Les chiffres révélés ces derniers jours par le Centre Mahmoud Yacoub d’aide médicale d’urgence ne laissent pas indifférent. Sur les 1100 patients pris en charge annuellement, nous comptons 600 adolescents dépendants aux drogues ou à l’alcool frelaté. Comment faire pour réduire ce nombre et persuader nos jeunes pour éviter ces vecteurs empoisonnés de mort lente et douloureuse ?
En marge des troisièmes Journées scientifiques de la toxicologie organisée par le Centre Mahmoud Yacoub d’aide médicale d’urgence, une révélation a choqué quasiment la totalité des participants, tellement elle donne du froid dans le dos : sur les 1100 patients pris en charge annuellement par ce centre, 600 adolescents sont dépendants aux drogues ou à l’alcool frelaté.
C’est dire que la côte d’alerte est atteinte et la situation, qui empire d’une année à l’autre, nécessite de renforcer les campagnes de sensibilisation ainsi que la coopération avec les autres structures nationales spécialisées dans la lutte contre les addictions. Selon l’une des responsables de ce centre, les patients accueillis se présentent généralement en état de surconsommation de drogues ou d’eau de Cologne au méthanol (alcool frelaté), et que le personnel médical et paramédical intervient pour leur prodiguer les soins nécessaires possibles avant de les orienter, à leur demande, vers des centres spécialisés de désintoxication.
La spécialiste a particulièrement mis en garde les adolescents contre les complications de santé graves liées à la consommation d’alcool frelaté, notamment la cécité (perte totale et irréversible de la vue), une condition que les médecins ne peuvent malheureusement pas traiter.
Au niveau de l’action gouvernementale dans ce domaine, il y a lieu de rappeler la mise en marche d’un plan élaboré pour faire face à cette amère réalité. Dans une démarche significative visant à contrer l’une des menaces les plus graves pesant sur la société tunisienne, le ministère de la Famille, de la Femme, de l’Enfance et des Personnes âgées a lancé l’Initiative nationale de prévention des risques liés aux drogues.
Cette action « s’inscrit dans le cadre des décisions du Président de la République pour lutter contre les phénomènes émergents et les comportements à risque liés à la consommation de drogues. Il s’agit du fruit d’une large coordination dirigée par le ministère avec d’autres structures publiques. Ainsi, un comité national participatif a été mis en place, regroupant les ministères concernés à savoir la Santé, la Justice, l’Intérieur, l’Éducation, les Affaires sociales, les Affaires religieuses et l’Enseignement supérieur et ce dans le cadre d’une approche globale allant au-delà de l’aspect sécuritaire, pour inclure les dimensions de sensibilisation, culturelles et sociales.
Une mobilisation plus large et plus « écoutée »
Etant donné que la lutte contre ce fléau exige une approche sociétale participative, car, qu’on le veuille ou pas, les seules approches sécuritaires ou judiciaires étant insuffisantes, un tel combat ne peut être mené qu’à travers une action commune entre tous les ministères concernés. Et c’est pour cette raison que des capsules de sensibilisation ont été diffusées avec la participation volontaire d’influenceurs issus des milieux sportif, culturel et médiatique. Par ailleurs, des activités variées ont été organisées à destination de tous les âges, dans divers espaces : établissements éducatifs et religieux, festivals, plateformes numériques, etc.
S’agira-t-il, comme ce fut le cas pour des initiatives similaires, d’un simple clin d’œil sans véritable suite dans les idées ?
A ce propos, les initiateurs de cette nouvelle initiative insistent sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une simple campagne médiatique ponctuelle, puisqu’elle s’inscrit dans une stratégie nationale durable. Grâce à la synergie entre les ministères, les médias et la société civile, elle ambitionne de proposer des solutions efficaces pour immuniser la société tunisienne contre ce danger croissant.
De même, les organisateurs de cette rencontre ont insisté sur un fait à priori anodin mais en réalité plus qu’important. Cela se situe au niveau des idées fausses largement répandues parmi les jeunes concernant la drogue. Ils pointent du doigt des termes tels que « drogue douce », expression qui désigne notamment le cannabis, souvent perçu, à tort, comme inoffensif. Les spécialistes insistent, à ce propos, sur la nécessité de déconstruire ces idées, affirmant que « toutes les drogues ont des effets néfastes, quel que soit leur type ». À cet égard, le ministère de la Santé organisera des campagnes de sensibilisation, avec la participation de spécialistes en psychiatrie.
Pour plus de centres spécialisés
Aujourd’hui, les chiffres et les faits sont évidents pour nous faire découvrir la réalité de ce fléau dans notre société. Certes, l’Etat en est conscient, mais les initiatives demeurent espacées et parfois infructueuses, ne mobilisant les moyens nécessaires que pour un court moment. Ainsi, on compte très peu de centres spécialisés contre la consommation de drogue et chargés de prendre en charge les jeunes qui s’y laissent glisser.
Les centres actuellement disponibles ne sont pas suffisants pour arrêter l’hémorragie. Certes, ils accueillent un bon nombre de victimes des drogues, et ce type de traitement permet d’éviter une hospitalisation longue et contraignante, mais pas toujours efficaces en matière de sevrage, sauf dans 30% des cas environ, lorsque les malades ont besoin d’une aide psychologique ou médicale spécifique.
Ainsi, les toxicomanes qui ont la chance d’être dirigés vers ces centres pourront progressivement reprendre une “vie normale”, mais d’autres, et ils sont malheureusement nombreux, n’auront pas la même chance d’être rapidement récupérés et soignés.
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Kamel ZAIEM
Pavé : Au niveau de l’action gouvernementale dans ce domaine, il y a lieu de rappeler la mise en marche d’un plan élaboré pour faire face à cette amère réalité. Dans une démarche significative visant à contrer l’une des menaces les plus graves pesant sur la société tunisienne, le ministère de la Famille, de la Femme, de l’Enfance et des Personnes âgées a lancé l’Initiative nationale de prévention des risques liés aux drogues.
Cette action « s’inscrit dans le cadre des décisions du Président de la République pour lutter contre les phénomènes émergents et les comportements à risque liés à la consommation de drogues. Il s’agit du fruit d’une large coordination dirigée par le ministère avec d’autres structures publiques. Ainsi, un comité national participatif a été mis en place, regroupant les ministères concernés à savoir la Santé, la Justice, l’Intérieur, l’Éducation, les Affaires sociales, les Affaires religieuses et l’Enseignement supérieur et ce dans le cadre d’une approche globale allant au-delà de l’aspect sécuritaire, pour inclure les dimensions de sensibilisation, culturelles et sociales.