Par Slim BEN YOUSSEF
Il faut considérer ceci : tout citoyen qui franchit la porte d’un service d’urgence doit être pris en charge immédiatement, sans préalable administratif ni exigence financière. À l’hôpital, le premier geste doit être médical, non bureaucratique. Recevoir, examiner, soigner : telle est la séquence juste. La vie s’impose, sans condition, sans délai, sans calcul. C’est la règle élémentaire d’un État qui se veut social.
Les incidents récents, à Gafsa et ailleurs, ont révélé des scènes indignes : un paiement exigé avant un soin, un formulaire réclamé avant un souffle. Là où l’ambulance se gare, la paperasse s’installe. Le guichet se croit juge, quand le seul verdict appartient au médecin.
Une signature avant une respiration ? La santé publique ne peut être pensée comme une marchandise. Elle est bien commun, droit premier, responsabilité partagée. Réformer, c’est revenir à trois impératifs clairs : égalité des citoyens, équité des soins, dignité des patients.
Reconstruire la santé publique, c’est aussi rebâtir ses murs fatigués, ses toits lézardés, ses machines hors d’âge. Nos hôpitaux ploient sous les fissures : couloirs qui craquent, matériels qui s’essoufflent, salles trop étroites pour contenir la douleur.
La réhabilitation exigera des ressources colossales, mais une nation se mesure à la tenue de ses hôpitaux autant qu’à la solidité de ses routes, la lumière de ses écoles, la célérité de ses services publics.
Au cœur de ce chantier, il y a des femmes et des hommes en blouses blanches : médecins, infirmiers, aides-soignants. Leur science est précise, leur geste sûr, leur dévouement intact, mais leurs conditions demeurent fragiles. Ils portent en même temps la fatigue et l’honneur, la lassitude et la compétence, la colère et la vocation. Donnons-leur des conditions justes : l’hôpital revivra, et avec lui la confiance d’un peuple.
Soigner avant de compter : voilà la seule devise d’un hôpital digne. Sauver d’abord, débattre ensuite : l’unique arithmétique qui vaille. Une règle de civilisation. Car, en fin de compte, une nation se reconnaît à sa salle d’urgence : miroir implacable de son État social, révélateur immédiat de sa justice réelle.
