Par Raouf KHALSI
On en est encore à disserter sur le sexe des anges. Elitisme contre populisme, où l’inverse ? Et en quoi la refondation de l’Etat sur la base d’une démocratie sociale et la réémergence de la voix du peuple s’apparente-t-elle au populisme ? A l’évidence, les « élites » se positionnent dans un palier supérieur débitant leurs recettes toutes induites par des dogmes idéologiques, ne se rendant même pas compte qu’elles s’étaient confondues dans la ploutocratie ayant explosé au lendemain de la révolution.
Aujourd’hui, les élites, les vraies élites battent en retraite, se confinant dans une autocensure que personne ne leur aura imposée, pas plus le régime que le système politique tout entier.
« Les élites » ne proposent rien. Elles critiquent. Elles n’ont pas de vision pour l’émergence de la vox populi parce que leur « agora » à elles ne se déploie que dans les stratosphères de la pensée politique. « Les élites » ( à ne pas confondre avec l’intelligentsia ) n’ont rien d’autre à proposer que des visions (politiques) systémiques. Elles s’interrogent donc sur le sexe des anges. Les relais de communication avec le régime ? Ce sont elles qui les ont rompus.
Or, qu’est-ce qui s’est produit le jour du 14 janvier 2011 et, même, plus tôt depuis le mois de décembre qui l’a précédé ? Tout bonnement une révolution en bonne et due forme. Mais c’était la révolution des jeunes, pour la dignité et contre la ségrégation régionale. Dans la cité, le mot « Dégage » était entonné en chœur. Contre la dictature qui-étrange retour des choses- fait aujourd’hui des nostalgiques (chez « les élites » ou, du moins une bonne partie d’elles) comme par une espèce de magie noire toute faite de révisionnisme historique. Cette nostalgie s’apparente aussi au fameux syndrome de Stockholm : l’otage s’éprend de son geôlier. Captifs d’une dictature policière de 23 ans, ces nostalgiques préfèrent le faux confort de l’asservissement.
Or, très vite une chape de plomb s’abattait sur le pays. Parce que la révolution a été détournée de ses fondamentaux. Parce qu’à peu de frais la ploutocratie prenait le change. Celle-ci n’a pas proposé un monde nouveau. Et, pourtant, le vieux monde se mourait. Les « monstres » sont venus remplacer la dictature (pour paraphraser Gramsci) , et ils auront vite fait (grâce à un échange de « bons procédés » orchestré par Ennahdha) de verrouiller le pays en une décennie désormais drapée de noir, ignorant les complaintes du peuple et ne se ravisant même pas de prêter l’oreille aux grondements sourds contre un système mis en place avec les satellites qui tournaient autour de la mouvance islamiste. Un échange de bons/ mauvais procédé ? Hichem Mechichi, pourtant nommé par Saïed à la Kasbah, en est l’illustration. Il tombait dans le piège du grand méchant loup qui lui offrait un « coussin politique ».
Nous épiloguerions longtemps sur les sept péchés capitaux dont se sont rendu coupables les « patriarches » ayant gouverné durant cette décennie-là.
Sauf que le problème ne réside pas tant dans l’overdose partisane que dans les louvoiements ayant séduit les « élites ». Partis cocotte-minute, tribuns récupérateurs et réalité drapée de slogans qui auront duré « le temps qu’il faut » pour catapulter le pays dans les trajectoires faussement idéologiques, à coups d’alliances contre nature (Ennahdha-Nida Tounes par exemple) et dans des lobbys au service d’agendas étrangers.
Les élites qui prétendent être privées de s’exprimer ?
Que proposent-elles comme vision futuriste pour le pays ? Il a eu raison Hichem Djaïet d’affirmer qu’il préférait parler aux morts. Justement parce que ses pairs (les élites) se sont laissées broyer par la ploutocratie.