Du nouveau, il y en aura pour le fameux régime FCR. Un groupe de députés a présenté un texte législatif ouvrant l’accès à ce privilège aux citoyens vivant en Tunisie. Jusqu’ici réservé aux Tunisiens résidant à l’étranger, ce régime pourrait être accessible, sous conditions, une fois dans la vie, à tous les résidents tunisiens.
C’était le mardi 8 juillet 2025, vingt-deux députés ont soumis à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) une proposition de loi inédite visant à élargir l’accès au régime FCR (Franchise pour retour) aux Tunisiens résidant sur le territoire national. Cette mesure, actuellement réservée uniquement aux expatriés, va permettre à tous les citoyens qui doivent satisfaire à certaines conditions, d’importer un véhicule sans s’acquitter de droits de douane, de consommation ou de TVA.
Le texte, rapidement transmis à la commission des finances et du budget, propose d’accorder ce privilège fiscal à tout citoyen tunisien âgé de plus de 30 ans, résidant en Tunisie, à condition de ne pas dépasser certains seuils de revenus. Pour une personne seule, le plafond est fixé à douze fois le SMIG annuel (environ 5376 dinars par mois), et pour un couple, à dix-huit fois le SMIG (soit 8064 dinars par mois).
Une exonération unique qui suscite des interrogations
Concernant les autres détails, il y a lieu de préciser que cet avantage serait attribué, en cas d’officialisation, une seule fois dans la vie, sans possibilité de cumul avec un précédent FCR obtenu à titre de résident à l’étranger. Les véhicules éligibles devraient être âgés de moins de cinq ans, peser moins de 3,5 tonnes et être destinés à un usage personnel ou professionnel. Comme pour le régime actuel, l’importation pourra se faire depuis l’étranger ou via le marché local, avec les mêmes exonérations fiscales.
La proposition de loi prévoit également un dispositif d’encadrement administratif strict, avec vérification des justificatifs de revenu, de situation familiale et de résidence. Un contrôle a posteriori est envisagé en cas de fausse déclaration. C’est dire qu’il va falloir mettre en place tout un système de contrôle pour contrecarrer ceux qui, et ils sont toujours nombreux, affectionnent le détournement des lois en vigueur et les « férus » des fausses informations.
Pour revenir aux conditions d’octroi de ce régime, celle de l’âge n’obéit à aucune logique. Pourquoi écarter ceux qui ont moins de trente ans ? Doit-on être assez vieux pour avoir le droit d’acheter une voiture sans payer de taxe ?
Autre point qui prête à confusion, le régime FCR est un mécanisme d’exonération douanière permettant aux Tunisiens résidant à l’étranger d’importer des biens – notamment des véhicules – sans payer de taxes. Pour les Tunisiens résidant en Tunisie, cette nouvelle mesure concernera également tous les biens ou bien se limitera-t-elle aux véhicules ?
Cette initiative parlementaire vient consolider l’orientation sociale qui symbolise la politique de l’Etat ces dernières années. C’est que la loi sur le régime FCR ne faisait pas l’unanimité car elle favorisait une frange de citoyens aux dépens d’une autre. Cette proposition, si jamais elle parvient à tenir lors de son examen par les commissions spécialisées au Parlement, permettra à un grand nombre de citoyens de profiter de cet avantage accordé aux résidents à l’étranger et elle sera considérée comme une réforme sociale qui vient avec un peu de retard, mais qui sera finalement là.
Mettre fin au trafic
Il faut également relever que cette initiative va permettre à une grande échelle, de mettre fin, ou du moins, freiner les pratiques illégales sur le marché parallèle, puisque ce privilège fiscal se vend et s’achète au su et au vu de tous, sur les réseaux sociaux et autres moyens plus discrets parfois liés aux bandes spécialisées dans le blanchiment d’argent. C’est même devenu un commerce, où la notion de retour définitif n’a jamais été appliquée stricto sensu, jusqu’à développer même un marché de cession, d’achat et de trafic FCR.
Il faut également rappeler que la loi de Finances 2024 a changé les dispositifs du régime FCR, devenu accessible et accordé tous les dix ans, même sans retour définitif, à tout Tunisien répondant aux critères de résidence à l’étranger. Le décret d’application, publié le 20 juin 2024, en a précisé les modalités : résider à l’étranger depuis au moins deux ans, ne pas passer plus de 183 jours par an en Tunisie, avoir au moins 18 ans, importer un véhicule de moins de cinq ans, qu’il soit thermique, hybride ou électrique.
Si elle est adoptée, cette proposition de loi du 8 juillet, qui remet le régime FCR dans un cadre réglementaire strict et plafonné, va sûrement constituer une évolution positive et notable en matière de taxation et surtout de justice sociale puisque tous les citoyens, ou presque, vont bénéficier des mêmes avantages.
Il ne s’agit pour l’heure que d’une proposition de loi. Toutefois, il faut louer de telles initiatives qui sont en train de se reproduire sous l’hémicycle du Bardo avec des députés conscients de leur rôle de régulateur dans plus d’un aspect de la vie des citoyens.
Kamel ZAIEM
