La CESAO vient de publier un rapport intitulé «Artificial Intelligence Futures for the Arab Region» (« L’avenir de l’intelligence artificielle dans la région arabe »), dans lequel il est donné comme exemples, pour notre pays, le centre d’innovation en matière d’IA Novation City de Sousse, Tunisian AI Society (TAIS), et le travail du bibliothécaire Saïd al-Barouni.
Processus d’imitation de l’intelligence humaine qui repose sur la création et l’application d’algorithmes exécutés dans un environnement informatique dynamique, l’intelligence artificielle (IA) prend de plus en plus de place dans le monde.
Cette année, l’IA pourrait être considérée comme la quintessence d’une mégatendance, une mégatendance mondiale transformatrice.
Il faut savoir que les mégatendances sont des phénomènes socio-économiques et techniques qui ont atteint un point où ils transforment les modèles dominants de vie et de travail qui façonnent la vie de milliards de personnes aujourd’hui. Elles perturbent les conditions économiques, financières, socioculturelles, environnementales et autres conditions sociétales existantes, et créent des conditions entièrement nouvelles. Les effets sont presque toujours à la fois bénéfiques et néfastes. Elles exigent des mesures politiques et autres de la part des dirigeants de tous les secteurs afin de renforcer les effets positifs potentiels et d’en tirer parti, tout en atténuant les effets néfastes potentiels.
Le monde arabe n’échappe pas à ce phénomène d’IA, puisque cette dernière y progresse dans beaucoup de domaines.
De ce fait, la Commission économique et sociale des Nations unies pour l’Asie occidentale (CESAO) vient de publier un rapport intitulé « Artificial Intelligence Futures for the Arab Region » (« L’avenir de l’intelligence artificielle dans la région arabe »). C’est le troisième d’une série de ses analyses sur les mégatendances.
Pour des visions et des aspirations propres à la région arabe
Ce rapport se veut présenter une analyse complète de l’IA en tant que mégatendance mondiale transformatrice, en examinant spécifiquement ses implications profondes pour la région arabe jusqu’en 2040. Il explore le potentiel de l’IA à révolutionner des secteurs clés tels que les soins de santé, l’éducation, la préservation de la culture et les services gouvernementaux, en stimulant l’innovation et en remodelant les économies dans toute la région.
Trois voies stratégiques, au cours des 10 à 20 prochaines années, pour l’évolution de l’IA dans la région arabe y sont identifiées, à savoir l’optimisation des partenariats et des technologies pour les priorités locales, la promotion de l’identité culturelle et linguistique par le développement de l’IA en langue arabe, et l’exploitation de l’IA pour accélérer les progrès vers la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD).
D’autre part, au-delà des opportunités telles que la création d’emplois et la transformation des compétences, le rapport aborde les risques et les défis inhérents à l’intelligence artificielle, comme les préoccupations éthiques, la gouvernance des données et le potentiel d’aggravation des inégalités.
Concluant sur une série de résultats clés et de recommandations stratégiques exploitables, il se veut fournir des informations essentielles aux agences gouvernementales, aux parties prenantes du secteur privé et à la société civile. Il se veut un guide essentiel pour les dirigeants de la région, en les dotant de la clairvoyance et des outils nécessaires pour s’engager de manière proactive dans l’IA et façonner sa trajectoire en vue d’un développement inclusif, équitable et durable, aligné sur les visions et les aspirations propres à la région arabe.
Pour la CESAO, le moment est venu pour les dirigeants de la région arabe de s’engager dans la mégatendance de l’IA, par le biais de politiques, d’investissements et d’autres types d’actions, une occasion de façonner activement des avenirs souhaitables pour les peuples de la région aujourd’hui et pour les générations à venir.
Le rapport met en avant les avantages d’une collaboration dans le domaine de l’IA entre les pays de la région arabe, citant, en exemple, celle de la Tunisie avec l’Algérie, la Libye, la Mauritanie et le Maroc.
