Par Slim BEN YOUSSEF
La Tunisie est un pays à l’histoire plusieurs fois millénaire. Son ciel est une lueur ancienne. Le passé y transpire. Sa terre, en deçà des multiples civilisations qui s’y sont succédé, est le spectacle lumineux, ensoleillé, atmosphérique, natal, ultime de l’Afrique. Notre pays, antique Afriqiyah qui a donné son nom au continent (certains ont tendance à l’oublier), a toujours été fière de son appartenance à l’Afrique. Les couleurs continentales s’ajoutent à la lumière liquide et franche qui baigne les rochers et les toits de notre minuscule pays. Et les villages perdus dans les plaines contiennent des traces qui ne se dissimulent pas : odeurs, couleurs, matières, lumières… tout ce qui « peint » notre pays est africain.
La Tunisie, ce n’est pas un pays africain, c’est l’Afrique. N’empêche : pour des raisons qui souvent nous dépassent, la politique étrangère de notre nation a quelquefois eu tendance, à certains moments de son histoire contemporaine, à dévier de ses constantes africaines. La faute à un monde unipolaire bâti une fois par les puissances coloniales et dont l’héritage néocolonial et impérialiste continue à remuer ciel et terre en vue de déraciner toute authenticité dans le Sud global, auquel nous appartenons.
Mais l’époque où une seule puissance impérialiste ou deux dictaient la loi au monde est à jamais révolue. Aujourd’hui, les peuples du Sud, dont l’aspiration au développement et à la prospérité n’a jamais été aussi forte, doivent miser sur les valeurs de la souveraineté et du compter sur soi et se serrer les coudes entre eux afin de bâtir un nouveau monde multipolaire, plus juste et équitable, où réaliser la modernité est un droit inaliénable de tous les pays et non un privilège de certains. Sur le plan diplomatique, la Tunisie poursuit ses efforts pour rétablir son aura sur la scène africaine et cherche désormais à diversifier ses alliances en Afrique, en renforçant sa coopération avec les pays du continent. Notre nation mise sur un positionnement stratégique axé sur la souveraineté politique et économique.
Cette dynamique s’inscrit dans une tendance plus large au sein du continent, où plusieurs pays militent pour une plus grande indépendance vis-à-vis des puissances occidentales. L’Union africaine tente également de jouer un rôle plus actif sur la scène internationale, notamment en plaidant pour une autonomie stratégique plus affirmée notamment dans les plateformes onusiennes, y compris le Conseil de sécurité. Toutefois, les divisions internes entre les États membres ralentissent la mise en place de véritables alternatives aux dépendances géopolitiques et économiques existantes. L’Afrique et ses peuples qui ont subi tout au long de l’histoire, les affres des guerres, des conflits et le pillage de leurs richesses naturelles, continuent, aujourd’hui, de subir des souffrances, alors que le rêve des pères fondateurs lors de la création de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) était que l’Afrique soit aux Africains.
Aujourd’hui, le mot d’ordre est la répétition d’une découverte de notre essence africaine : plutôt que réaffirmation, plutôt que reconnaissance, il faut peut-être dire plus simplement resurgissement de notre africanité.