La session principale du Bac 2025 en Tunisie vient de livrer ses résultats, dévoilant un taux de réussite de 37,08%, avec une baisse par rapport à celui de l’année dernière qui était de l’ordre de 42, 2%. On note que parmi les 53721 admis, sept lauréats se sont illustrés dans les différentes filières dont le premier a obtenu 19,76 de moyenne. La réussite selon les filières s’affiche comme suit : 23,02% (Lettres), 74,93% (Mathématiques), 45,83% (Sciences expérimentales), 28,95% (Economie-gestion), 35,02% (Sciences techniques), 48,47% (Informatique) et 73, 33% (Sport).
Il est à noter que les résultats obtenus dans les lycées publics sont meilleurs que ceux des écoles privées.
Cela nous pousse à nous demander pourquoi l’enseignement public a toujours été pointé du doigt par bon nombre de parents qui ne cessent de le critiquer, de le sous-estimer, préférant inscrire leurs enfants dans des écoles privées, sous prétexte que dans ces boites privées, les conditions d’études sont plus favorables et que les bons résultats sont assurés. Or, il s’avère qu’en réalité, statistiques à l’appui, l’enseignement public est et restera toujours plus performant et plus efficace quant à la formation des élèves et ce, malgré certaines déficiences au sein de ses établissements.
Grands écarts entre les régions
Les résultats de la session principale du baccalauréat tunisien 2025 confirment les disparités criantes entre les régions. Comme presque toujours, nous avons remarqué que les taux de réussite sont nettement supérieurs dans les villes côtières que ceux enregistrés dans les villes de l’intérieur du pays. En effet, dans le Grand Tunis, les résultats enregistrés sont satisfaisants avec 47,95% à l’Ariana, 46,85% à Tunis I, 45,72% à Ben Arous, 45,63% à Monastir et 43,31% à Tunis II. A Nabeul également, le taux de réussite est de l’ordre de 46,05%. C’est dans ces villes du littoral qu’on a enregistré les meilleures performances. Médenine, avec 50,75%, a créé la surprise, devançant plusieurs délégations du littoral. C’est à Sfax I et Sfax II que les taux de réussite ont atteint respectivement 55,75% et 54,89%. Toujours en tête du classement, la ville de Sfax s’impose chaque année avec ses meilleures performances à l’échelle nationale.
À l’inverse, les villes du Nord et du Nord-Ouest sont classées au bas de l’échelle. Kasserine affiche le plus faible taux du pays avec 24,53% (1 202 admis sur 4 900), suivie de Gafsa (28,02%) et Jendouba (28,26%), ce qui peut expliquer les mauvaises conditions de l’enseignement et de la vie scolaire dans ces régions de l’intérieur. Des facteurs structurels et socio-économiques sont sûrement à l’origine de ces écarts de performance dans les régions.Ainsi, les résultats du baccalauréat 2025 montrent à quel point la fissure éducative s’agrandit entre les régions côtières et les régions de l’intérieur.
L’école publique, un ascenseur social certain
En effet, l’infrastructure et les équipements scolaires dans les établissements privés ne sont pas toujours garants de bons résultats, notamment lors des examens ou des concours nationaux. D’ailleurs, on n’a jamais entendu parler d’un candidat privé ayant obtenu une bonne moyenne à l’échelle nationale, comme ces candidats issus d’écoles publiques qui ont récolté les meilleurs résultats, toutes disciplines et sections confondues, dont on est fier et qui font honneur à leurs parents et à toute la société.
Il est vrai que pas mal de parents préfèrent l’école privée pour les études de leurs enfants, mais la majorité jette encore son dévolu sur l’école publique, parce que cette dernière lui procure la gratuité des études, le sérieux et la discipline et aussi des enseignants plus performants que ceux du privé. Il existe certes des écoles privées chez nous de bonne réputation, mais les résultats de leurs élèves demeurent inférieurs à ceux des écoles publiques, notamment au cours des examens nationaux où l’école publique nous fournit chaque année son lot de réussites spectaculaires, de performances impressionnantes et de meilleurs classements au bac. Toutefois, malgré les bonnes performances réalisées par les candidats de l’école publique en cette session principale du bac, le ministère se trouve en butte à plusieurs difficultés à la fois structurelles et conjoncturelles, qui traduisent les maux de l’école tunisienne auxquels il faut remédier pour atteindre des taux de réussite plus élevés.
Quand les filles dament le pion aux garçons…
Voilà que depuis des années, les filles dament le pion aux garçons en obtenant les meilleurs résultats à l’examen du bac. En effet, pour cette session principale, le taux de réussite des filles est de l’ordre de 71% alors que celui des garçons est de seulement 62%. On compte 4 filles et 3 garçons seulement parmi les premiers de chaque filière.
C’est dire qu’en général, les filles s’intéressent plus que les garçons à leurs études, elles sont plus studieuses, plus appliquées à l’école que les garçons. Cette prédisposition des filles à se consacrer à leurs études a peut-être son explication sociologique basée sur la vision traditionnelle de la famille à l’égard des deux sexes, dans la mesure où la réussite scolaire doit être une obligation pour le garçon qui, grâce à sa réussite scolaire, pourrait concrétiser tous ses espoirs et ceux de la famille. Ainsi, les études deviennent une contrainte et un lourd fardeau qu’il doit supporter. Or, pour la fille, il n’en est pas de même. L’enseignement de la fille était relégué au second degré. Ce n’est qu’avec la généralisation de l’enseignement que les mentalités ont peu à peu changé et la mixité dans les établissements scolaires a créé une certaine concurrence entre les deux sexes qui se transforme en ambition, en défi. L’école devient donc l’aire de compétition entre garçons et filles, une opportunité à saisir par ces dernières pour s’imposer à l’école et au sein de la famille et prouver leur égalité avec les garçons. On les voit travailler d’arrache-pied telles des fourmis pour réaliser les meilleures performances et obtenir d’excellents résultats, car elles savent qu’en échouant dans leurs études, elles devront rester à la maison. Et c’est ainsi qu’elles s’accrochent à leurs études en réalisant les meilleurs scores tout au long de leur cursus scolaire. Pour les filles, à la différence des garçons, l’école n’est pas vécue comme une contrainte, mais plutôt comme un sacerdoce, un acquis auquel elles tiennent beaucoup. Voilà comment les sociologues expliquent cette primauté féminine dans les études et les examens.
Hechmi KHALLADI