Face à l’exclusion croissante des familles à revenu modeste du secteur touristique, l’Organisation tunisienne pour informer le consommateur (OTIC) vient de tirer la sonnette d’alarme. Dans un communiqué publié en début de semaine, l’Organisation a lancé un appel pressant en faveur de l’adoption d’une législation urgente consacrant le droit des Tunisiens les plus démunis à accéder au tourisme intérieur.
Selon l’OTIC, l’accès aux loisirs et à la découverte du patrimoine national n’est pas un luxe réservé à une minorité aisée. Il s’agit, au contraire, d’un droit civil fondamental que chaque citoyen devrait pouvoir exercer.
Dans un contexte économique difficile marqué par l’érosion du pouvoir d’achat et la hausse continue des prix, l’exclusion de pans entiers de la population tunisienne du tourisme intérieur devient un problème social préoccupant.
L’Organisation rappelle que le tourisme, au-delà de sa dimension économique, joue un rôle clé dans le renforcement du sentiment d’appartenance, dans l’éducation à la citoyenneté et dans la connaissance du pays. Or, aujourd’hui, de nombreuses familles tunisiennes n’ont plus les moyens de s’offrir un séjour même court dans les régions touristiques du pays, encore moins en haute saison.
Un quota de 30% à des tarifs encadrés
Pour remédier à cette situation, l’OTIC propose la mise en place d’une initiative législative ambitieuse et contraignante. L’objectif : garantir que 30% de la capacité touristique nationale soit réservée aux Tunisiens à revenu limité, à des tarifs préférentiels, clairs et surtout, encadrés par des organismes de contrôle indépendants. L’idée est de rendre ces offres transparentes et accessibles, en évitant toute dérive commerciale ou spéculative. L’organisation souligne que ce quota ne serait pas seulement un geste de solidarité, mais une mesure de justice sociale visant à réduire les inégalités d’accès aux loisirs. Il s’agirait également d’encourager les établissements touristiques à diversifier leur clientèle et à mieux s’ancrer dans le tissu social.
Un tourisme social structuré et pérenne
Au-delà des hôtels traditionnels, l’OTIC propose de développer un véritable
« tourisme social » en Tunisie. Cela passerait par la mobilisation et la valorisation des infrastructures publiques inutilisées durant les périodes de vacances et les saisons touristiques creuses.
Sont ainsi évoqués : les foyers scolaires, les restaurants universitaires, les maisons de jeunes, les centres culturels, les centres de camping et les complexes sportifs. En mettant ces espaces à disposition pour accueillir les familles, les enfants, les étudiants et les jeunes, la Tunisie pourrait développer un réseau d’hébergement alternatif, plus abordable et plus adapté aux attentes de ces publics. En parallèle, des activités éducatives, culturelles et récréatives pourraient être organisées dans ces lieux, offrant ainsi des séjours enrichissants, à la fois sur le plan personnel et collectif.
Un soutien financier et fiscal indispensable
Pour concrétiser cette vision, l’OTIC plaide aussi pour l’introduction d’un article spécifique dans la prochaine loi de Finances. Cet article prévoirait l’allocation de ressources budgétaires pérennes pour soutenir le développement du tourisme social. Outre les financements publics, des mesures incitatives sont également recommandées. Les établissements touristiques qui accepteraient de participer à ce programme solidaire pourraient bénéficier d’avantages fiscaux. Cette démarche viserait à encourager les professionnels du secteur à ouvrir leurs portes à une clientèle tunisienne jusque-là marginalisée.
Vers un tourisme plus équitable et plus équilibré
Cette initiative, si elle est mise en œuvre, pourrait avoir des impacts positifs multiples. En plus de garantir le droit au loisir et à la découverte pour tous, elle permettrait de stimuler le tourisme intérieur, souvent négligé au profit du tourisme international. Elle contribuerait également à mieux répartir les flux touristiques sur l’ensemble du territoire national, y compris dans des zones moins fréquentées. Cela offrirait ainsi de nouvelles perspectives économiques aux régions de l’intérieur du pays. Enfin, sur le plan social, un tel dispositif renforcerait les liens entre les différentes couches de la population et favoriserait un sentiment d’unité nationale.
En appelant à une réforme législative et à la création d’un mécanisme national de tourisme social, l’Organisation tunisienne pour informer le consommateur met le doigt sur un enjeu de société majeur : le droit pour chaque Tunisien de profiter des richesses de son pays, quelles que soient ses ressources financières.
Face aux défis économiques que traverse la Tunisie, cette proposition mérite aujourd’hui une attention particulière de la part des décideurs politiques. L’enjeu est de taille : garantir un tourisme plus inclusif, plus solidaire et plus équitable pour tous les Tunisiens.
Leila SELMI