Un forum s’est tenu à la cité de la culture Chedli Klibi, du 26 au 28 mai 2025, auquel ont participé, outre des responsables gouvernementaux, des acteurs économiques, des organisations internationales et des jeunes entrepreneurs. Au cœur des discussions : « l’intelligence artificielle au service de la responsabilité sociétale des entreprises ». Dans un monde où les inégalités économiques et sociales se creusent, l’Économie sociale et solidaire (ESS) apparaît comme une alternative crédible au modèle libéral classique. Fondée sur des principes de solidarité, de coopération et de gouvernance démocratique, elle vise non pas la maximisation du profit, mais la satisfaction des besoins humains et le développement équitable des territoires.
En Tunisie, l’ESS se positionne de plus en plus comme un acteur clé de la justice sociale. Ce forum représente une opportunité pour harmoniser les efforts des institutions publiques, de la société civile et des acteurs économiques.
Les sujets évoqués ont notamment porté sur l’autonomisation des jeunes, l’innovation sociale et les mécanismes de financement durables. Des questions destinées à faire face aux défis socio-économiques actuels du pays. En effet, le taux de chômage des jeunes reste élevé, notamment chez les diplômés (plus de 30 %) selon les données de l’Institut national des statistiques (INS). Une situation face à laquelle se présentent plusieurs enjeux consistant essentiellement à renforcer les compétences numériques et entrepreneuriales, favoriser l’accès équitable au financement et encourager la participation citoyenne et politique des jeunes. Quant à l’innovation sociale, elle désigne les initiatives visant à répondre à des besoins sociaux de manière plus efficace, participative et durable ainsi que les solutions traditionnelles, à l’instar des startups et des sociétés communautaires, notamment dans les régions rurales. Il s’agit de miser sur la jeunesse comme moteur d’innovation et de changement social et de soutenir l’entrepreneuriat social. Cela ne peut se réaliser que par un cadre légal, fiscal et financier adapté. Telle est la stratégie nationale destinée à renforcer la résilience économique, sociale et environnementale du pays.
Trouver le bon équilibre entre RSE et IA
Les entreprises sont de plus en plus appelées à intégrer la responsabilité sociétale (RSE) dans leur stratégie globale. Dans ce contexte, l’intelligence artificielle (IA) représente un levier puissant pour renforcer leurs engagements en matière sociale, environnementale et éthique. De la gestion intelligente des ressources à la transparence accrue des chaînes d’approvisionnement, en passant par le suivi en temps réel des indicateurs RSE, l’IA permet d’optimiser les pratiques et de mieux répondre aux attentes des parties prenantes. Encore faut-il accompagner cette transition technologique d’un cadre réglementaire clair et d’une culture numérique inclusive, afin que l’IA devienne un outil de progrès équitable et durable au service de l’intérêt général. « L’IA peut apporter beaucoup à la RSE, et inversement. La question centrale est de trouver le bon équilibre entre ces deux domaines », a déclaré aux médias Khaled Ghédira, l’un des participants à ce forum, expert en IA. Il a cité l’exemple « des jeunes qui ont développé un Chatbot, utilisant l’IA pour aider les citoyens à accéder aux services de Tunisie Télécom ». Un « chatbot » est un programme informatique conçu pour simuler une conversation avec un humain, que ce soit par écrit ou oralement par la voix. Il peut être intégré dans des sites web, des applications ou des services de messagerie. Le programme du forum est organisé par le ministère de l’Économie et de la Planification, en collaboration avec l’Organisation internationale du travail (OIT) et la Délégation de l’Union Européenne. Au programme, des sessions techniques, des ateliers thématiques et un village ESS mettant en valeur les innovations locales.
Que peut apporter l’IA à l’ESS ?
L’ESS regroupe les coopératives, mutuelles, associations, fondations, entreprises sociales, dont le but principal n’est pas le profit, mais l’utilité sociale, l’insertion, le développement local, la solidarité, ou l’éducation Elle repose sur des valeurs de solidarité, de démocratie et de transparence. L’IA peut accélérer l’impact social des acteurs de l’ESS et ce, à plusieurs niveaux dont l’amélioration de la gestion et de l’efficience, avec l’automatisation de tâches administratives et l’optimisation logistique. Toutefois, L’émergence rapide de l’IA soulève de nombreux enjeux croisés avec les principes de la RSE et les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Ces dimensions, bien que différentes dans leurs approches, convergent autour d’un impératif commun : le développement durable, éthique et inclusif. Parmi ces enjeux, il y a ceux liés à l’emploi et la transformation du travail, notamment avec l’automatisation de tâches répétitives et le risque de destruction d’emplois peu qualifiés. D’où l’obligation pour les entreprises de soutenir une transition juste et inclusive vers l’économie numérique. Ainsi l’IA peut être un levier puissant pour accélérer les engagements RSE et ESG, mais seulement si elle est conçue et déployée de manière responsable, transparente et équitable. Bref, il s’agit selon Ghédira de trouver le bon équilibre entre IA, RSE et ESG et ce, dans le but de concilier innovation et responsabilité. Cela n’est pas un frein, mais un facteur de performance durable. Cela suppose essentiellement, une culture d’entreprise éthique et une vision long terme. C’est dans cette logique que le pays trace une voie nouvelle, fondée sur une conception du développement économique plus équitable et porteuse de justice sociale.
Ahmed NEMLAGHI