La Commission de la planification stratégique et du développement durable au sein de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a adopté, vendredi, le projet de loi portant sur des dispositions exceptionnelles pour le recrutement des diplômés de l’enseignement supérieur en situation de chômage de longue durée dans le secteur public et la fonction publique, avant de le soumettre au Bureau de l’Assemblée assorti d’une demande d’examen en urgence.
Les membres de la commission ont précisé que ce projet de loi vise notamment à concrétiser l’un des slogans majeurs de la révolution de 2011, en l’occurrence « emploi, liberté, dignité nationale », et à satisfaire les revendications des diplômés chômeurs qui ont longtemps souffert de la marginalisation malgré les promesses qui leur avaient été miroitées par les gouvernements successifs.
Ils ont également estimé que le texte se situe dans le cadre de la concrétisation des orientations exprimées par le Président de la République relatives à « l’instauration des fondements d’un Etat social et juste ».
Le projet de loi vise à faciliter le recrutement exceptionnel de diplômés de l’enseignement supérieur au chômage de longue durée, en particulier ceux âgés de plus de 40 ans.
Les critères de priorité retenus par la commission parlementaire sont l’âge (plus de 40 ans), l’ancienneté du diplôme (plus de 10 ans), la situation familiale (un seul bénéficiaire par famille sans prendre en considération le critère de l’âge) et la situation sociale (priorité aux personnes appartenant aux couches sociales vulnérables et aux personnes handicapées).
Le texte proposé par le bloc « Pour la Victoire du Peuple » prévoit la création d’une plateforme numérique pour enregistrer les candidatures et classer les dossiers selon les critères définis. Les candidats doivent être inscrits dans les bureaux de l’emploi, ne pas avoir bénéficié de régularisation professionnelle antérieure, ne pas être affiliés à un régime de retraite et de couverture sociale sans interruption, ne pas avoir eu d’identifiant fiscal au cours des deux années précédant l’inscription sur la plateforme, et ne pas avoir contracté un prêt de plus de 40 000 dinars.
Engager une profonde réforme de l’enseignement supérieur
Les candidats retenus devraient être recrutés par vagues sur une période ne dépassant pas les trois ans à compter de la promulgation de la loi pour combler les postes vacants dans le secteur public (entreprises publiques, offices, etc.) et la fonction publique, tout en veillant à assurer l’équilibre entre les différentes spécialités lors du recrutement.
Le taux de chômage des diplômés de l’enseignement supérieur s’est établi à 23,5% au premier trimestre de l’année 2025, contre 25% au troisième trimestre 2024, selon les dernières données publiées par l’Institut national de la statistique (INS). Ce taux est de 13,6% chez les hommes et de 30,7% chez les femmes.
Le taux de chômage des diplômés du supérieur est ainsi largement supérieur au taux de chômage global, qui a atteint 15,7% au premier trimestre 2025, contre 16% au quatrième trimestre 2024.
Selon les estimations, près de 60000 diplômés sortent en moyenne chaque année des universités tunisiennes. Mais ce sont surtout les diplômés des filières dites « difficiles » telles que les titulaires de diplômes en sciences humaines ou en langues qui ne trouvent un travail qu’à grand-peine, en raison notamment d’une demande très faible ou inexistante pour ce genre de diplômés au niveau des entreprises privées. C’est que la formation universitaire ne cible pas dans la majeure partie des cas les profils et les compétences recherchés par ces entreprises. En outre, l’écrasante majorité de ces entreprises privées, locales ou étrangères, crée essentiellement des emplois peu ou pas qualifiés (assemblage, soudure, ateliers de confection, etc.).
L’unique issue pour offrir des postes à des dizaines de milliers de diplômés de l’enseignement supérieur reste, donc, le secteur public dont les effectifs sont d’ores et déjà pléthoriques. D’où l’impérieuse nécessité de mettre fin à plusieurs décennies de cumul d’erreurs de la part de l’Etat, qui doit plus que jamais engager une réforme profonde de l’enseignement supérieur pour assurer l’adéquation tant souhaitée entre la formation universitaire et les besoins réels des entreprises publiques et privées.
Walid KHEFIFI
