La violence en milieu scolaire a pris des proportions alarmantes ces dernières années. À l’école, chaque enfant devrait se sentir respecté, accepté et en sécurité, afin de pouvoir apprendre et s’épanouir. Pourtant, de nombreux élèves sont encore victimes de violences et de harcèlement. Et à l’heure des réseaux sociaux, ces phénomènes ne s’arrêtent plus aux portes de l’école : ils se poursuivent et s’amplifient en ligne. Près d’un élève sur trois dans le monde déclare avoir été agressé physiquement au moins une fois au cours de l’année. Chaque mois, le harcèlement touche un élève sur trois. Le cyberharcèlement est par ailleurs de plus en plus répandu, touchant désormais un enfant sur dix.
Ce phénomène de société se manifeste sous différentes formes, physique, verbale et psychologique. Les violences verbales restent les formes d’abus les plus courantes dans les écoles. Moqueries, insultes, humiliations et sobriquets représentent le triste panel de violences subies par les élèves. Mais au-delà des attaques verbales, l’école tunisienne peut également devenir le théâtre de violences physiques. Certains élèves déclarent avoir été frappés tandis que d’autres ont été bousculés dans l’intention de leur faire du mal. Les garçons sont des victimes privilégiées de violence physique et ils sont agressés beaucoup plus souvent que les filles. En plus des violences verbales et physiques, les élèves peuvent être persécutés et délestés de leurs biens. Autre forme de violence répandue dans le milieu scolaire : le châtiment corporel qui touche surtout les élèves du primaire. Un phénomène qui continue de sévir malgré son interdiction formelle. En plus des punitions verbales, on retrouve les punitions «éducatives» consistant à imposer «la copie de lignes» et la «diminution des notes». Autre problématique liée cette fois-ci à l’utilisation intensive des réseaux sociaux : il s’agit du harcèlement. Ainsi, certains élèves affirment avoir fait l’objet de publications non désirées sur les réseaux sociaux. Encore une fois, les garçons semblent plus concernés que les filles… Un constat qui peut s’expliquer par l’omerta et le poids du silence pesant sur la violence numérique sexiste et empêchant encore les filles de dénoncer leurs agresseurs. Les actes de violence dans les écoles sont principalement commis par les élèves entre eux, tandis que le personnel enseignant arrive en deuxième position, dans des proportions généralement limitées. Il est également apparu que les employés administratifs et les personnes extérieures à l’école font partie des auteurs de violences en milieu scolaire, mais dans des proportions bien moindres.
Aujourd’hui, la violence scolaire est au cœur des préoccupations. Bien que n’étant pas un phénomène nouveau dans les écoles tunisiennes, elle a considérablement augmenté ces dernières années. Les incidents se multiplient dans différents gouvernorats, suscitant l’inquiétude des parents et des responsables éducatifs. Ces actes créent un environnement scolaire dangereux, affectant autant les élèves que les enseignants. Samir, enseignant, souligne que la violence en milieu scolaire est un phénomène universel, présent dans tous les pays. Elle évolue, se diversifie et touche toutes les couches de la société. Cependant, son ampleur, sa complexité et la gravité de ses répercussions dépendent des spécificités socioculturelles et économiques de chaque pays. Ce phénomène, autrefois limité à de petites altercations entre élèves, à des agressions contre les professeurs ou encore à des dégradations des locaux scolaires, a pris une ampleur alarmante. Les causes de la violence scolaire sont multiples et complexes… Premièrement, la personnalité de l’agresseur : l’élève violent est souvent impulsif, en manque d’estime de soi et souffre de difficultés scolaires ou de problèmes familiaux. Pour se valoriser aux yeux de ses pairs, il choisit parfois la violence comme moyen d’expression. Deuxièmement, l’influence des médias et des réseaux sociaux : les contenus violents, largement diffusés sur ces plateformes, exacerbent l’agressivité des adolescents vulnérables et influençables. Viennent ensuite les dysfonctionnements familiaux. La violence ne commence pas à l’école, mais bien plus tôt, au sein de la famille.
La caméra peut-elle remplacer l’homme ?
Les violences scolaires sont multiples et revêtent plusieurs formes selon l’âge et le sexe des enfants. Néanmoins, le plus souvent, elles naissent d’une impossibilité à gérer la frustration et/ou à comprendre les différences au sein d’un établissement scolaire. Pour atténuer les dissensions, l’instauration de débats, en classe, peut être une solution. L’objectif : travailler sur la tolérance et le respect des autres. Les établissements scolaires redoublent d’efforts pour fortifier les infrastructures et les systèmes de sécurité au sein des établissements scolaires, en déployant des caméras de surveillance et en assurant des services de surveillance. Zakaria Dassi, directeur général du Centre international de formation des formateurs et de l’innovation pédagogique, a confirmé que toutes les institutions éducatives ont été équipées de caméras de surveillance afin de limiter la propagation des phénomènes de violence et de drogue dans l’environnement scolaire. Il s’agit d’un moyen de dissuasion, une façon d’empêcher les élèves réputés violents ou les intrus d’agir aussi bien à l’intérieur de l’établissement qu’en dehors. Ces dispositifs visent à dissuader toute forme de violence et à assurer une présence dissuasive pour protéger les élèves et le personnel éducatif. L’installation de ces caméras s’inscrit dans une stratégie plus large de surveillance et de détection précoce des comportements suspects. Le but étant d’intervenir rapidement pour prévenir les agressions et offrir une sécurité renforcée, notamment pour les jeunes qui sont souvent vulnérables aux violences physiques et psychologiques.
Et si on reconnaissait le travail des surveillants ?
A première vue, l’installation de dispositifs de télésurveillance permettrait de surveiller en temps réel de nombreux points névralgiques dans les établissements et permettrait une intervention rapide. L’introduction des caméras de surveillance dans les établissements scolaires peut effectivement endiguer certaines déviances telles que consommation d’alcool, de stupéfiants, de tabac, dégradation des biens et prévention des cas de violences morales et physiques. Mais les systèmes vidéo, s’ils découragent les élèves dans l’enceinte des structures scolaires, ne permettent pas d’éradiquer les problèmes. En effet, il y aura toujours un espace non couvert par les caméras. Si la caméra vidéo permet de constater les infractions, elle ne gère pas le problème. La caméra ne peut remplacer l’homme. On peut penser qu’un jour, des drones et des robots agiront auprès de nos enfants. Et pourtant, il existe des hommes et des femmes qui, au quotidien, préviennent, écoutent, discutent et canalisent certaines pulsions violentes. Ce sont les surveillants qui assurent pourtant une fonction essentielle dans les établissements. Ce sont les gardiens du temple, ceux qui accueillent, secourent, discutent, temporisent, fixent les limites.
Kamel Bouaouina
