Le choix de la voie après le Bac n’est pas toujours facile. Beaucoup de bacheliers se sentent perdus face à l’ampleur des options qui s’offrent à eux. Après avoir réussi leur bac, les élèves ne savent plus où aller, plusieurs étudiants se lancent dans des projets d’études inadéquats et empruntent ainsi la mauvaise voie. Le choix de l’orientation après le bac n’est donc pas une affaire de dernière minute, comme le souligne Moncef Khemiri, conseiller général d’orientation au Temps News.
L’épreuve charnière de l’orientation universitaire qui assure la transition entre deux étapes majeures enseignement secondaire et enseignement supérieur se trouve mal négociée pourtant toutes les deux complémentaires et constituent un jalon crucial dans le parcours scolaire des jeunes tunisiens. Les critères de sélection, les quotas et les accès propres à chaque type de bac, la façon dont les fameux scores sont calculés (la moyenne au baccalauréat n’est en effet qu’un composant parmi tant d’autres pour constituer le score final, critère décisif de sélection), les diverses restrictions, les perspectives ouvertes pour les différentes sections du secondaire…sont définis unilatéralement par le ministère de l’enseignement supérieur et la recherche scientifique sans la moindre coordination avec le ministère de l’éducation, ni avec ses inspecteurs et ses enseignants qui connaissent mieux que quiconque le profil du bachelier tunisien et éventuellement là où il pourrait mieux s’en sortir quant au menu des formations proposées par l’université.
De son côté, le ministère de l’éducation dispense des contenus et des savoirs déconnectés dont le lien avec le supérieur n’est pas du tout évident d’où la formation partielle et lacunaire décriée par les universitaires chaque année et le taux d’abandon en 1ère année de l’université évalué par le ministère lui-même à près de 30% tous les ans en plus des dizaines de milliers de nouveaux bacheliers qui participent au mois de mars chaque année au concours de réorientation sur épreuves écrites organisé par tous les rectorats.
Il se trouve que les dysfonctionnements sont engendrés dans une large mesure par cette désarticulation à chaque étape du parcours de l’apprenant et au niveau macro du développement national. On est en fait face à une absence de vision et d’action holistique qui entraîne une situation problématique dans laquelle l’efficience, la pertinence et l’équité de tout le système sont minés depuis la première phase de l’enseignement de base jusqu’au niveau licence et mastère à l’université. C’est un peu le cas d’un orchestre où chaque musicien joue sa partition sans se soucier guère de l’état dans lequel se trouvent les autres membres de la troupe appelée à servir une mélodie commune mais avec des outils et des prestations différentes et variées.
La vision systémique globale serait à mon sens la clé de voûte sur laquelle repose la lutte contre le gaspillage de potentiel et contre l’inadéquation formation-emploi conduisant périodiquement des milliers de jeunes diplômés au chômage, au sous-emploi et à la précarité.
Par ailleurs, l’on est en droit de remarquer qu’il y a de forts déséquilibres structurels qui seraient à l’origine de la crise profonde que traverse l’ensemble de notre système de développement des ressources humaines : entre les différents types de baccalauréat, entre les régions et entre le niveau d’employabilité dont bénéficie chacune filières de l’enseignement supérieur en Tunisie.
Côté paysage des parcours et filières de l’enseignement secondaire qui conduisent au baccalauréat, il y a lieu de constater qu’il y a de plus en plus de désaffection vis-à-vis des parcours scientifiques et particulièrement le parcours mathématiques (dont le taux national d’affectation à la fin de la deuxième année, second palier d’orientation scolaire, ne dépasse pas les 6% contre plus de 30% pour la filière économie-gestion !). En effet, notre système actuel fonctionne au rythme de moitié-moitié : autour de 50% d’élèves orientés aux deux sections Lettres et économie gestion et 50% aux filières restantes, à savoir Mathématiques, sciences expérimentales, sciences techniques, sciences informatiques et sport. Un état de fait inquiétant et inédit parce que les horizons les plus alléchants sont du côté des filières scientifiques et à vocation principalement technico-numérique et non du côté des bacs L et EG pour des raisons liées à la qualité de la formation, au niveau des apprentissages de base au primaire bien entendu et aux tendances actuelles du marché de l’emploi également.
Quant aux inégalités régionales, on se rend compte que les taux de réussite au baccalauréat les plus élevés sont enregistrés dans les régions où il y a les plus forts taux d’orientation vers la section mathématiques et les plus bas vers les deux sections L et EG… et vice-versa.
A titre d’exemple, à la fin de la deuxième année secondaire, le taux des orientés vers la filière mathématiques à Sfax2 était égal en 2024 à 28.6% et à Sidi Bouzid égal à 15.4% seulement. Tandis que pour la section Lettres, Sidi Bouzid était à 32.9% et Sfax2 à 12.6% seulement !
Et pour ce qui est de l’employabilité des filières du supérieur, il s’avère ces dernières années qu’un groupe d’institutions universitaires prestigieuses (la médecine, le paramédical, les écoles d’ingénieurs, quelques écoles de commerce et de gestion telles que le TBS, L’IHEC, l’ISG, L’ESC…) s’est distingué en diplômant des étudiants ne trouvant généralement aucune difficulté à intégrer le marché de l’emploi aussi bien local qu’international… Or ces filières ne sont malheureusement pas accessibles à la majorité des nouveaux bacheliers qui réussissent avec des moyennes (et donc des scores) assez modestes surtout au prisme de la relation corrélative évidente entre les fortes moyennes au baccalauréat et le niveau socio-économique des familles.
En 2024, le nombre des nouveaux bacheliers ayant pu intégrer l’INSAT était de 67 pour l’Ariana et de 4 seulement pour Jendouba. Le nombre de celles et ceux qui ont intégré le TBS (Tunis Business School)était de 40 pour Tunis et de 2 seulement pour Siliana.
Kamel BOUAOUINA
