Alors que l’été bat son plein et que les températures atteignent des pics alarmants, la Tunisie est confrontée à une multiplication préoccupante des incendies, notamment dans les zones forestières, agricoles et périurbaines. En seulement vingt-quatre heures, les unités de la Protection civile ont dû intervenir à 147 reprises pour maîtriser des départs de feu à travers le territoire national. Ce chiffre, communiqué par le porte-parole officiel de la Protection civile, illustre l’ampleur du défi auquel font face les autorités, dans un contexte climatique de plus en plus instable.
La Tunisie, à l’instar d’autres pays du bassin méditerranéen, subit de plein fouet les effets d’un été marqué par des vagues de chaleur répétées, des vents secs et des périodes de sécheresse prolongée.
Ces facteurs naturels constituent un terreau favorable à la propagation rapide des flammes, rendant toute négligence potentiellement dramatique.
Ces dernières semaines, plusieurs régions du pays, du Nord au Centre-Ouest, ont enregistré des températures dépassant régulièrement les 45 degrés à l’ombre. Dans les zones rurales et montagneuses, cette chaleur extrême assèche les sols, fragilise les écosystèmes et transforme les herbes, les branches mortes et la végétation en véritables combustibles à ciel ouvert. Les vents violents qui accompagnent souvent ces épisodes caniculaires contribuent à la dissémination incontrôlée des foyers d’incendie, parfois sur plusieurs hectares en quelques heures.
Des zones particulièrement touchées
Les gouvernorats de Jendouba, Béja, Kairouan, Siliana et Kasserine figurent parmi les régions les plus touchées, en raison de la présence de vastes étendues forestières et de terres agricoles. Dans certaines localités, les habitants ont dû être temporairement évacués, les flammes menaçant les habitations et les exploitations agricoles. Des élevages ont été décimés, des hectares d’arbres fruitiers et de cultures céréalières ont été détruits et des pertes économiques importantes sont à déplorer dans des zones déjà vulnérables sur le plan socio-économique.
En parallèle, les autorités ont signalé des incendies dans des décharges sauvages, des zones industrielles et même en bordure d’axes routiers, souvent causés par des jets de mégots ou des actes d’imprudence humaine. Ce type d’incendie urbain ou semi-urbain, bien que généralement plus limité, mobilise également des moyens humains et matériels considérables.
Une mobilisation soutenue
Face à cette situation d’urgence, les équipes de la Protection civile sont en état de vigilance permanente. L’interruption du repos hebdomadaire, le renforcement des patrouilles terrestres et l’intervention rapide des unités motorisées ont permis de limiter les dégâts dans plusieurs cas. Des dizaines de camions-citernes, d’engins spécialisés et de drones de surveillance sont déployés sur le terrain, notamment dans les zones à risque élevé.
Le porte-parole de la Protection civile a souligné que ces interventions massives n’auraient pas pu être menées à bien sans la coordination avec les autorités locales, les gardes forestiers, les forces de sécurité et les citoyens eux-mêmes. Il a également salué le rôle des volontaires, qui ont souvent prêté main forte aux équipes d’intervention pour éteindre les feux ou dégager les accès.
Appel à la vigilance et prévention renforcée
Dans ce contexte explosif, les autorités appellent à une vigilance absolue. La Direction générale de la Protection civile insiste sur l’importance de la prévention. Plusieurs recommandations ont été adressées au public, notamment l’interdiction de brûler des déchets, de faire des barbecues en forêt ou de jeter des objets inflammables dans la nature.
Des campagnes de sensibilisation sont en cours, en collaboration avec les médias, les municipalités et les ONG environnementales, afin d’informer les citoyens sur les gestes à éviter et les conduites à adopter en cas de départ de feu. Les habitants des zones rurales, en particulier celles situées près de massifs boisés, sont invités à nettoyer les abords de leurs habitations, à éliminer les broussailles et à signaler immédiatement tout départ suspect de fumée.
Les forces de l’ordre, de leur côté, ont été appelées à renforcer la surveillance dans certaines zones sensibles pour prévenir les incendies d’origine criminelle, qui restent encore fréquents durant cette période. Des enquêtes ont été ouvertes dans plusieurs régions pour déterminer l’origine de certains feux, dont les circonstances semblent suspectes.
Une situation appelée à se reproduire ?
Le phénomène n’est pas nouveau, mais sa fréquence et son intensité s’aggravent d’année en année. Les experts en climatologie tirent la sonnette d’alarme : les vagues de chaleur, les sécheresses prolongées et les épisodes extrêmes vont devenir plus fréquents dans les prochaines décennies. La Tunisie, en tant que pays méditerranéen et semi-aride, est en première ligne face aux conséquences du changement climatique.
Dans ce contexte, les feux de forêts et les incendies de cultures ne peuvent plus être considérés comme de simples incidents saisonniers. Ils deviennent un enjeu de sécurité publique, de politique environnementale et de résilience économique.
La recrudescence des incendies en Tunisie appelle à une réponse à la fois immédiate et structurelle. À court terme, la vigilance individuelle et la rapidité d’intervention des secours sont cruciales. Mais à moyen et long terme, une stratégie nationale de prévention des incendies doit être mise en œuvre. Cela passe par la reforestation, la gestion durable des espaces naturels, l’aménagement de coupe-feux, l’investissement dans des moyens de lutte modernes et la formation continue des agents. La chaleur de l’été 2025 restera peut-être dans les mémoires. Mais si elle devait laisser une trace durable, ce serait celle d’une prise de conscience collective face à un danger de plus en plus pressant.
Leila SELMI
