Si l’intelligence artificielle offre des opportunités pour améliorer la productivité et transformer le monde du travail, son intégration dans les organisations soulève des défis importants en termes d’autonomie des travailleurs, de travail collectif et de préservation de l’expertise humaine. L’IA est-elle une opportunité ou une menace pour les artisans ? C’est dans ce cadre que le Hub Design de Nabeul a organisé un atelier intitulé « L’intelligence artificielle au service de l’artisanat », animé par Mohamed Ali Hadhri, professeur technologue IT, et Sofiane Abdesselam, consultant auprès de l’ONUDI, qui ont mis en exergue le rôle structurant de l’intelligence artificielle (IA) dans l’accompagnement des artisans.
Ils ont souligné que l’IA représente un levier stratégique pour accompagner les artisans, renforcer la compétitivité du secteur et consolider sa pérennité. L’atelier s’inscrit dans la stratégie de l’Office national de l’artisanat tunisien (ONAT) visant à former les artisans aux technologies émergentes, afin d’assurer la durabilité du secteur et d’améliorer sa position sur les marchés internationaux.
La machine ne remplacera jamais la créativité des artisans
L’artisanat demeure un domaine où les compétences manuelles et la créativité humaine sont irremplaçables. Aucune machine ne pourra reproduire le coup de main, l’inventivité ou le talent singulier de nos artisans.
Pourtant, comme l’a rappelé Sofiène Abdessalem, consultant auprès de l’ONUDI, l’IA s’impose peu à peu dans tous les secteurs, y compris l’artisanat.
« Cette technologie trouve aujourd’hui des applications concrètes et bénéfiques pour les artisans. Elle ouvre de nombreuses perspectives, aussi bien pour le présent que pour l’avenir de la filière », a-t-il souligné.

En s’ouvrant aux technologies émergentes, les artisans peuvent non seulement améliorer leur productivité, mais aussi renouveler leur créativité et enrichir leur relation avec la clientèle. Aujourd’hui, l’intelligence artificielle est déjà utilisée pour optimiser plusieurs aspects du travail artisanal.
Les outils de conception assistée par ordinateur (CAO), enrichis d’algorithmes d’IA, permettent de créer des modèles plus précis et plus innovants. Ces logiciels analysent des milliers de variantes pour proposer des améliorations ou des alternatives, allégeant le processus de création tout en stimulant l’inspiration.
L’IA devient aussi un allié stratégique dans le domaine commercial : création automatisée de contenus textuels ou visuels, planification de publications sur les réseaux sociaux, rédaction de newsletters… autant d’applications qui redéfinissent les contours du métier.
Cette (r)évolution technologique, bien que prometteuse, impose un défi majeur : préserver l’humanité du geste. Car si l’IA est un outil puissant, elle reste dépourvue de sensibilité, d’intuition et d’émotion. Dans la fabrication d’un vase, par exemple, seule la main humaine sait imprimer cette irrégularité signifiante, cette singularité artistique qui donne sa valeur à l’objet.
« J’encourage vivement les artisans à explorer les potentialités de cette technologie, à l’intégrer à leur pratique tout en conservant la maîtrise du processus créatif. »
L’IA, un levier d’optimisation
Cette technologie représente un véritable levier d’optimisation. Comme l’a souligné Mohamed Ali Hadhri, professeur en technologies de l’information, elle permet d’automatiser les tâches répétitives ou chronophages qui accaparent les artisans, leur libérant ainsi du temps pour se consacrer pleinement à la création manuelle.
Concrètement, l’IA peut assister l’artisan dans la prise de rendez-vous, l’envoi d’e-mails de suivi à ses clients ou encore la gestion de la facturation.

Un système d’intelligence artificielle peut automatiser la planification et le rappel des rendez-vous, libérant ainsi un temps précieux pour l’artisan. Il peut aussi faciliter la gestion des stocks de matériaux, le suivi des commandes, voire anticiper les besoins en approvisionnement à partir des historiques de ventes. Ce type d’analyse permet d’éviter les ruptures ou les surcharges inutiles.
L’IA se révèle également utile pour affiner les campagnes marketing : en analysant les comportements d’achat en ligne, elle permet d’ajuster les messages publicitaires pour atteindre un public plus ciblé. Loin de représenter une menace, l’intelligence artificielle peut devenir une alliée stratégique au service de l’artisan, une véritable opportunité d’innovation et de croissance.
L’IA : de nouvelles voies pour l’artisanat
À l’ère du numérique et de la transformation technologique, l’intelligence artificielle fait son entrée dans l’univers artisanal, bousculant les méthodes traditionnelles de conception, de production et de valorisation du patrimoine.
Pour Habib Chabouh, céramiste, « loin d’être une menace, l’IA constitue un formidable levier de création et d’innovation pour les artisans. Elle leur permet non seulement d’améliorer leur productivité, mais aussi de repousser les limites de l’imaginaire. »
Grâce aux algorithmes génératifs, il devient possible de tester en un clin d’œil des variations de design, de transformer des esquisses en motifs originaux et de proposer des pièces sur mesure, pensées en fonction des désirs du client.

Bien qu’encore à ses débuts, l’intelligence artificielle laisse entrevoir un immense potentiel pour répondre aux défis actuels et futurs du secteur artisanal. Elle permet de passer de l’idée au prototype en un temps record, tout en révélant comment l’alliance entre le savoir-faire traditionnel et les technologies de pointe peut profondément transformer les pratiques.
Grâce à l’analyse en temps réel des données, l’IA anticipe les tendances du marché et affine les stratégies commerciales des producteurs. Cette dynamique ouvre de nouvelles perspectives : renforcer la compétitivité de l’artisanat tunisien à l’international et offrir aux artisans des passerelles vers une pleine participation à l’économie numérique.
L’IA, l’artisanat et les métiers de demain
L’intelligence artificielle transforme profondément le marché du travail. Et, contrairement à certaines idées reçues, elle ouvre des perspectives prometteuses pour tous les profils, à un horizon proche. Ce secteur en plein essor génère des débouchés dans des domaines très divers : production, design, marketing, logistique ou encore commerce. De nouveaux métiers voient le jour, comme les prompt engineers – qui conçoivent les instructions pour les outils d’IA générative –, les data scientists ou encore les experts en cybersécurité.
Mais cette transition technologique soulève aussi des inquiétudes légitimes, notamment sur l’avenir de certaines professions. Pourtant, de nombreux métiers restent, pour l’heure, hors de portée des machines. C’est le cas des métiers de l’artisanat, où l’intelligence de la main demeure irremplaçable. Potiers, céramistes, nattiers : tous mobilisent un savoir-faire manuel et une sensibilité esthétique que la technologie, aussi avancée soit-elle, ne peut reproduire.
Kamel BOUAOUINA
