Avec l’avènement des réseaux sociaux, la tentation de partager les moments précieux de notre vie, y compris ceux de nos enfants, est grande. Cependant, cette pratique soulève des questions juridiques et éthiques importantes, particulièrement en matière de protection de la vie privée des enfants. La publication de photos et de vidéos de mineurs sur les réseaux sociaux n’est pas un acte anodin et comporte de nombreux risques. Une image prise depuis un smartphone ou un appareil photo contient des données qui peuvent révéler beaucoup d’informations sur l’enfant. Quels sont les risques et quels sont les réflexes à adopter ?
Quasiment tout le monde l’a déjà fait : poster une photo de ses enfants, mineurs, sur les réseaux sociaux. Parfois pour montrer des prouesses à la famille, quand l’enfant se met à marcher par exemple, d’autres fois pour célébrer un anniversaire et témoigner de son amour et de son admiration envers son enfant. Toutefois, cette pratique, bien trop répandue, n’est pas sans conséquences. Le ministère de la Famille, de la Femme, de l’Enfance et des personnes âgées a d’ailleurs annoncé avoir reçu des signalements concernant la publication de photos et de vidéos montrant des scènes préjudiciables pour des enfants participant à des festivals d’été. Ces images ont été largement diffusées sur les réseaux sociaux en dehors de tout cadre légal. En réponse, le ministère, en coordination avec le Délégué général à la protection de l’enfance, a informé le ministère public et demandé l’autorisation d’ouvrir une enquête, conformément aux procédures légales en vigueur. Le ministère a souligné que la protection des enfants contre toute forme de menace est une responsabilité collective, comme le consacre l’article 52 de la Constitution.
Ce que dit la loi tunisienne à propos des photos d’enfants sur la Toile
Le délégué général à la protection de l’enfance, Moncef Ben Abdallah, a souligné sur les ondes d’une radio privée, que «la diffusion de photos et de vidéos d’enfants nécessite l’accord du tuteur et du juge des affaires familiales conformément à la loi», en affirmant que «ces pratiques constituent une violation flagrante des droits de l’enfant et une infraction manifeste à la loi tunisienne». Ben Abdallah a expliqué que «la loi fondamentale n° 63 de l’année 2004, datée du 27 juillet 2004, relative à la protection des données personnelles, stipule que toute circulation illégale de données personnelles est punie pénalement», en soulignant que «ce texte juridique contient des articles spécifiques à l’enfant et qu’aucune donnée révélant l’identité de l’enfant ne peut être échangée sans l’autorisation préalable du tuteur et du juge aux affaires familiales». Il précise, eu outre, que «le tuteur ne peut pas prendre la décision seul en raison du risque de mauvaise appréciation». Le délégué général à la protection de l’enfance a déclaré que «la publication de photos d’enfants sur les réseaux sociaux est devenue une tendance dans la société et peut avoir des effets négatifs tels que le harcèlement», appelant à «veiller à une bonne utilisation des réseaux sociaux modernes afin de ne pas enfreindre la loi et de ne pas porter atteinte aux droits et à la vie privée des autres».
A partager dans une sphère très privée
Il est vrai qu’avec l’avènement des réseaux sociaux, la tentation de partager les moments précieux de notre vie, y compris ceux de nos enfants, est grande. En moyenne, un enfant apparaît, avant ses treize ans, sur 1 300 photos publiées sur les comptes de ses proches ou les siens, selon une étude réalisée par une agence britannique. Elle a conclu que ces parents partageaient en moyenne 71 photos et 29 vidéos par an de leurs enfants à partir de leur naissance sur leurs réseaux sociaux personnels mais souvent accessibles au public. Cependant, cette pratique soulève des questions juridiques et éthiques importantes, particulièrement en matière de protection de la vie privée des enfants et présente des risques importants d’atteinte à leur vie privée. Les images d’enfants sur internet peuvent être détournées, notamment par des réseaux pédophiles. De plus, sur internet, la diffusion d’images est durable et peut porter préjudice à long terme. Certaines personnes peuvent être malintentionnées derrière leur écran. Le mieux est d’éviter les photos où l’enfant est parfaitement reconnaissable, de ne pas dévoiler son identité (prénom et/ou nom), et surtout de ne pas indiquer le lieu exact où la photo a été prise. Les dangers sont aussi à envisager sur le long terme. Certains adolescents se retrouvent avec un héritage «indécent» sur le Web, qu’ils n’ont pas choisi et qui peut faire l’objet de moqueries ou de harcèlement. Même si le compte du parent est privé, le risque zéro n’existe pas. Les images peuvent être partagées et enregistrées. Si un parent souhaite montrer les premiers pas de son bébé à ses amis proches, pourquoi ne pas le faire directement par message ? Ainsi, ces «précieuses» images resteront entre les mains de personnes en qui vous avez confiance. Le plus important est de partager ses contenus dans une sphère très privée, sur des groupes uniquement réservés à la famille, comme le proposent Facebook ou WhatsApp, par exemple. La morale à retenir : pour vivre heureux, vivons cachés.
Kamel Bouaouina
