La loi de finances pour l’année 2026 s’annonce comme un tournant majeur dans la politique budgétaire de l’État tunisien. Présidant le Conseil des ministres tenu mercredi dernier, la Cheffe du Gouvernement, Sarra Zaâfrani Zenzri, a affirmé que cette loi sera placée sous le signe de la consolidation de la justice sociale, soulignant qu’elle doit impérativement s’inscrire dans le cadre du programme économique et social de l’État.
À travers cette orientation, l’Etat entend rompre avec les logiques antérieures marquées, par des solutions provisoires, des approches fragmentaires et une absence de vision à long terme. Depuis 2011, les lois de finances successives, notamment au cours de la dernière décennie, ont souvent été dictées par l’urgence, sans parvenir à traiter en profondeur les défis structurels du pays.
La loi de finances 2026 ambitionne ainsi de proposer une nouvelle approche intégrée, orientée vers la réduction des inégalités, la lutte contre le chômage, et l’amélioration durable du pouvoir d’achat. L’objectif affiché est clair : remettre l’économie sur les rails d’une croissance équitable et inclusive, au service de tous les citoyens. Les mesures phares attendues par la loi de finances 2026, consistent essentiellement dans le soutien des catégories vulnérables, l’autonomisation de l’économie, et l’encadrement du pouvoir d’achat. Comment mettre en pratique ces points essentiels, destinés à renforcer l’Etat social ?
Concernant le soutien des catégories vulnérables, il est nécessaire de soutenir les mécanismes d’autonomisation économique pour améliorer leurs conditions de vie. Cela passe par plusieurs leviers concrets, orientés vers l’inclusion, l’emploi, et la réduction des inégalités. Il est souhaitable de renforcer les microcrédits avec des taux préférentiels pour les jeunes, les femmes notamment dans les zones rurales. Il faut penser à cet effet, à la création de fonds publics de garantie pour sécuriser les crédits destinés aux petits projets. Par ailleurs, il est opportun de développer les sociétés communautaires, avec un allègement fiscal.
Participation citoyenne et solidarité
Actuellement, les sociétés communautaires créées en 2022, par décret présidentiel n° 15-2022, sont en pleine évolution. La secrétaire d’État chargée des entreprises communautaires, Hasna Jiballah, chargée des sociétés communautaires, avait affirmé que le nombre total de sociétés communautaires devrait dépasser les 1 500 d’ici la fin de l’année 2025. Forme originale d’organisation économique, les sociétés communautaires sont fondées sur la participation citoyenne et la solidarité. Afin qu’elles s’imposent en tant que levier stratégique du développement durable, il est nécessaire d’œuvrer à les aider à surmonter les obstacles aussi bien d’ordre financier que juridique et administratif. Sur le plan financier, elles rencontrent des difficultés d’accès au crédit similaires à celles des petites et moyennes entreprises (PME). Les conditions d’octroi de crédits sont strictes à savoir la présentation de garanties que certaines jeunes sociétés sont incapables de fournir, comme l’a déclaré d’ailleurs Hasna Jiballah. D’où la nécessité de prévoir ce point crucial, dans la loi de finances 2026.
Aussi faut-il renforcer les partenariats avec les institutions financières en mettant en place des fonds dédiés à cet effet. Sans parler de la lourdeur administrative à laquelle, les sociétés communautaires sont pour le moment confrontées. À l’heure où le tissu économique tunisien se fragilise et où la jeunesse cherche des repères, les sociétés communautaires pourraient bien devenir un instrument puissant de reconstruction locale et de dignité partagée. À condition, bien sûr, qu’on leur donne enfin les moyens d’exister. La loi de finances 2026, comportera des solutions novatrices, de manière à rompre avec les choix du passé car, comme l’a affirmé le Président de la République Kaïs Saïed « La loi de finances représente une concrétisation budgétaire des choix du peuple » a-t-il spécifié.
Des moyens efficaces pour réprimer la spéculation illicite et la corruption
En outre, il est également crucial de préconiser des mesures destinées à la lutte contre la corruption qui a gangréné les institutions de l’Etat durant des années. Pour cela il est primordial de renforcer les mécanismes de traçabilité et de transparence, notamment des circuits de distribution dans les secteurs sensibles tels que celui des produits agricoles ou des médicaments, dans lequel il y a eu un grand nombre de malversations, durant les années passées. Il faut prévoir également des sanctions pénales pour les pratiques de spéculation illicite. Des mesures qui s’inscrivent dans une logique de justice distributive et de solidarité nationale, dans le but de redonner confiance aux citoyens et de stabiliser le climat social. Face à des défis économiques et sociaux toujours plus pressants, la Tunisie ne peut plus se permettre de s’en tenir à des mesures conjoncturelles.
La loi de finances 2026 se veut ainsi un tournant décisif, en plaçant l’autonomisation économique des catégories vulnérables au cœur de sa stratégie de développement durable. En misant sur l’inclusion financière, la formation, l’économie sociale et solidaire ainsi que l’investissement local, l’État tunisien peut amorcer un véritable changement de cap. Cette orientation repose sur une volonté politique affirmée, une gouvernance rigoureuse et un suivi transparent, des principes clairement défendus par le Président de la République, qui ne cesse de rappeler que « les Tunisiennes et les Tunisiens sont capables d’écrire une nouvelle page de leur histoire, de hisser la nation vers une vie faite de dignité et de gloire ». Car au fond, l’avenir du pays repose sur sa capacité à faire de ses citoyens les véritables acteurs de leur propre développement.
Ahmed NEMLAGHI