Par Slim BEN YOUSSEF
Dans un pays où le soleil est roi, pourquoi payons-nous l’électricité comme si nous vivions sous les nuages ? Comme si nous habitions une contrée du Nord, une géographie d’ombres et de radiateurs. Des pays qui réchauffent leurs rêves à l’énergie des autres.
Nous, nous sommes nés sur le versant du feu. La lumière tombe du ciel comme une bénédiction quotidienne. Elle ruisselle sur les murs, inonde les toits plats, frappe les oliviers, les épis et les paupières – et pourtant, nous vivons comme s’il fallait la mériter.
Le paradoxe nous gifle : ailleurs, le soleil se cache ; ici, c’est lui qui nous cherche. Peuple solaire, nous vivons dans l’or mais payons pour l’ombre.
Le soleil, écrivait Pasolini, appartenait aux pauvres. Mais à force d’oublier de lever les yeux, on a fini par croire qu’il se vendait. Les riches, eux, ont déjà couvert leurs toits de panneaux. À quoi sert la lumière, si elle ne chauffe que les villas et les hangars ? Elle devrait éclairer les écoles, les dispensaires, les maisons basses aux murs tièdes. Elle devrait être notre bien natif, notre langue commune, notre pain du ciel.
Faut-il rappeler que notre climat nous contient, autant que nous le traversons ? Un matin méditerranéen : des terrasses éclatantes, des draps suspendus, une lumière sans fin. C’est un soleil pasolinien qui nous arrose – archaïque, gratuit, invendu. Notre dernier vestige immémorial. Et peut-être, la plus simple des révolutions à venir.
À nous d’inventer un imaginaire politique à la hauteur du soleil : populaire, lumineux et joyeusement méditerranéen. Réinventer la STEG ? L’abondance doit servir le commun. La facture d’électricité ? Seulement une offrande au soleil – une taxe douce versée en gratitude au ciel. Pas une mensualité de pénitence.
Ce qu’il nous faut, ce n’est pas une « transition énergétique » imposée par en haut, c’est une insurrection solaire : celle d’un pays qui choisirait enfin de vivre à hauteur de son climat.
Ce serait cela, la République solaire : une souveraineté énergétique, joyeuse et juste ; un rêve d’émancipation par la lumière, partagé par tous.
