Le ministère de l’Education a décidé de bannir l’utilisation des smartphones dans tous nos établissements scolaires. Des instructions ont été adressées à tous les directeurs pour qu’ils avertissent les élèves et les parents de l’interdiction de la détention des téléphones intelligents à l’intérieur des écoles et des lycées, s’ils ne veulent pas les voir confisquer. C’est la seule façon qui a été jugée efficace à ce jour, pour traiter ce problème.
L’interdiction de l’utilisation des smartphones et des téléphones mobiles intelligents et de tout autre équipement terminal de communication électronique comme les tablettes et les montres connectées dans les milieux scolaires, a été sur la sellette dans plusieurs pays occidentaux, comme la France, l’Italie, la Suisse, l’Australie, et ce depuis plusieurs années. Un sujet qui fait partie de leur occupation à ce jour. Tous sont unanimes pour affirmer que l’emploi du téléphone portable dans les classes des écoles, des collèges et même dans les lycées, dérange gravement le déroulement des cours et parasite la qualité d’écoute et de concentration lors de l’exercice des différentes activités scolaires. En outre, son usage non autorisé et souvent abusif, serait à l’origine d’incivilités et de perturbations au sein des établissements scolaires et diminue la qualité de la vie collective pourtant nécessaire pour l’épanouissement des élèves. Enfin, les téléphones portables peuvent susciter la convoitise, des tentations de racket ou de vol entre camarades et sont des outils puissants et instantanés de cyberharcèlement et facilitent l’accès des jeunes aux images violentes et pornographiques via internet.
Rappelons que la Tunisie a elle aussi pris conscience de la gravité du sujet et ce depuis quelques années. Une décision judiciaire a été prononcée en septembre 2018 par le tribunal de première instance de Tunis 1 interdisant l’utilisation des smartphones dans les établissements éducatifs, les jardins d’enfants et les garderies scolaires dans l’ensemble du pays. De son côté, le ministère de l’Education a décidé en 2019, d’interdire l’usage des téléphones portables aux élèves du primaire, à partir de l’année scolaire 2019-2020. Mais, il ne suffit pas de le souhaiter pour qu’un vœu devienne réalité.
Pour encadrer l’emploi des smartphones en milieu scolaire, il est indispensable que la loi autorise les actions à entreprendre, et que les règlements et les procédures qui en découlent, spécifient les modalités de les exécuter sans aucune ambiguïté et en dehors de toute interprétation. Le sujet étant délicat, laisser la place à l’appréciation personnelle ou émotionnelle risque d’engendrer d’autres formes de violences, en cas d’une mauvaise gestion avérée de la mise en œuvre de cette interdiction. Et quand même on doit autoriser la confiscation du téléphone portable d’un élève, il faut traiter l’acte comme une punition autorisée par la loi et par le règlement, et non pas comme une mesure systémique pour interdire l’emploi des téléphones intelligents. Il faut bien rappeler dans ce cadre que notre ministère de l’éducation a estimé en 2018 que la mise en application de la décision de justice pourrait être envisagée quand celle-ci devient définitive.
Le règlement intérieur des établissements scolaires doit être révisé en conséquence, la réponse doit être réfléchie et collective.
Il faut impérativement arrêter les règles appropriées à respecter par les différents membres de la famille éducative, et la confiscation des téléphones doit faire partie de la liste des punitions prévues en cas du non-respect des règles établies, et préciser les personnels ayant autorité pour le faire. Les modalités de confiscation et de restitution doivent être également inscrites dans ce règlement intérieur. Il est utile de rappeler que les smartphones peuvent contenir des données et des informations personnelles protégées par la loi, et la confiscation du téléphone mobile d’un élève ne doit se poursuivre au-delà de la fin des activités d’enseignement prévues au cours de la journée.
Chercher toujours des boucs émissaires lorsqu’on se trouve en face d’un drame ou choisir de jouer la carte des décisions spectaculaires et des sentiments pour amortir le choc psychologique et émotionnel auprès de l’opinion publique, ne pourrait être la bonne réponse. Les jeunes et même les adultes deviennent de plus en plus accros aux réseaux sociaux, et on est tous, les parents en premier, responsables en cas d’un mauvais usage.
L’addiction aux smartphones : source d’inquiétude pour toutes les sociétés
Une étude de l’OMS publiée en septembre 2024 révélait qu’en 2022, 11 % des adolescents montraient des signes d’utilisation problématique des réseaux sociaux. Ils n’étaient que 7 % quatre ans plus tôt. Ces adolescents présentaient des symptômes similaires à ceux de l’addiction : incapacité à contrôler son utilisation excessive, sensation de manque et abandon d’autres activités au profit des média sociaux et conséquences négatives d’une utilisation excessive dans la vie quotidienne. Cependant, partout dans le monde, on est en train de prendre conscience de la gravité de cette situation et de mettre en œuvre des mesures de plus en plus restrictives quant à l’emploi des réseaux sociaux par les mineurs pour essayer de s’attaquer à l’addiction aux réseaux sociaux des plus jeunes. Des pays comme l’Espagne ou l’Italie cherchent à interdire l’accès aux réseaux sociaux aux mineurs ou interdire l’emploi des téléphones, des tablettes et des ordinateurs dans les écoles et les lycées, même à des fins didactiques et encouragent le retour aux moyens d’enseignement, classiques.
Il est important d’éviter les décisions spectaculaires qui risquent d’aller en contre sens ou de provoquer des effets pervers. La solution ne réside pas dans l’acte de la stricte interdiction, mais dans la prévention des risques des mauvais usages et dans l’éducation à un emploi responsable et utile des outils numériques, à l’intérieur et en dehors des écoles, et dans la promotion d’un cadre réglementaire clair et équitable. La question des téléphones portables et des réseaux sociaux en milieu scolaire ne peut être traitée non plus par des mesures ponctuelles ou émotionnelles. Elle nécessite une réflexion approfondie, associée à une volonté collective de protéger nos enfants dans le cadre de la mise en œuvre d’une stratégie globale et durable devant être élaborée et conduite avec le concours de tous les intervenants concernés : spécialistes, éducateurs, parents et élèves, en agissant à la fois sur les aspects éducatifs, culturels, sociaux
Par Ridha Zahrouni (président de l’Association tunisienne des parents et des élèves)