Le droit au travail constitue l’un des fondements essentiels des droits de l’Homme, consacré par de nombreuses conventions internationales et inscrit dans la plupart des constitutions nationales. Pour les personnes en situation de handicap, ce droit prend une dimension encore plus vitale, car il représente non seulement un outil d’autonomisation économique, mais aussi un vecteur de dignité, d’inclusion sociale et de pleine citoyenneté. Pourtant, dans de nombreux pays, y compris la Tunisie, ce droit reste bien souvent théorique, entravé par des obstacles structurels, des discriminations persistantes et une mise en œuvre limitée des textes existants.
Cette réalité avait été déjà illustrée le 3 décembre 2024, à l’occasion de la Journée internationale des personnes handicapées. Le ministre des Affaires sociales, Issam Lahmar, a révélé, lors d’un colloque scientifique organisé par le Centre international de promotion des personnes handicapées, que le taux d’emploi des personnes en situation de handicap dans le secteur privé ne dépasse pas 2%. Un chiffre alarmant qui met en lumière l’écart profond entre les engagements institutionnels et la réalité vécue par cette population.
Les données disponibles permettent de mieux cerner l’ampleur des enjeux. Selon les chiffres communiqués en 2021 par le président de l’Instance générale de la promotion sociale relevant du ministère des Affaires sociales, Brahim Ben Idriss, le taux de handicap en Tunisie avoisine les 4,5% de la population totale. Le recensement général de la population réalisé en 2014 avait quant à lui recensé environ 241 000 personnes en situation de handicap, soit près de 2,3% de la population. Les résultats actualisés du recensement de 2024, actuellement en cours de traitement par l’Institut national de la statistique (INS), sont donc très attendus pour disposer d’un portrait plus fidèle et actualisé.
Au-delà des données démographiques, c’est surtout la question de l’inclusion socio-économique réelle qui interpelle, notamment sur le marché du travail. Car si le nombre de personnes concernées est significatif, leur accès à l’emploi demeure extrêmement limité.
Dans cette perspective, le ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle a annoncé l’ouverture des inscriptions au programme de promotion de l’emploi des personnes en situation de handicap, du 17 juillet au 17 août 2025. Cette annonce s’est inscrite dans le cadre d’un colloque national, tenu sous le slogan «L’emploi est un droit, une responsabilité et une garantie d’inclusion».
Le ministère a précisé que ce programme s’inscrit pleinement dans la mise en œuvre de l’article 54 de la Constitution de 2022, lequel stipule que «L’État protège les personnes handicapées contre toute discrimination et prend toutes les mesures propres à leur garantir une entière intégration au sein de la société».
À cette occasion, le ministre de l’Emploi, Riadh Chaoued, a annoncé une série de mesures concrètes, dont la tenue prochaine de la deuxième édition du Salon de l’emploi dédié aux personnes handicapées, ainsi que la préparation d’une exposition conjointe en partenariat avec les ministères des Affaires sociales, de l’Emploi et la Banque Tunisienne de Solidarité (BTS), visant à promouvoir les produits issus d’environ 800 projets portés par des entrepreneurs en situation de handicap.
Inscrivant cette démarche dans une logique de planification à long terme, le ministère prévoit également le lancement de la première étude prospective sur les besoins du marché du travail en matière d’emploi inclusif. Ce colloque a aussi été marqué par la signature d’une note d’organisation entre le ministère et la BTS, ainsi que par quatre conventions de partenariat, traduisant une volonté institutionnelle claire de renforcer l’ancrage de l’inclusion dans les politiques publiques de l’emploi.
De sa part, la Banque Tunisienne de Solidarité (BTS) a annoncé le 16 juillet 2025 que ce programme s’inscrit dans le cadre de la nouvelle ligne de financement prévue par la loi de Finances 2025, avec une enveloppe dédiée de 5 millions de dinars.
Les prêts proposés dans le cadre de ce dispositif sont particulièrement avantageux, un plafond de financement fixé à 10 000 dinars, une durée de remboursement pouvant aller jusqu’à 8 ans avec une période de grâce de 2 ans, un taux d’intérêt nul, l’absence d’exigence de fonds propres et aucune garantie matérielle exigée. Les demandes peuvent être déposées depuis le 17 juillet 2025 via une plateforme électronique accessible sur les sites de la BTS, du ministère de l’Emploi, de la Formation professionnelle et des Affaires sociales.
Dans une démarche d’inclusion renforcée, la BTS a également pris des mesures complémentaires telles que la réduction de 50% des commissions bancaires liées à cette ligne de financement, la possibilité de rééchelonnement des dettes antérieures, l’élargissement des possibilités de financement au-delà du plafond via les ressources propres de la banque, et le soutien aux projets portés par des associations actives dans le domaine du handicap. De plus, une enveloppe de 100 000 dinars a été réservée, dans le cadre de la responsabilité sociétale, pour récompenser les meilleures initiatives associatives en faveur de l’emploi des personnes en situation de handicap. Enfin, une coordination interinstitutionnelle est prévue pour organiser un salon dédié à la valorisation des produits issus de ces projets.
Les mesures annoncées dans la loi de Finances 2025
Ces actions s’inscrivent plus largement dans un ensemble de mesures prévues par la loi de Finances 2025, qui vise à renforcer le soutien aux personnes en situation de handicap.
Outre la création du fonds de 5 millions de dinars pour l’auto-emploi, cette loi a introduit plusieurs réformes importantes telles que la révision du régime fiscal appliqué aux véhicules spécialement aménagés (avec des droits de consommation variant de 0% à 20% selon la cylindrée), l’extension de ces avantages aux véhicules de moins de sept ans à l’entrée sur le territoire, et l’exonération d’impôt sur le revenu pour les bénéficiaires d’allocations telles que celles pour orphelins ou invalidité.
En parallèle, une dotation budgétaire a été allouée pour soutenir les associations œuvrant dans le domaine du handicap, dans le but de renforcer leur action sociale, éducative et humanitaire.
Nouha MAINSI
