Le syndicat des cadres et des agents de la Société Tunisienne de Sidérurgie « El-Fouladh » ont annoncé, hier, le report de la grève initialement prévue pour le jeudi 12 juin au 28 août prochain, suite à une séance de conciliation « positive » durant laquelle des représentants du gouvernement ont annoncé qu’un plan de sauvetage de l’entreprise sera présenté à un conseil ministériel, qui devrait se tenir dans les plus brefs délais.
Tenue en présence de représentants de la présidence du gouvernement, du ministère des Finances, de la Direction générale de la société ainsi que du secrétaire général de l’UGTT chargé des établissements publics et des membres du syndicat, la réunion de conciliation a également permis de passer en revue les revendications de la partie syndicale, qui appelle notamment à faire bénéficier les employés d’El-Fouladh des avantages prévus par le décret n°85-1177 du 24 septembre 1985, fixant la liste des catégories d’ouvriers accomplissant des tâches pénibles et insalubres ainsi que la régularisation de la situation des agents et des cadres qui occupent des fonctions supérieures à leur classement professionnel figurant dans l’organigramme l’entreprise.
Le syndicat réclame par ailleurs la mise en œuvre des programmes de recrutement approuvés durant les années précédentes pour éviter l’arrêt des activités de la société, et la révision à la hausse de l’indemnité de départ à la retraite.
La principale revendication concerne cependant la levée des incertitudes qui planent autour de l’avenir de la société El-Fouladh, dont la situation financière et sociale ne cesse de se détériorer et l’élaboration d’un plan de sauvetage pour éviter la cessation des activités.
Naguère considérée comme un fleuron de l’industrie nationale, la société ne couvre actuellement que 6 à 7% des besoins du marché national en produits sidérurgiques.
Les derniers états financiers d’El-Fouladh, qui ont été publiés en juin 2024 sur le site de la Bourse de Tunis, montrent que les dettes de l’entreprise située à Menzel Bourguiba se sont établies à 580 millions de dinars au 31 décembre 2022, ce qui porte le déficit de fonds propres de la société à 339 millions de dinars.
Ces états financiers relatifs à l’exercice 2022 révèlent également que l’entreprise n’a pas honoré ses engagements envers la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). Ses dettes sociales ont atteint 53 millions de dinars en principal, et 65 millions de dinars sous forme de pénalités de retard couvrant la période allant du quatrième trimestre 2013 au quatrième trimestre de l’année 2022.
Des tentatives de cession à des parties étrangères
El-Fouladh n’a pas également réussi à payer certains de ses fournisseurs, notamment la Société Tunisienne de l’électricité et du gaz (STEG) dont les créances auprès de la société sidérurgique s’élevaient à 125 millions de dinars à fin 2022.
Les commissaires aux comptes ayant vérifié les états financiers 2022 d’El-Fouladh ont noté, dans ce cadre, que ces indicateurs qui clignotent au rouge, conjugués au retard enregistré dans la mise en œuvre du programme d’assainissement financier de la société « remettent en question l’hypothèse de la poursuite de l’exploitation ».
Créée en 1962 en tant qu’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), avec un capital de de 53 millions de dinars, la société El-Fouladh est détenue majoritairement par l’Etat.
Le Président de la République, Kaïs Saïed avait effectué, mardi 26 décembre 2023, une visite inopinée au siège de cette entreprise située à Menzel Bourguiba (Bizerte), durant laquelle il a exprimé sa ferme opposition à la cession de la société qui « constitue l’une des richesses de la Tunisie » à des investisseurs privés.
« L’idée de la cession de la société El-Fouladh au secteur privé est née en 2002. Vous connaissez tout le processus et les tentatives entreprises pour la céder à des parties étrangères sous le prétexte fallacieux de la développer. C’est ainsi qu’elle a été poussée vers la faillite et que plusieurs de ses actifs ont été mis en vente », a déploré le Chef de l’Etat, faisant notamment état de « ventes aux enchères de ferrailles qui ne l’étaient pas réellement, mais qui profitaient à une seule personne ».
Le Chef de l’Etat a également indiqué que les tentatives de cession d’El-Fouladh ne sont jamais arrêtées après la révolution. « Vous vous rappelez également ce qui s’était passé en 2017 et les intentions de céder cette société à une partie étrangère. Tout était à vendre. L’État et ses entreprises étaient mis en vente sur le marché durant la décennie noire, sans parler de la corruption ayant sévi au sein de cette société. Plusieurs commissions avaient été mises en place, mais elles ne sont pas parvenues à des résultats concrets puisque l’intention était de céder l’entreprise. Aujourd’hui encore, il y a une personne ou un groupe de personnes ayant des liens avec des cercles étrangers qui veulent mettre la main sur la société, qui représente une fierté nationale », a-t-il souligné.
Walid KHEFIFI