Les syndicalistes exclus de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) en raison de leur opposition farouche à l’amendement de l’article 20 du règlement intérieur de l’organisation ont catégoriquement rejeté le processus de réconciliation interne «au cas par cas», décidé par l’instance administrative nationale, le lundi 11 août.
«Une réconciliation au cas par cas aurait pu concerner des syndicalistes qui ont porté atteinte à l’organisation ou commis des actes répréhensibles. Or, tous les syndicalistes qui ont été exclus de l’organisation n’ont fait qu’exercer leur droit à la libre expression en critiquant des agissements qu’ils avaient jugé illégaux et qui ne servaient pas l’intérêt de l’organisation comme l’amendement du fameux article 20 du règlement intérieur qui avait fait sauter le verrou de la limitation des mandats des membres du Bureau exécutif et permis ainsi la réélection de sept membres du Bureau sortant lors du congrès de février 2022», a déclaré Taïeb Bouaïcha, coordinateur du collectif «Forum syndical pour l’ancrage de la pratique démocratique et le respect des statuts de l’organisation», qui regroupe plusieurs sensibilités de ce que l’on appelle «l’opposition syndicale».
«Les derniers rebondissements ont d’ailleurs prouvé que ces syndicalistes sincères et attachés aux principes de la démocratie et de l’alternance avaient vu juste. La réconciliation sélective et à géométrie variable proposée aujourd’hui prouve que l’actuelle direction de la centrale syndicale poursuit sa fuite en avant et ne semble pas avoir retenu les leçons du passé», a-t-il ajouté.
Ancien secrétaire général du syndicat de l’enseignement secondaire, Taïeb Bouaïcha a également indiqué que la seule option qui permettrait à l’UGTT de sortir du creux de la vague serait le départ du Bureau exécutif actuel et la mise en place d’un comité de direction provisoire, qui veillerait sur «l’assainissement» de l’organisation et le renouvellement de ses diverses structures et instances dirigeantes, du syndicat de base jusqu’au Bureau exécutif national, sur la base du règlement intérieur de l’organisation datant de juillet 2017.
La réunion de l’instance administrative de la centrale syndicale, qui s’est tenue lundi dernier, a entériné le principe d’une réconciliation interne «au cas par cas», qui risque de ne pas concerner tous les syndicalistes qui ont vu leurs activités gelées pour s’être opposés à l’amendement de l’article 20 du règlement intérieur ou pour avoir critiqué la direction issue du congrès de février 2022.
Tous les membres de cette instance dirigeante de la centrale syndicale ont pourtant souligné, à cette occasion, la nécessité de cette réconciliation pour «renforcer le front intérieur et resserrer les rangs de l’organisation face aux atteintes visant l’organisation» après l’annonce par la présidence du gouvernement de la fin de la mise à disposition des salariés au profit des organisations syndicales.
Image brouillée
La réunion extraordinaire de l’instance administrative s’est tenue après une grève très suivie dans le secteur du transport terrestre des voyageurs. Elle s’est aussi tenue après un mouvement protestataire qui s’est produit Place Mohamed Ali accusant les dirigeants de l’UGTT de «corruption» et de «dilapidation de l’argent du peuple», tout en appelant à la dissolution de l’organisation.
Ces développements ont eu lieu alors que l’UGTT est secouée par une grave crise interne, qui a largement contribué à brouiller son image auprès de l’opinion publique. Une scission est, en effet, apparue au grand jour en septembre 2024, lorsqu’une large frange de syndicalistes menés par cinq membres du Bureau exécutif s’est ralliée à la thèse de l’opposition syndicale selon laquelle les diverses instances dirigeantes de l’organisation issues du congrès de février 2022 sont «illégitimes». D’autant plus que l’amendement de l’article 20 du règlement intérieur de l’organisation, adopté lors d’un congrès extraordinaire non électif tenu en juillet 2021 à Sousse, a verrouillé le jeu électoral au profit des membres de la direction sortante. Cet amendement a supprimé la limitation de l’exercice de la responsabilité au Bureau exécutif national à deux mandats et permis la réélection de plusieurs membres du Bureau exécutif, dont NoureddineTaboubi, Slaheddine Selmi, Monêm Amira, Sami Tahri, Hfaïedh Hfaïedh, lors du congrès de février 2022.
Pour rappel, les deux ailes rivales du bureau exécutif de l’UGTT ont conclu, fin mai dernier, un accord à l’arraché sur la tenue du prochain congrès anticipé du 25 au 27 mars 2026, soit environ onze mois avant les délais initialement prévus (février 2027), pour tenter de mettre fin à la crise interne dans laquelle se débat la centrale syndicale depuis septembre 2024.
Cette crise avait paralysé au passage toutes les instances dirigeantes centrales et les structures régionales et sectorielles de l’organisation, réduisant significativement sa capacité de mobilisation et sa marge de manœuvre.
Walid KHEFIFI
