Y a-t-il un modèle type de contrat de travail ? En principe, les relations du travail ne se prouvent pas nécessairement par un contrat écrit. Tous les moyens peuvent l’établir, y compris par témoignage. Toutefois, lorsque les parties se mettent d’accord sur des conditions précises et particulières régissant les relations du travail, il est nécessaire qu’elles soient précisées par un contrat écrit qui en définit les modalités, tant concernant la nature du travail que son délai. Avec la nouvelle réforme, le contrat à durée déterminée (CDD) est en principe aboli, sauf dans certains cas tels que celui concernant le remplacement d’un employé ou le travail saisonnier. C’est la raison pour laquelle la députée de la circonscription de Zaghouan-Zriba, Zina Jiballah, a appelé à « la création et à l’obligation d’utiliser un modèle unique de contrat afin d’éviter toute mauvaise interprétation de la loi ».
Elle a dans ce contexte, proposé dans une publication sur sa page Facebook, que l’inspection du travail s’en occupe en élaborant un contrat type, afin de mieux garantir les droits des salariés.
A priori, il n’existe pas actuellement et même après la récente réforme du code du travail, un modèle unique obligatoire de contrat de travail imposé par la loi. Mais, l’idée de la députée de formaliser les relations du travail par un contrat écrit est fortement recommandée. Toutefois, cela concernerait plutôt le contrat à durée déterminée (CDD) dans les cas spécifiés par la nouvelle réforme. Car en ce qui concerne le contrat à durée indéterminée, il n’est pas besoin qu’il soit écrit. L’absence d’un document écrit ne doit pas léser le salarié, qui bénéficie automatiquement des droits reconnus aux travailleurs par la loi. D’un autre côté, un contrat écrit serait de nature à mieux sécuriser les relations du travail. Cependant, cela risque d’enfermer ou de déséquilibrer les rapports entre l’employeur et le salarié. Certes, un contrat écrit constitue une sécurité juridique pour les deux parties, mais l’employeur pourrait également imposer des clauses rigides ou défavorables au salarié qui pourrait acquiescer sans négociation, par nécessité, surtout après une longue période de chômage. C’est aussi un formalisme qui risque de brider l’embauche. Certains petits employeurs ou artisans hésitent à recruter et se demandent s’ils doivent rédiger un contrat complexe. D’où un certain repli vers le travail informel, sans contrat ni protection. C’est donc un dilemme, le contrat écrit étant une arme à double tranchant. Il peut protéger ou contraindre, selon la façon dont il est rédigé et selon le rapport de force réel entre les parties. Dès lors, l’enjeu n’est pas tant de rendre l’écrit obligatoire dans tous les cas, mais de garantir un équilibre contractuel réel. Cela pourrait passer par l’élaboration de modèles types encadrés, à l’initiative de l’inspection du travail, la sensibilisation des employeurs à la justice contractuelle et un meilleur accompagnement juridique des salariés et en particulier les plus vulnérables parmi eux.
Le rôle de l’inspecteur du travail en matière de contrat
La solution est, comme l’avait proposé la députée, dans l’élaboration de contrats types, notamment concernant les CDI qui sont désormais limités à des cas précisés dans la nouvelle réforme du code du travail. Des modèles de CDD pourraient être proposés également lorsqu’il s’agit du travail dans certains secteurs. Des contrats pourraient être élaborés par l’inspecteur du travail en tant que modèles. Sans pour autant les imposer, ce dernier peut contrôler les contrats de CDD et annuler un contrat comportant des clauses contraires à la loi. A ce propos, la députée a proposé la révision de l’article 174 du code du travail définissant les prérogatives de l’inspecteur du travail. Il est stipulé dans l’alinéa 4 de cet article, qu’il peut « procéder à tout examen, contrôle ou enquête jugés nécessaires pour s’assurer que les dispositions légales ou réglementaires sont effectivement observées ». Un amendement de cet article pourrait-il avoir lieu en exigeant que tout contrat de travail soit approuvé par l’inspecteur du travail ? En attendant, si tous les contrats de travail ne doivent pas obligatoirement être approuvés par l’inspecteur du travail, il existe cependant des exceptions et des cas spécifiques où l’intervention de l’inspection du travail est requise. C’est le cas concernant l’obligation de visa pour un travailleur étranger. Visa qui doit s’effectuer avant le dépôt au ministère des Affaires sociales. Pour certains secteurs tels que le domaine agricole, ou l’emploi saisonnier, la validation du contrat par l’inspecteur du travail peut être exigée.
Sécurité n’est pas nécessairement équité
Quoi qu’il en soit, même si le contrat n’a pas à être approuvé par l’inspecteur du travail, ce dernier peut intervenir pour vérifier la conformité d’un contrat à la loi, que ce soit en cas de litige ou au cours d’un contrôle de routine. Le contrat de travail, en tant qu’instrument juridique, doit avant tout garantir la transparence et la sécurité de la relation professionnelle. Lorsqu’il est bien conçu, il protège à la fois l’employeur contre l’aléa juridique et le salarié contre l’arbitraire. Mais il peut aussi, en l’absence de garde-fous, devenir un outil de déséquilibre contractuel, imposant des obligations rigides au travailleur sans réelle contrepartie. Le véritable enjeu réside donc dans la capacité à trouver un juste équilibre entre la sécurité juridique et l’équité sociale. Cela passe par un encadrement clair des clauses contractuelles, un rôle actif des inspecteurs du travail et un dialogue social fondé sur la bonne foi. Ainsi, il ne s’agit pas de choisir entre flexibilité et protection, mais de construire des contrats justes et équilibrés, au service d’un travail digne et d’une économie saine.
Le travailleur, désormais acteur social à part entière
En fait, avec l’évolution des relations professionnelles et la reconnaissance du rôle accru du salarié comme partenaire au sein de l’entreprise, la conception classique du contrat de travail mérite d’être profondément repensée. Autrefois, le contrat de travail était perçu comme un acte unilatéral ou d’adhésion, dans lequel l’employeur dictait les conditions et où l’autonomie du salarié était quasi inexistante. Le lien de subordination était au cœur de la relation, reléguant le travailleur au rang d’exécutant, sans réelle marge de négociation. Aujourd’hui, le contexte a changé. Le salarié est désormais considéré comme un acteur social à part entière, qui contribue activement à la performance et à la stabilité de l’entreprise. Dès lors, le contrat de travail ne devrait plus être l’expression d’une volonté unilatérale, mais plutôt le fruit d’une concertation équilibrée, où les deux parties définissent ensemble les conditions de leur collaboration, dans l’intérêt de la productivité mais aussi de la paix sociale. C’est pourquoi il serait souhaitable que le législateur intervienne pour réglementer plus clairement la relation contractuelle, dans le sens d’une plus grande transparence, d’un meilleur équilibre et surtout, d’une protection renforcée du travailleur contre la précarité et l’arbitraire. Une telle réforme serait pleinement conforme aux orientations sociales du Chef de l’État, qui appelle à replacer le travailleur au cœur du projet national et à bâtir une économie fondée sur la justice, l’équité et la participation.
Ahmed NEMLAGHI