cauchemars, des ronflements continu (ronflements continus), fatigue, somnolence…
Quels sont les facteurs de risque de l’apnée du sommeil ?
Les facteurs de risque d’apnée du sommeil sont : le surpoids et l’obésité (70 % des personnes qui présentent une apnée du sommeil sont en surpoids), le vieillissement, une obstruction nasale quasi permanente liée à un problème chirurgical, ORL ou allergique, des anomalies anatomiques de la mâchoire, de la langue, du palais, du cou, la consommation chronique de tabac ou de médicaments sédatifs, des antécédents familiaux d’apnée obstructive du sommeil, et certaines pathologies cardiaques, cérébrales ou endocriniennes (hypothyroïdie, insuffisance cardiaque, lésions cérébrales). D’autres facteurs génétiques peuvent expliquer ces apnées.
Les enfants aussi souffrent du ronflement. Quelles en sont les causes ?
Des ronflements ou une respiration bruyante sont généralement les premiers signes qui attirent l’attention des parents sur les apnées du sommeil de l’enfant, ainsi que la respiration buccale et la prise de positions inhabituelles pour dormir. Des symptômes indirects peuvent aussi alerter : le sommeil est agité, l’enfant transpire abondamment, il se plaint de maux de tête durant la journée, la somnolence s’installe… Les troubles de l’attention qui résultent d’un manque de sommeil sont parfois également repérés par les enseignants. Contrairement à celles de l’adulte, les apnées du sommeil de l’enfant ont le plus souvent des causes structurelles : obstruction nasale, hypertrophie des amygdales, forme de la mâchoire, etc.
L’apnée du sommeil impacte profondément la qualité de vie, et nécessite un véritable diagnostic médical. Comment se fait la prise en charge ?
Le traitement de choix de l’apnée du sommeil est la ventilation nocturne en pression positive continue (PPC). Pendant la nuit, de l’air sous pression est insufflée à l’aide d’un masque posé sur le nez. Cette ventilation forcée maintient les voies respiratoires ouvertes. La ventilation nocturne par PPC a pour principal objectif de limiter la somnolence diurne liée à l’altération de la qualité du sommeil chez les patients souffrant de SAHOS. Ce traitement doit être suivi par le médecin.
Les propulseurs mandibulaires ou orthèses d’avancée mandibulaire peuvent être utilisés. Ils poussent la mâchoire inférieure en avant et empêchent la langue de se replier et de bloquer la voie aérienne. Ces appareils, constitués de deux gouttières, augmentent l’espace compris entre la base de la langue et le pharynx. Des médicaments peuvent être prescrits en association avec la ventilation nocturne pour en améliorer l’efficacité. Si la cause des apnées est liée à un défaut anatomique, une intervention chirurgicale peut être nécessaire : ablation des amygdales ou de la luette, modification de l’anatomie du pharynx, chirurgie nasale, chirurgie des maxillaires, etc. Ces traitements chirurgicaux devraient être réservés aux patients chez qui les autres traitements ne sont pas parvenus à soigner les apnées du sommeil. Une apnée sévère non traitée peut multiplier par quatre le risque d’un infarctus du cœur ou d’un AVC. C’est un vrai sujet de prévention. Sensibiliser et dépister sont les objectifs de notre septième congrès de médecine du sommeil à Hammamet. Cette manifestation a réuni plusieurs spécialistes tunisiens et étrangers, notamment des pneumologues, des chirurgiens ORL, des neurologues, des pédiatres, des médecins du travail et des orthodontistes, aux côtés des symposiums, des ateliers et des séances de communications orales.
Comment prévenir les apnées du sommeil ?
Pour éviter le syndrome d’apnée du sommeil, il est utile d’adopter une bonne hygiène de vie, afin de réduire le risque de développement d’une obésité, premier facteur de risque d’apnée du sommeil ; supprimer les somnifères, car ils favorisent le relâchement musculaire pendant le sommeil, donc le ronflement et l’apnée ; et éviter le tabac. Un changement de position pendant le sommeil peut suffire à arrêter les apnées si elles ne surviennent que dans certaines positions, par exemple lorsque la personne dort sur le dos.
Kamel Bouaouina
Photo Berrazagua