Il recommande, aussi, des initiatives visant à partager les connaissances et l’expertise en matière d’IA, des investissements conjoints dans l’éducation à l’IA et l’infrastructure technologique pour développer les capacités de celle-ci, et des travaux sur ses adaptations pour améliorer l’efficacité et la productivité dans tous les secteurs, rappelant que tous les pays de la région, hors Conseil de coopération du Golfe, ont mis en place des initiatives visant à intégrer l’intelligence artificielle dans leurs systèmes éducatifs. D’ailleurs, notre pays fait partie de ceux qui font de l’éducation un secteur prioritaire de leurs stratégies nationales en matière d’IA et de leurs plans d’économie numérique.
A propos de stratégie nationale, dans le rapport, il est mentionné que notre pays est l’un des quatorze de la région arabe qui disposent déjà d’une stratégie en matière d’IA.
Il faut quand même nuancer. En effet, il ne nous semble pas que la version finale de notre stratégie nationale pour l’IA ait vu le jour pour le moment. Il était question de présenter une version fin février de cette année, après concertation sur une première avec des experts et une trentaine de nos résidents à l’étranger. Même sur le site du ministère des Technologies et de la Communication, il n’y est fait aucune référence. Mais puisque le rapport de la CESAO indique que notre pays dispose déjà de sa propre stratégie…
Faire de notre pays un centre technologique
Rappelons, au passage, que l’AI Talent Readiness Index 2025 avait classé notre pays deuxième de notre continent, juste derrière l’Afrique du Sud, et ex æquo avec l’Egypte.
D’ailleurs, le rapport signale que notre pays a ouvert un nouveau centre d’innovation en matière d’IA : Novation City (Sousse).
Le site de ce dernier indique qu’il est le pôle de compétitivité de Sousse. Il est ajouté que c’est une société de droit privé créée en 2009 et basée sur le principe du partenariat Public-Privé. Elle a pour objectifs de développer un écosystème d’innovation dans le secteur mécatronique et de renforcer des activités à haute valeur ajoutée, ville numérique, transport intelligent, usine intelligente. Soutenue par des institutions bancaires et financières leaders et des groupes industriels de premier plan, Novation City est un moteur de l’économie nationale qui stimule l’innovation.
Dans ce pôle, il existe trois zones complémentaires d’excellence économique d’une nouvelle génération : la Mechatronic City (informatique, mécanique, électrique et électronique), pour développer les prototypes et solutions intelligentes, destinée à regrouper les activités de l’enseignement supérieur, de la recherche-développement, de l’innovation, des activités industrielles légères, high-tech et propres, de services et d’activités d’accompagnement, la Business City pour développer le business et la commercialisation des produits et l’Industrial City pour développer les industries et usines dans une nouvelle approche de gestion et de production.
Le rapport de la CESAO cite, comme autre exemple pour notre pays, la Tunisian AI Society (TAIS). Notons, comme indiqué sur son site, qu’elle a été créée en tant que communauté d’universitaires expatriés, de travailleurs du secteur technologique dans le domaine de l’IA, de chercheurs et d’autres personnes pour collaborer avec des organisations et des initiatives et participer à faire de notre pays un centre technologique dans le domaine de l’IA dans la région.
Au niveau de l’IA dans la préservation et la restauration de textes historiques importants, le rapport de la CESAO donne l’exemple du travail de Saïd al-Barouni. Ce bibliothécaire s’est donné pour objectif, à l’aide des technologies et de l’intelligence artificielle, de préserver des textes anciens de la communauté ibadite. D’ailleurs, pour décrypter l’écriture arabe cursive ancienne, il a utilisé un logiciel d’IA, capable d’extraire un texte à partir d’une photo et de le simplifier. Ce logiciel, « Zinki », créé par un groupe d’ingénieurs tunisiens, permet de déchiffrer une multitude de manuscrits anciens, inaccessibles au lecteur contemporain et, donc, convertir ces manuscrits en texte modifiable.
Zouhour HARBAOUI