Par Slim BEN YOUSSEF
Des visages ouverts, des gestes calmes, et un alcootest tendu non pour accuser, mais pour engager le dialogue. Ces jours-ci, sur les routes tunisiennes, les équipes de l’Observatoire national de la sécurité routière (ONSR) vont à la rencontre des automobilistes. Présents sans être menaçants, ils interpellent, expliquent, écoutent. Alcootests à la main, ils sensibilisent aux dangers de l’alcool au volant, loin des campagnes moralisatrices. Leur méthode : démontrer plutôt que sermonner, faire comprendre plutôt que punir. Une simulation, bien sûr – mais saisissante. Le message passe.
Alors que le pays s’apprête à moderniser ses méthodes de contrôle, ces campagnes prennent tout leur sens. Les alcootests intelligents, capables de mesurer l’alcoolémie en quelques secondes, permettront de dépasser des procédures jusque-là lentes et contraignantes. Un cadre législatif est en préparation pour en encadrer l’usage. En attendant, la pédagogie précède la répression : un contrôle mieux accepté parce qu’il est d’abord expliqué. Bien vu.
Mais un angle mort subsiste : en Tunisie, le seuil légal est fixé à 0,3 gramme par litre de sang – l’un des plus stricts au monde. Une coupe de vin ou une bière légère suffisent à vous placer hors-la-loi. À titre de comparaison : 0,5 g/l en France, 0,8 au Royaume-Uni.
Est-ce raisonnable ? Faut-il maintenir ce seuil ? Le relever ? Cette sévérité reste-t-elle efficace ? Rien n’est moins sûr. Quand la loi se coupe du réel, elle finit ignorée, contournée, voire discréditée. À trop vouloir brider, on finit par banaliser l’infraction.
Car une règle ne vaut que par l’adhésion qu’elle suscite. Sa force repose moins sur sa rigueur que sur sa légitimité perçue. Le débat mérite d’être posé sereinement : non pour céder à la facilité, mais pour retrouver une cohérence.
À la fin, tout repose sur un pacte. Ce qui sauve, au bout du compte, ce n’est pas seulement l’innovation technique ou la sévérité des lois, mais ce lien de confiance qui se tisse, lentement, entre l’État et le citoyen. Un lien que construisent, jour après jour, les équipes de l’ONSR : présence sur le terrain, parole respectueuse, pédagogie patiente.
Et c’est là que la sécurité routière prend sens. Une affaire de lois, certes. Mais aussi, et surtout, une affaire d’humains.
