Par Raouf KHALSI
C’est un travail de longue haleine et il s’inscrit dans la durée. Ce que le Chef de l’Etat appelle « guerre de libération nationale » c’est l’affranchissement d’un Etat purifié des stigmates d’une décennie où il a été tout bonnement clochardisé à la faveur du népotisme, de la partitocratie de laquelle émergeait la funeste capacité manœuvrière d’Ennahdha. S’est-on demandé pourquoi les islamistes de Rached Ghannouchi, à chaque formation de gouvernement durant cette décennie-là, ne se ruait pas tant sur les portefeuilles ministériels que sur les postes-clé des institutions publiques . Rugissant tantôt, faisant toujours dans la victimisation, le parti islamiste était finalement le maître des horloges au point qu’il est arrivé que le métabolisme du pays fût suspendu au seul mouvement des lèvres du « Cheikh suprême ». On se rappelle d’ailleurs du modus-vivendi du Bristol, là où Béji Caïd Essebsi était assuré d’avoir le palais de Carthage et Rached Ghannouchi, la mainmise sur le pays.
C’est à partir de là que, cautionné un premier temps par Moncef Marzouki, l’Etat profond gagnait en intensité et en sournoiserie. La révolution a vécu. Elle était déjà morte de sa belle mort et les jeune qui avaient renversé Ben Ali pour la dignité, l’emploi et contre la précarité en ont été spoliés.
Comment juguler les tentacules de cet Etat profond et comment anéantir la piovra ?
On s’attaque déjà aux emplois indus et à la purification des institutions publiques systématiquement infiltrées à cette époque-là et, à l’évidence, on a découvert plusieurs pots au roses. Mais cela reste insuffisant. Parce que le monde nouveau dont devait accoucher la révolution a tardé à apparaître et que les monstres ont jailli. Il faut dès lors en finir avec ce clair-obscur pour reprendre l’oxymore de Gramsci. Et cela suppose la totale déconstruction de cet Etat profond et d’en démanteler les leviers.
Cette guerre de libération nationale suppose aussi l’émergence d’un Etat dans le sens de l’ascèse caractérisant la démarche de Saied, un Etat qui soit l’émanation et l’expression de la vox populi, de la souveraineté nationale et conforme aux textes de la loi des lois qu’est la constitution. Avec le foisonnement des idées accompagnant l’émergence du nouvel Etat, nous sommes très près de l’agora de la cité grecque et les débats autour du projet de loi de finances 2025 l’ont illustré.
Bien entendu, les esprits chagrins se morfondent dans leur coin. Ils ne conçoivent pas un débat (l’agora précisément) en dehors des partis, ceux-là mêmes dont les confrontations clownesques auront annihilé une démocratie naissante dans des contours burlesques et avilissants. Le printemps arabe né à Tunis et mort à Tunis n’est plus qu’un fantasme. Et l’urgence maintenant tient à la reconstruction, à la demande d’Etat et à la déconstruction de l’Etat profond, grande supercherie et grande imposture d’une décennie de hautes turbulences.