Au moment où les chiffres livrés par l’Institut national de la statistique (INS) confirment la tendance du taux d’inflation vers la baisse, les prix de certains produits alimentaires de grande consommation demeurent hors de portée et en constante hausse, sans raison logique. Comment peut-on tolérer ces hausses et ces pratiques qui n’obéissent pas à la loi de l’offre et de la demande ? Et comment expliquer ce paradoxe ?
Selon les dernières données de l’Institut national de la statistique (INS), l’inflation en Tunisie a atteint 5,3% en juillet 2025, contre 6% en janvier et 7% à la même période l’an dernier. Si la tendance est à la baisse et que le citoyen peut en être content, ce qui se passe dans nos marchés l’est beaucoup moins avec certaines hausses de prix qui persistent, notamment dans le secteur alimentaire, où l’inflation a atteint 5,9% avec plusieurs produits qui ont vu leurs prix exploser : les légumes frais (+25,3%), la viande ovine (+19,1%) et les fruits frais (+15,1%). Le poisson frais (+11%) et les fruits secs (+9,6%) suivent cette tendance.
En tout, huit catégories de produits ont enregistré une hausse supérieure à l’inflation moyenne et quatre ont affiché une hausse à deux chiffres. Alors que le taux optimal recommandé est de 3%, la Tunisie reste au-dessus, pesant fortement sur le pouvoir d’achat. Toutefois, les récentes tendances sont encourageantes.
Une autre vérité au marché
A ce propos, Ridha Chkoundali, expert et professeur d’économie, est revenu sur la baisse du taux d’inflation à la consommation familiale en Tunisie. Il estime que ce chiffre peut être perçu comme un signe positif. Il rappelle qu’en février 2023, l’inflation avait atteint un pic de 10,4%. Depuis cette date, elle a connu une tendance à la baisse. Cette évolution pourrait encourager le Conseil d’administration de la Banque centrale de Tunisie à réduire le taux d’intérêt directeur afin de soutenir l’investissement et relancer la croissance économique. Il a également signalé une baisse des prix de certains produits de base, notamment les œufs, dont les prix ont diminué de 4,7%, ainsi que les huiles alimentaires, en recul de 22,9%.
Toutefois, Chkoundali a nuancé cette lecture optimiste en soulignant qu’elle ne reflète pas forcément la réalité vécue par les Tunisiens qui ne perçoivent pas cette baisse une fois devant les étalages des marchés et des grandes surfaces. En effet, selon les mêmes données de l’INS, les prix ont continué à augmenter. Car, ce qui intéresse réellement les Tunisiens, ce sont les dépenses quotidiennes, en premier lieu l’alimentation. Or, certains produits de grande consommation enregistrent des hausses significatives. Les légumes frais ont augmenté de 25,3%, la viande ovine de 19,1%, les fruits frais de 15,1% et le poisson de 11%, à titre d’exemple. Tous ces chiffres sont supérieurs au taux d’inflation moyen annoncé alors que ce sont ces augmentations que le citoyen ressent réellement. Notre expert appelle l’INS à publier un indice reflétant davantage l’inflation perçue par le consommateur, en tenant compte des produits et services qui pèsent concrètement sur son budget.
Ouvrir la porte aux viandes importées
A propos de la viande ovine, on ne comprend pas encore les raisons de cette hausse de plus en plus vertigineuse des prix. Il y a eu la période de l’Aïd El Idha et ses exigences, mais cette hausse n’a pas fléchi et le prix risque d’atteindre, très bientôt, les 80 dinars comme le prévoit le président de la Chambre nationale des bouchers, Ahmed El Amri, lequel a tiré la sonnette d’alarme face à une crise imminente concernant la viande rouge en Tunisie, évoquant une pénurie aiguë de moutons et une flambée sans précédent des prix.
Dans une déclaration aux médias, il a indiqué que le kilogramme de viande d’agneau dépasse actuellement les 60 dinars, avec une hausse hebdomadaire de 2 dinars, et que le prix pourrait bientôt atteindre les 80 dinars. Face à cette situation, il a plaidé pour l’importation urgente de viande ovine de Roumanie, où le kilogramme coûterait environ 38,9 dinars. El Amri a dénoncé le fait que seules les grandes surfaces puissent vendre cette viande importée, excluant ainsi les professionnels du secteur. Il appelle à une implication directe des bouchers dans le processus d’importation pour garantir l’approvisionnement du marché et alléger la charge qui pèse sur les consommateurs.
Il a également interpellé l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (UTAP) pour qu’elle fournisse le cheptel nécessaire, s’engageant à vendre la viande à prix coûtant. Il exhorte les autorités à intervenir rapidement afin d’éviter une aggravation de la crise du secteur des viandes rouges.
Concernant les huiles végétales, elles ont connu une hausse qui dépasse les limites du marché et de la formule offre et demande. Avec la «disparition» de l’huile végétale subventionnée qui se vendait à 900 millimes le litre, le consommateur s’est retrouvé face à des huiles qui coûtent au moins 5 dinars le litre avec une augmentation de plus de 500% ! Les industriels qui fournissent ces huiles ont pleinement profité d’une situation qui leur est très favorable et qu’ils veulent préserver au grand dam d’un consommateur qui ne sait plus à quel saint se vouer face à cette montée inexplicable des prix.
Il en est de même pour la tomate concentrée avec des augmentations qui ont frôlé, parfois, les 100% avant de se stabiliser à un prix (4D500) hors de portée de beaucoup de consommateurs.
Kamel ZAIEM