Malgré certaines mesures prises et malgré l’orientation sociale établie par l’Etat pour faire baisser les prix, la flambée ne fléchit pas et la hausse des prix des loyers continue. Comment expliquer cette tendance à la hausse et que faire, à tous les niveaux, pour rendre les loyers plus accessibles ?
Les chiffres sont là pour le prouver : une hausse de 29% des prix de location a été enregistrée entre 2020 et 2024 et les perspectives de 2025 n’annoncent pas de changement d’orientation.
Selon les experts, cette hausse constante depuis quelques années résulte, en premier lieu, du déséquilibre entre l’offre et la demande, aggravé par l’augmentation des frais d’enregistrement qui dissuade de nombreux investisseurs.
C’est que, finalement, en plus des faits de spéculation qui contribuent à cette flambée, les biens immobiliers coûtent de plus en plus cher à l’achat, principalement en raison de la hausse des prix des matériaux de construction. Un investisseur qui achète un bien à un prix élevé cherche à rentabiliser son investissement à travers ce qu’il espère gagner d’un éventuel loyer, ce qui se répercute directement sur le locataire.
Spéculation d’un côté, réalité du marché de l’autre
Interrogée par certains médias à ce propos, Mawaheb Bouhjar, membre du bureau exécutif de la Chambre des promoteurs immobiliers relevant de l’UTICA, pense que la crise du logement, notamment pour le loyer, touche désormais toutes les couches sociales : « La location est devenue un véritable problème, non seulement pour les classes défavorisées, mais aussi pour les cadres et hauts cadres. Les loyers sont élevés dans presque toutes les zones, et la baisse de l’offre favorise une forme de spéculation immobilière. C’est que la rareté des biens locatifs contribue à maintenir cette tendance haussière. De plus, la hausse des taux d’intérêt et des frais d’enregistrement pousse de nombreux Tunisiens à privilégier la location, l’achat devenant trop coûteux et peu avantageux », précise-t-elle.
Selon cette experte, l’État a un rôle clé à jouer dans la régulation du marché immobilier. Elle a notamment proposé la révision des taux d’intérêt bancaires, un renforcement des contrôles des prix, plus de transparence sur le marché pour limiter la spéculation, notamment via une plateforme indiquant l’argus du mètre carré, et la relance des programmes de logements sociaux pour équilibrer l’offre : « Avec tout ce qui se passe aujourd’hui, il faut s’attendre à une nouvelle hausse des prix, peut-être même plus importante, mais une intervention de l’État pourrait freiner cette tendance. L’avenir du marché dépendra fortement, en effet, des mesures prises par les autorités pour rétablir un équilibre entre offre et demande et faciliter l’investissement dans le secteur. ».
Entre souci présidentiel accru et lenteurs administratives
A ce propos, il faut rappeler que le Chef de l’État se soucie dans une grande mesure de ce problème. Lors de plusieurs reprises, il a abordé les défaillances actuelles du secteur du logement social, insistant sur l’importance pour la Société nationale immobilière de Tunisie (SNIT), l’Agence foncière de l’habitat (AFH) et la Société de promotion des logements sociaux (SPROLS) de retrouver pleinement leurs rôles et d’assurer les missions pour lesquelles elles ont été créées. Il a rappelé que de nombreux quartiers résidentiels et logements décents avaient été construits et rendus accessibles même aux ménages à revenus modestes. Il a également mis en avant la formule de location-vente comme une solution que la politique sociale de l’État devrait adopter pour remédier à la crise du logement et limiter la hausse excessive des prix des loyers.
Or, si le souci du président de la République est clair à ce propos, le hic se situe au niveau de l’exécution. Le Président de la République en a parlé à plusieurs reprises car les réformes entreprises prennent beaucoup de temps pour être exécutées à cause des lenteurs administratives d’une part, et de la nonchalance de certains responsables d’une autre part. Car, plus de quatre mois après ces recommandations présidentielles, quasiment rien n’a changé et les trois entreprises publiques citées n’ont pas encore bougé ou offert de premières initiatives pour débloquer une situation de plus en plus préoccupante.
Pour revenir aux chiffres et à l’état des lieux du marché de location des logements, voici une idée sur l’évolution des loyers en 2024 qui reflète une forte pression sur le marché locatif, notamment en haute saison. Cette augmentation pourrait être due à plusieurs facteurs :
Saisonnalité du marché : L’été coïncide avec une demande accrue, notamment pour les locations saisonnières et les déménagements avant la rentrée.
Inflation et coût de la vie : Une tendance généralisée à la hausse des prix pourrait influer sur les loyers.
Offre et demande : Si l’offre de logements n’évolue pas au même rythme que la demande, cela peut exercer une pression haussière sur les prix.
Augmentations les plus marquées : juin (+11,42%) et août (+11,16%), soulignant un impact saisonnier important, probablement lié à la demande estivale.
Périodes de hausse modérée : février (+3,35%) et mars (+4,09%), montrant une évolution plus contenue en début d’année.
Tendance globale : une progression irrégulière, avec des hausses marquées en été et des périodes plus stables en hiver et au printemps.
Kamel ZAIEM