Le Ramadan est le mois de toutes les tentations alimentaires. Pourtant, la réalisation d’un repas équilibré est facile. Plusieurs heures de jeûne pendant Ramadan, suivies d’un repas copieux, ont un impact négatif sur la digestion, le sommeil, la prise de poids… Trop de maux provoqués par un ennemi : la malbouffe. Et si on lui disait adieu une fois pour toute ? Il y a de quoi festoyer ! Chaque soir durant le mois de Ramadan, à l’heure du repas de la rupture du jeûne (qu’on appelle ftour ou iftar), les tables sont toujours généreusement garnies. Ces mets, bien que délicieux, n’en demeurent pas moins des bombes caloriques. Trop de sucre, de gras, d’huile… un cocktail à haut risque pour la ligne et la santé, comme le précise Nihel El Béji, nutritionniste.
Le Temps.news : Le jeûne prolongé suivi d’un repas copieux peut-il nuire à la digestion, au sommeil et favoriser la prise de poids ?
Nihel El Béji : Le Ramadan impose un rythme alimentaire particulier qui modifie nos habitudes et notre métabolisme. Après plusieurs heures sans apport calorique, le système digestif est en veille. Lui imposer un repas copieux d’un coup, souvent riche en fritures et en sucres, peut engendrer des désagréments digestifs comme des ballonnements, des reflux gastriques et une sensation de lourdeur. Sur le plan métabolique, un apport massif de calories en un temps réduit peut favoriser une prise de poids, d’autant plus si l’activité physique est réduite. Par ailleurs, un dîner trop riche en gras et en sucres rapides peut perturber le sommeil, provoquant des réveils nocturnes et une sensation de fatigue accrue en journée. En somme, ce n’est pas le jeûne en lui-même qui est problématique, mais la manière dont il est rompu.
Que faut-il privilégier au repas du soir ?
L’idéal est de fractionner le repas en plusieurs étapes afin de ne pas surcharger l’estomac d’un coup. Lors de la rupture du jeûne, il faut prendre 1 à 3 dattes accompagnées d’un verre d’eau ou de lait fermenté constituent une excellente option. Les dattes apportent de l’énergie rapidement disponible et des minéraux, tandis que le lait permet de limiter la montée rapide du sucre dans le sang. Pour l’entrée, une soupe légère comme la chorba, tchich ou un potage de légumes permet de réhydrater l’organisme tout en fournissant des fibres, des minéraux et des protéines. Elle est accompagnée d’une brick au four, grillée ou à l’air frayer ou tagine ou protéine sous forme de grillades, une salade de légumes crus préférablement, allégée en sel et en matières grasses. Le plat principal doit être équilibré comprenant une source de protéines (viandes maigres, poisson, œufs, légumineuses), des légumes variés pour l’apport en fibres et des glucides complexes comme du pain complet, du riz basmati ou du quinoa ou du bourgoul…
Quelles sont les erreurs fréquentes à éviter ?
Manger trop rapidement et en grande quantité et consommer des fritures en excès, ce qui ralentit la digestion et alourdit l’estomac. Il ne faut pas boire trop de sodas ou de jus sucrés, qui provoquent des pics d’insuline et accentuent la fatigue.
Peut-on réduire la malbouffe progressivement pendant le Ramadan ?
Il est même préférable d’adopter une transition en douceur pour ne pas ressentir de frustration. Quelques ajustements simples permettent d’améliorer la qualité de l’alimentation sans renoncer au plaisir de manger. Il faut réduire progressivement la consommation de sucres et de fritures, en remplaçant par des alternatives plus saines comme par exemple, privilégier les desserts à base de fruits secs et limiter les pâtisseries trop sucrées, opter pour des modes de cuisson plus sains, comme la cuisson au four, à la vapeur ou à l’air fryer, introduire davantage de légumes et de fibres, qui favorisent la satiété et améliorent la digestion, éviter les excès de sel et de sucres cachés, notamment dans les boissons industrielles et les sauces. L’idée n’est pas de tout supprimer, mais d’instaurer un meilleur équilibre pour profiter des repas sans excès.
Quels sont vos conseils pour le souhour, une partie importante de la ration alimentaire journalière ?
Le souhour joue un rôle essentiel pour tenir toute la journée sans ressentir de fringales ni de baisse d’énergie. Il doit être conçu de manière à apporter une énergie durable tout en évitant la déshydratation. À privilégier : des glucides complexes : pain complet, bsissa, sorgho, ou flocons d’avoine qui libèrent leur énergie lentement ; des protéines : oeufs, yaourt nature, fromage frais, qui permettent de prolonger la sensation de satiété ; des bons lipides : fruits à coque (amandes, noix), graines de chia ou huile d’olive, qui apportent des acides gras essentiels. L’hydratation doit être suffisante : eau, infusion ou lait végétal pour éviter la déshydratation pendant la journée. À éviter : les aliments trop salés, qui favorisent la soif et aussi les sucres rapides, qui provoquent une sensation de faim prématurée. Le café en excès a un effet diurétique et peut accentuer la déshydratation. En choisissant des aliments digestes et énergétiques, on assure un meilleur confort pendant la journée de jeûne. Le Ramadan est une occasion idéale pour adopter de meilleures habitudes alimentaires. En privilégiant des repas équilibrés, en réduisant les excès de sucre et de graisses, et en portant une attention particulière à l’hydratation, il est possible de profiter de ce mois tout en prenant soin de sa santé.
Interview par Kamel BOUAOUINA
Photo Berrazagua