Le député à l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP), Youssef Toumi, a déclaré récemment lors de son intervention sur les ondes d’une radio de la place, qu’une proposition de loi sur la criminalisation de l’abandon de déchets dans les espaces publics, a été déposée par 17 parlementaires, depuis le 10 juillet dernier. Il n’a pas manqué de préciser que cette proposition de loi n’a pas pour but uniquement de sanctionner, mais surtout de protéger l’environnement, tout en favorisant une véritable culture de la citoyenneté écologique.
L’abandon des déchets dans les rues, les parcs, les plages ou encore aux abords des routes n’est pas un phénomène récent en Tunisie. Il perdure depuis des décennies, malgré les nombreuses campagnes de sensibilisation menées aussi bien par les municipalités et les instances publiques que par plusieurs associations civiles.
Cette pratique devenue presque banale pour certains, révèle un profond manque de conscience environnementale. Elle traduit l’attitude de ceux qui, peu soucieux de leur cadre de vie, contribuent à sa dégradation et à la prolifération de risques sanitaires liés aux infections et microbes. Aujourd’hui, ce fléau est visible à l’échelle nationale et il affecte non seulement la santé publique et la qualité de vie des citoyens, mais aussi l’image du pays. Une situation aggravée par l’absence de sanctions réellement dissuasives et par le laxisme dans l’application des lois existantes.
Responsabilité envers l’environnement et citoyenneté
La Tunisie est confrontée à une série de crises environnementales, telles que la pollution urbaine, l’accumulation des déchets, l’épuisement des ressources naturelles, la surexploitation des nappes phréatiques et tous les effets visibles du changement climatique. Dans ce contexte, la question de la citoyenneté écologique se pose avec acuité. Être citoyen ne se limite plus à l’exercice des droits politiques ou sociaux. Il s’agit aussi de prendre conscience de sa responsabilité envers l’environnement et d’agir en conséquence dans la vie quotidienne. Cela incite à réduire sa consommation, trier et valoriser ses déchets, respecter les espaces publics, préserver l’eau et l’énergie. Autrement dit, adopter des comportements qui contribuent à la durabilité collective. Or, en Tunisie, la culture écologique peine à s’enraciner. Les campagnes de sensibilisation restent souvent ponctuelles et limitées, tandis que les habitudes ancrées de gaspillage, de pollution et d’abandon des déchets persistent.
La responsabilité n’incombe pas uniquement aux citoyens, mais aussi, aux collectivités locales et aux entreprises qui doivent instaurer un cadre incitatif, éducatif et répressif à la fois. La citoyenneté écologique suppose donc un nouveau contrat social et moral, où chaque citoyen participe activement à la préservation de l’environnement, non pas sous la contrainte, mais par conviction. Elle appelle aussi à une réforme en profondeur du système éducatif pour intégrer la conscience écologique dès l’enfance, et à un meilleur accompagnement des initiatives associatives et communautaires. En définitive, la Tunisie ne pourra relever ses défis environnementaux qu’en transformant cette citoyenneté écologique en un réflexe collectif, garant d’un développement durable et d’une qualité de vie meilleure pour les générations futures.
Différentes catégories d’infractions sont prévues et sanctionnées
D’où l’objet de cette proposition de loi qui, d’après le député, prévoit l’interdiction d’abandonner ou de déposer, en dehors des espaces autorisés, tout type de déchets ménagers, industriels, commerciaux ou autres. Il y a d’abord des sanctions légères pour des infractions telles que l’abandon de bouteilles en plastique ou même de mégots de cigarettes. En effet, ce sont ces petites choses qui polluent l’atmosphère et nuisent à l’environnement. Une amende entre 100 et 300 dinars est prévue pour ce genre d’infraction. Avec l’obligation de participer au nettoyage des lieux publics de 1 à 3 jours. Il y a ensuite les infractions consistant à déposer les sacs volumineux d’ordures ménagères ou de déchets, devant les habitations et commerces en dehors des horaires prévus.
Sur ce point, il faut dire qu’il y a depuis quelque temps, un manque d’organisation de la part des municipalités qui ne fournissent pas des bennes pour les habitants, destinées aux ordures ménagères. Si bien que des déchets sont abandonnés de manière aléatoire créant nuisance et pollution dans les zones urbaines. Une amende de 300 à 1000 dinars est prévue dans ces cas, selon la proposition de loi en question, avec la possibilité de poursuites judiciaires en cas de récidive. Ensuite, il y a une troisième catégorie d’infractions qui est prévue pour les rejets de déchets médicaux, industriels ou électroniques, le déversement massif de gravats, ainsi que la pollution des cours d’eau et espaces verts. Une amende de 2000 à 5000 dinars est prévue, ainsi qu’une peine de prison de 1 à 6 mois.
Si elle venait à être adoptée, cette proposition de loi marquerait une étape décisive dans la lutte contre la pollution et l’insalubrité qui gangrènent nos espaces publics. En s’attaquant directement au problème récurrent des déchets, elle offrirait à la Tunisie un outil juridique solide pour relever l’un des plus grands défis environnementaux et améliorer durablement le cadre de vie des citoyens. Elle serait un signal fort d’un Etat décidé à restaurer la propreté de ses villes et surtout à imposer une citoyenneté écologique. Elle ouvrirait la voie à une véritable citoyenneté écologique où chacun comprend que l’espace public est un bien commun. Restaurer la propreté de nos villes, c’est protéger la santé des citoyens, préserver leur dignité et redonner à la Tunisie l’image qu’elle mérite.
Ahmed NEMLAGHI
