A entendre parler les représentants de l’Association tunisienne des jeunes médecins, on a l’impression que rien n’a été fait ou entrepris pour rapprocher les points de vue entre l’association et le ministère de la Santé et surtout pour éviter la grève de cinq jours programmée pour le 12 juin courant.
A cet effet, Wajih Dhakkar, le président de l’Association tunisienne des jeunes médecins, a confirmé l’intention de l’association de mettre en exécution sa décision de mener une grève générale touchant l’ensemble des établissements de santé publique, pour une durée de cinq jours, à partir du 12 juin courant.
Plus grave encire, Dhakkar a précisé que cette décision s’accompagne d’un boycott de la procédure de sélection des centres de stage, ce qui entraînera automatiquement l’absence totale des jeunes médecins dans les hôpitaux publics à partir du 1er juillet prochain. Une situation qui ne ferait qu’aggraver la crise déjà existante au sein des établissements de santé, lesquels souffrent, déjà, d’un manque flagrant de personnel médical et paramédical.
Voyons de près quelles sont les revendications précises et urgentes des jeunes médecins. On y trouve, particulièrement :
*L’amélioration des conditions du service civil, notamment par la revalorisation de la prime dédiée, en alignement avec celle versée aux autres jeunes effectuant leur service national dans le cadre d’affectations individuelles, qui continuent de percevoir l’intégralité de leurs salaires d’origine.
*L’application effective des critères d’exemption du service civil pour les jeunes médecins.
*La fixation de délais clairs pour la suppression progressive du caractère obligatoire du service civil, d’autant plus que le nombre de médecins engagés sous contrat dans les zones prioritaires est en constante augmentation.
Les revendications touchent également le côté matériel, c’est-à-dire la situation matérielle des jeunes médecins. L’OTMJ insiste également sur la nécessité d’une revalorisation des indemnités liées à la formation et aux stages médicaux, incluant :
*L’augmentation des primes d’hébergement et de stage,
*L’attribution d’une prime de risque biologique,
*Le paiement immédiat de tous les arriérés relatifs aux heures de permanence.
Ces revendications visent, selon l’Organisation, à reconnaître à leur juste valeur l’engagement scientifique et humain des jeunes médecins dans un système de santé en difficulté.
Quelle a été la réaction des autorités compétentes vis-à-vis de ces revendications et ont-elles été prises en compte durant les négociations ? A priori, le dialogue de sourds se poursuit puisqu’il n’y a à l’horizon, du moins jusqu’à présent, aucun signe d’apaisement, ce qui a fait dire à Wajih Dhakkar que « cette action de protestation intervient après plusieurs tentatives de dialogue infructueuses avec les autorités concernées. L’association est lasse de l’indifférence des pouvoirs publics face à nos revendications légitimes ».
Des chiffres différents !
Dans le camp opposé, les données et les chiffres présentés ne sont pas les mêmes. Lors d’une séance plénière au Parlement, Mustapha Ferjani, le ministre de la Santé, a dressé un état des lieux des rémunérations des médecins dans la santé publique, en particulier dans les régions de l’intérieur, au mois de mai 2025. Il a notamment dévoilé les salaires des jeunes médecins.
Selon le ministre, un médecin perçoit une prime mensuelle de 1 250 dinars, à laquelle s’ajoutent 200 dinars versés par le ministère de la Défense, soit un total de 1 450 dinars. Le gouvernement prévoit d’augmenter cette rémunération pour l’aligner sur celle des médecins résidents, dont le salaire mensuel est actuellement de 1 794,5 dinars pour les premières et deuxièmes années, et de 1 950 dinars pour les troisièmes et quatrièmes années.
Concernant les primes de garde, un résident touche 80 dinars par garde, tandis qu’un interne (bac+6) perçoit 48 dinars en plus de sa prime mensuelle de 1 545 dinars. La prime des zones prioritaires varie selon les régions : 350 dinars dans les gouvernorats de Béja, Zaghouan, Nabeul et Bizerte ; 750 dinars dans les autres régions de l’intérieur, à l’exception de Ben Guerdane et Tataouine où elle atteint 1 000 dinars.
D’après le ministre, ces rémunérations restent temporaires indiquant qu’après l’obtention du diplôme, un médecin perçoit 600 dinars par garde en plus d’un salaire mensuel de 3 000 dinars dans les zones classées 3. Il a également souligné que les primes tunisiennes sont plus élevées que celles des médecins en Algérie, au Maroc ou en Égypte.
Enfin, le ministre a reconnu un retard dans les paiements, précisant toutefois que tous les personnels finissent par être payés, avec un rythme de paiement trimestriel dans les hôpitaux.
A présent, que les avis, dans un camp comme dans l’autre, ne sont pas partagés, et que les chiffres révélés sont loin d’être similaires, verra-t-on une initiative de dernière minute surgir pour rapprocher les points de vue et mettre tout le monde d’accord ?
C’est que la sagesse doit primer dans un tel cas, s’agissant d’un secteur aussi sensible car, qu’on le veuille ou pas et nonobstant les intérêts et les priorités des uns et des autres, une telle grève ne doit pas avoir lieu dans un pays qui se soucie de la santé de ses citoyens et dont l’Etat prône la préservation des intérêts vitaux du citoyen avant toute autre considération.
Kamel ZAIEM