La loi organique relative au budget, adoptée en 2019, est-elle aujourd’hui dépassée ? À la lumière des évolutions récentes de la conjoncture économique et sociale, marquées par un besoin accru d’équité, de justice sociale et de performance publique, la nécessité de sa révision s’est imposée, notamment à l’occasion de l’élaboration de la loi de Finances pour l’année 2026. Cette révision s’avère indispensable pour répondre aux exigences actuelles en matière de gouvernance, de transparence des finances publiques et d’efficacité de la gestion budgétaire.
À ce propos, le vice-président de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP), chargé de la législation, Houssem Mahjoub, a souligné que le ministère des Finances reconnaît lui-même la nécessité de revoir cette loi.
Toutefois, aucun acte concret n’a été engagé jusqu’à présent en ce sens. Il est vrai que depuis l’adoption de la loi organique n°15-2019, la Tunisie a amorcé un processus de modernisation de sa gestion budgétaire. Mais le contexte actuel appelle à aller plus loin, en adaptant le cadre juridique aux nouveaux enjeux de développement durable, d’inclusion sociale et de performance publique. Or, plusieurs dispositions de la loi actuelle sont devenues inadaptées aux réalités pratiques des ministères ou incompatibles avec les exigences des bailleurs de fonds. Une révision permettrait de corriger ces incohérences. Il y a d’abord, comme l’affirment plusieurs experts, des faiblesses dans l’exécution budgétaire, la loi du budget s’étant heurtée à des difficultés, telles qu’une mauvaise articulation entre budgets, programmes et objectifs de performance. Ou encore un cloisonnement entre gestion budgétaire et gestion comptable.
Élargir les auditions avec les parties prenantes
Une révision permettrait d’introduire plus de souplesse et de clarté dans l’exécution, tout en renforçant les outils de pilotage. Mais cette loi nécessite du temps et des consultations, selon le député Mahjoub, l’objectif, soutient-il, étant « de traduire la politique générale de l’État dans la loi de Finances ». Cela signifie concrètement, transformer les grandes orientations politiques, économiques et sociales du gouvernement en mesures budgétaires concrètes dont les allocations de crédits, les dispositifs fiscaux, les programmes d’investissement ou les mécanismes de solidarité. Les décisions budgétaires concrétisent le programme politique préconisé par le Chef de l’Etat, à savoir la justice sociale, la création de programmes d’insertion ou de formation. Elles constituent le principal levier de mise en œuvre des engagements en matière de justice sociale, de réduction des inégalités et de promotion de l’inclusion. À travers la répartition des ressources et la définition des priorités de dépenses, le budget permet de financer des programmes d’insertion professionnelle, de formation continue et de soutien plus vulnérables. Dans ce sens, le député Mahjoub a déclaré qu’il a été convenu d’élargir les auditions avec les différents ministères dans le but d’approfondir les discussions. Un courrier a été adressé dans ce sens, par la commission parlementaire des finances, à la présidence du gouvernement, ainsi qu’au ministère des Finances. Ainsi, la politique budgétaire ne se limite pas à une simple gestion comptable de l’État, elle devient un outil stratégique au service du progrès social, du développement humain et de la cohésion nationale. En ce sens, chaque allocation budgétaire reflète une volonté politique claire dans le but de bâtir un modèle de société plus équitable, plus solidaire et plus résilient face aux défis économiques et sociaux.
La loi de Finances 2026 s’inscrit dans ces orientations
La loi de Finances pour l’année 2026 en Tunisie s’inscrit pleinement dans ces orientations. C’est dans cette perspective que le Président Kaïs Saïed a réaffirmé la nécessité de s’atteler à la recherche de solutions novatrices dans tous les domaines, en particulier dans le domaine social, afin de concrétiser les grandes orientations du projet de loi de Finances pour l’année 2026. Ces orientations s’articulent essentiellement autour du renforcement de l’Etat social. Cela intéresse les catégories vulnérables pour lesquelles il faut penser à l’augmentation des allocations sociales, l’élargissement de la couverture sociale et les subventions ciblées. Concernant le volet de la justice sociale, la tendance est à la réduction des disparités régionales à travers des projets de développement local. Il importe par ailleurs d’œuvrer au soutien, à l’emploi et à l’insertion professionnelle. La réforme du code de travail, abolissant notamment la sous-traitance et les contrats à durée déterminée, s’inscrit dans cette optique.
La numérisation, outil indispensable pour le traitement des dossiers
Concernant le côté financier, Il est également nécessaire de mieux maîtriser le déficit budgétaire, par l’amélioration des recettes fiscales et la lutte contre l’évasion et la fraude fiscale. Dans le souci d’une meilleure souveraineté économique, il importe de promouvoir la production nationale. Ce qui permet de réduire la dépendance aux importations. Aussi, la numérisation administrative et judiciaire doit être adoptée, pour une plus grande efficacité dans le traitement des dossiers. Ce qui est non seulement utile, mais indispensable pour renforcer l’efficacité, la transparence et la célérité dans le traitement des dossiers. Ces orientations traduisent la volonté du Président Kaïs Saïed de fonder la politique budgétaire sur une vision de justice, de souveraineté nationale et de refondation de l’État sur des bases sociales et éthiques. Pourvu que ce projet de réforme de la loi organique du budget rencontre un écho favorable auprès de l’ensemble des parties prenantes, afin qu’il soit adopté dans les plus brefs délais et qu’il serve de cadre de référence pour l’élaboration de la loi de Finances pour l’année 2026.
Ahmed NEMLAGHI