En Tunisie, bien que les femmes constituent la majorité des diplômés universitaires et occupent des postes dans divers secteurs, elles restent confrontées à des discriminations qui font que leur taux de chômage soit plus élevé que celui des hommes, particulièrement en raison des rôles traditionnels persistants assignés à la garde des enfants et aux tâches domestiques. Les femmes tunisiennes sont sous-représentées dans les postes de direction et les métiers techniques, mais elles ne croisent pas les bras pour autant et vont jusqu’à conquérir des métiers «monopolisés» par les hommes depuis un bon bout de temps. En voici la preuve.
Dans un pays où la tradition a la peau dure, les attitudes conservatrices assignent aux femmes la responsabilité des tâches domestiques et de la garde des enfants, ce qui freine leur intégration dans le monde du travail.
La répartition des emplois montre un déficit de femmes dans les postes de directeurs et de cadres de direction, favorisant les hommes. Ainsi, les femmes ont un accès plus limité à la propriété et au financement, ce qui entrave leur capacité à gérer des entreprises, contrairement aux hommes.
Il est vrai qu’elles sont nombreuses à gérer des entreprises (plus de 10 mille femmes), mais ce sont presque toujours les hommes qui occupent une part plus importante dans ce secteur, notamment en raison de l’accès au financement et aux actifs productifs.
De même, il y a des domaines où la gent féminine est nettement supérieure :
-Profession médicale et pharmaceutique : les femmes représentent une part importante des pharmaciens (72%) et du corps médical (42%).
-Éducation : les femmes sont bien présentes dans l’enseignement universitaire (40%).
-Professions juridiques : elles occupent également des postes significatifs dans la magistrature (27%) et comme avocates (31%).
Des stéréotypes à bannir
Or, pour celles qui n’ont pas eu la chance de faire de brillantes études et de posséder de hauts diplômes, le chemin de l’emploi est beaucoup plus ardu et plein d’embûches. Pendant longtemps, les hommes ont toujours su passer un même discours : les femmes ne sont pas faites pour les métiers nécessitant un effort physique et de l’endurance. Et c’est contre de tels stéréotypes qui limitent les opportunités professionnelles des femmes et renforcent la division traditionnelle des rôles entre les sexes que la femme tunisienne se dresse aujourd’hui. Et on peut dire qu’elle est en train de gagner cette bataille.
Aujourd’hui, les portes, jadis fermées, de certaines activités dites «masculines» s’ouvrent progressivement, et on commence à se familiariser avec des images peu courantes il y a deux ou trois décennies.
A titre d’exemple, on constate un nombre de plus en plus élevé de femmes dans la conduite des engins. Nous ne parlons pas des femmes pilotes qui sont là depuis longtemps, mais de celles qui conduisent, à titre d’exemple, les véhicules de transport. A la TRANSTU, plusieurs femmes ont fait leur apparition derrière les volants des bus de transport public. Malheureusement, avec tout ce qui s’est passé au sein de cette entreprise publique et en l’absence de sécurité sur nos routes, elles ont été déplacées pour occuper des postes administratifs. Il en est de même pour les conductrices de métro qui sont encore là, qui font de la résistance et qui se font respecter, souvent, plus que les hommes.
Dans le même domaine du transport, Ons Sdiri est devenue la première femme à conduire un train sur la toute nouvelle ligne D du réseau ferroviaire rapide du Grand Tunis, qui relie la capitale à Gobaâ, dans le gouvernorat de la Manouba et qui a été inaugurée le samedi 25 janvier 2025. Cette étape marque une avancée significative pour le transport public en Tunisie, non seulement en termes d’infrastructure, mais aussi en matière d’inclusion, en offrant une nouvelle opportunité pour les femmes dans des métiers traditionnellement dominés par les hommes.
«Venez voir, mes filets ramènent des merveilles»
Loin des réseaux routiers et des chemins de fer, la mer est en train d’attirer de plus en plus de femmes. Devant la côte plate des îles Kerkennah, Sarra Souissi rame vers le large dans son petit bateau de pêche. Elle est l’une des rares femmes dans un métier dominé par les hommes, elle combat les stéréotypes de mise et les problèmes environnementaux qui menacent son gagne-pain. D’ailleurs, elle s’adonne à cette passion depuis l’adolescence : «J’adore la mer et j’adore pêcher, c’est pour ça que j’ai persisté, même si la société n’accepte pas tellement qu’une femme pêche».
Dans ce secteur essentiel en Tunisie, environ 13% du PIB, en incluant l’aquaculture, les femmes jouent «un rôle actif et varié tout au long» de la filière, mais peu reconnu, selon une récente étude de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Les pêcheuses «ne sont pas considérées comme de vraies travailleuses» par leurs homologues masculins et ont moins d’accès aux aides, aux formations et aux banques qui les classent comme des «emprunteuses à haut risque», selon un rapport de la FAO.
Sarra est fière de pratiquer ce métier qui lui permet de subvenir à ses besoins, d’aider son mari, également pêcheur, pour assurer l’éducation et le bien-être de leur fils, et elle appelle même à venir la voir lancer ses filets en pleine mer et les retirer à temps pour recueillir ce que la mer lui a offert en contrepartie de ses efforts et de ses sacrifices.
Aujourd’hui, de plus en plus de femmes ont franchi le pas pour se diriger, sans trop s’attarder sur les réactions des uns et des autres, vers des métiers jadis «masculins». Elles sont aujourd’hui un peu partout dans les postes d’agente d’approvisionnement, de magasinière, de peintre en bâtiment, de mécanicienne de machinerie et de véhicules lourds, d’opératrice de machines lourdes, de technicienne en assainissement de l’eau et beaucoup d’autres spécialités conquises de haute lutte.
Kamel ZAIEM
