Encore une fois, les Tunisiens vivent au rythme de la séance unique pendant les deux mois les plus chauds de l’année. En parallèle, les horaires et la manière de travailler changent avec de nouvelles dispositions, un horaire plus réduit et une lenteur inévitable dans les principales administrations à cause des exigences dues à un duo terrible : chaleur et manque de sommeil… La formule actuelle est-elle la bonne ? A-t-on pensé à une alternative ? Pour le moment, c’est le statu quo malgré les méfaits de cet horaire d’été…
C’est l’été et il va falloir plonger, comme c’est toujours le cas, dans la séance unique telle qu’imposée depuis des décennies. Il est vrai que les contraintes climatiques imposent un horaire différent de celui de l’hiver, mais nous n’avons pas l’impression que les autorités compétentes veuillent changer de formule.
La Tunisie est, d’ailleurs, l’un des rares pays au monde à pratiquer la séance unique pendant les deux mois d’été les plus chauds. Cette séance unique est appliquée du 1er juillet au 31 août de chaque année. Cette « institution » instaurée par Habib Bourguiba le 12 avril 1956, fait l’objet de discussions chaque année entre les pour et les contre. Elle est aussi la cause d’embouteillages monstres en pleine canicule.
Du temps de Bourguiba, cette séance unique durait trois mois (du 15 juin au 15 septembre), mais elle fut écourtée sous le règne de Ben Ali pour la voir perdre du poids et se limiter à deux mois seulement car, selon les gouverneurs de cette époque, elle ne convient pas à un pays appelé à plonger davantage dans les principes du travail et de la rentabilité.
Cette séance est obligatoire pour les administrations alors que pour les entreprises privées, elle demeure secondaire et tributaire de la nature du travail et de ses temps pleins.
Une remise en question sans effets
Cette séance unique continue, de nos jours, à être contestée par certains et soutenue par d’autres qui exigent, toutefois, des ajustements concernant l’horaire.
En effet, les défenseurs du système de la séance unique avancent plusieurs arguments : économie d’énergie avec moins d’heures de travail, allègement du trafic urbain et amélioration de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle puisque la majorité des Tunisiens préfère bénéficier de leur congé annuel pendant la saison estivale. Et ils confortent leur avis en rappelant que dans plusieurs pays du Golfe confrontés à des températures extrêmes, ce système est appliqué tout au long de l’année, souvent de 7h30 à 15h.
Toutefois, les contestataires ne manquent pas et ils souhaitent voir cette institution tomber, estimant qu’elle est un ralentisseur pour l’économie tunisienne, d’autant plus que les administrations publiques, comme les entreprises privées, sont désormais pratiquement toutes dotées de climatiseurs, et que la raison de la chaleur à cet horaire spécifique, particulièrement pour les mois d’été, n’a donc plus de raison d’être.
Il faut rappeler qu’au sein de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), des députés réunis dans une commission parlementaire au mois de février 2024, ont jugé nécessaire d’instaurer un régime de séance unique tout au long de l’année, avec une réduction des heures de travail, particulièrement pour les femmes mariées, pour sauvegarder la famille tunisienne et ses exigences.
Pour revenir à la séance unique estivale, il faut avouer que sa durée est largement discutable, ainsi que d’autres détails concernant l’horaire.
Avec la chaleur qui prévaut et surtout les conséquences du réchauffement climatique qui nous offre un été plus long qu’autrefois, un retour à la séance unique de trois mois est envisageable. Il devient inhumain et très peu productif de faire travailler les gens en pleine canicule durant une journée entière car les fonctionnaires, de manière générale, sont actifs durant les premières heures du travail avant de céder, quelques heures après et en raison des effets de la chaleur ou du manque du sommeil consécutifs aux longues veillées estivales, à la somnolence et au moindre effort possible.
Cependant, des alternatives ont toujours existé bien que les décideurs n’en veuillent pas entendre parler. Il est inutile et improductif de faire travailler tout le monde au même horaire (de 8h à 14h30). Certaines administrations peuvent débuter un peu plus tard, vers 10h du matin, pour terminer la journée à 16h ou 16h30. De cette façon, on évite largement les embouteillages des heures de pointe puisque les gens vont rentrer en deux horaires différents. Il y aura moins de problèmes de transport public et moins de tension sur nos routes.
De même, on ne risque plus de voir nos administrations, particulièrement les services ouverts au public, fermer leurs portes à 14h30, empêchant ceux qui travaillent toute la matinée de pouvoir régler leurs affaires administratives ou financières, de pouvoir rejoindre un service public ou une banque après avoir quitté leur travail et ne plus quitter leur lieu de travail en pleine séance matinale pour régler leurs affaires.
Imaginer de nouvelles solutions
C’est dire que les alternatives ont toujours existé et qu’il faut avoir la volonté de changer les pratiques qui ont affiché leurs limites depuis de longues années. Aujourd’hui, alors que les conditions de travail ont évolué, aussi bien pour les administrations publiques que privées, que les nouvelles technologies permettent une plus grande flexibilité, et que les besoins des citoyens se sont diversifiés, la reconduction annuelle de ce modèle pose question et mérite d’être révisée à plusieurs niveaux.
Selon certains experts, le manque de flexibilité des horaires administratifs, combiné aux absences liées aux congés estivaux, accentue le sentiment d’inefficacité dans les services publics. De nombreux citoyens, confrontés à une concentration des démarches sur une courte période de la journée, dénoncent un service saturé, lent et bureaucratique. Et c’est pour cette raison qu’ils appellent à effectuer, à travers des commissions spécialisées, des études précises de l’impact de cette fameuse séance unique pour pouvoir imaginer des solutions pratiques et utiles.
Kamel ZAIEM
