Le milieu scolaire est l’un des milieux de vie principaux des jeunes et est particulièrement structurant pour leur santé mentale. Les jeunes scolarisés vivent des périodes de bouleversement pendant lesquelles peuvent apparaître des signes de mal-être et des troubles psychiques. Le sujet de la santé mentale des jeunes est au cœur de toutes les préoccupations. De la maternelle au lycée, en passant par le primaire et le secondaire, les élèves des écoles font face à une augmentation nette de leur niveau de stress et d’anxiété.
La santé mentale des jeunes scolarisés évolue tout au long de la vie, pouvant osciller entre bien-être et mal-être, entre l’absence de troubles psychiques et la présence d’une maladie. Chez les jeunes, de nombreux facteurs influencent ces évolutions. Si cette période de vie comporte des risques, c’est aussi parce c’est une période de construction où l’individu évolue rapidement, une période de découvertes et de changements : on est réceptif à ce qui est renvoyé et mis en place par les personnes qui nous entourent. C’est donc aussi un moment très propice pour agir pour l’épanouissement des jeunes
Il est bien sûr important de repérer les problèmes le plus tôt possible, pour proposer un accompagnement adapté afin de minimiser l’impact de ces troubles sur la vie quotidienne et l’avenir du jeune. La santé mentale est un enjeu collectif. C’est l’affaire de tous. On entend parler de cette notion de plus en plus. On la lit, on l’entend, on la voit, on en parle même parfois au détour d’une conversation entre amis. Ces troubles apparaissent principalement entre 15 et 25 ans, une période de vulnérabilité psychique particulière , essentielle pour le développement des capacités d résilience dans la vie adulte.
Cette période de jeunesse est donc une fenêtre de vulnérabilité globale, qui implique tout autant l’acquisition de compétences sociales, de régulation émotionnelle et d’estime de soi, que la mise en jeu de processus de plasticité cérébrale, influencés par une variété de facteurs génétiques et environnementaux. C’est tout l’enjeu de la prévention, car justement, l’exposition durant cette période cruciale du développement à différents facteurs de risque environnementaux, qu’ils soient psycho-sociaux (harcèlement scolaire, violences sexuelles et sexistes, discriminations, etc.) ou biologiques (alcool, drogue), est susceptible de précipiter l’émergence d’un trouble sur un terrain fragile. L’entourage familial, souvent démuni, pourrait alors croire, hélas, qu’il s’agit d’une simple crise d’adolescence, alors que le mal est profond et le danger de conduites suicidaires, bien réel.il semble urgent de lever les tabous sur la santé mentale des jeunes en Tunisie. Mais pour quoi faire ? Et comment ?
Le droit à la santé mentale scolaire
. Un sondage qui inquiète. 27% des Tunisiens, âgés de 18 à 29 ans estiment que leur santé mentale est mauvaise, voire très mauvaise. C’est ce qui ressort d’une étude de l’ONG International Alert , qui a ciblé 1.250 jeunes, hommes et femmes, dans les quartiers populaires de Kabaria, Kasserine Nord et Tataouine Nord. La santé mentale est un véritable problème de santé publique. En Tunisie, une personne sur quatre est touchée par la dépression. Un Tunisien sur deux présente au moins un signe relevant d’une mauvaise santé mentale, allant du simple tic nerveux à l’état d’anxiété ou à la dépression.
Les troubles mentaux sont souvent méconnus en Tunisie. On en parle peu et on y accorde peu d’importance. Ce n’est que ces dernières années que des termes, nouveaux pour la société tunisienne, ont émergé. Depuis 2011, on parle de dépression, de bipolarité, de schizophrénie, de burnout, de dépression postpartum, de personnes narcissiques, de perversions. Les Tunisiens ne vont pas bien.
Les taux de maladies mentales chez les jeunes ont augmenté ces dernières années, ce qui a conduit à l’apparition de comportements dangereux tels que le suicide. Selon le rapport du ministère de la Santé de 2023, plus de 150 cas de suicide ont été enregistrés parmi les élèves des lycées au cours des cinq dernières années. Comme l’a indiqué le Centre de défense des droits de l’enfant tunisien, environ 20 % des élèves souffrent de troubles psychologiques nécessitant une intervention médicale. Ainsi dans le cadre de la création de conditions propices à la qualité de l’éducation dans les établissements scolaires, un certain nombre de députés du parlement ont récemment présenté une proposition de loi concernant le droit à la santé mentale scolaire.
Cette proposition vise à la prévention et au dépistage précoce à travers des évaluations périodiques et des examens psychologiques qui identifient les cas à risque, ainsi qu’à fournir un soutien psychologique continu par le biais de séances de soutien psychologique individuelles et collectives qui aident les élèves à faire face aux pressions de la vie scolaire et sociale.
La proposition comprend 10 chapitres répartis en six sections, à savoir des dispositions générales, une deuxième section consacrée à l’organisation de la santé mentale dans les établissements éducatifs, la troisième section concernant les droits et devoirs des élèves et des étudiants, la quatrième section sur le financement de la santé mentale scolaire, la cinquième section expliquant les sanctions pour quiconque entrave la fourniture de services de santé mentale dans les établissements éducatifs, et la sixième section sur les dispositions transitoires.
Les dispositions dans ce cadre stipulent la nécessité de garantir la confidentialité des informations psychologiques et de protéger la vie privée des élèves et des étudiants, en plus de la coopération avec la famille pour atteindre l’équilibre requis. La sensibilisation des élèves, des familles et des éducateurs à l’importance de la santé mentale et aux méthodes pour y faire face sera renforcée, et les établissements éducatifs seront liés aux établissements de santé pour fournir un traitement efficace aux cas critiques, avec l’obligation pour les établissements éducatifs de consacrer des ressources humaines et financières au suivi de la santé mentale.
Cette proposition a été présentée par 36 députés de différents groupes et non affiliés, et a été déposée le 16 juillet 2025 pour être prise en charge par la Commission de l’éducation, de la formation professionnelle, de la recherche scientifique, de la jeunesse et des sports.
L’école : un déterminant majeur de santé pour les enfants et les adolescents
L’école constitue un déterminant de la santé mentale, au même titre que la famille et les proches. Les enfants y passent 40% de leur temps d’éveil. Bénéficier d’un environnement scolaire sécurisant, positif et bienveillant impacte favorablement le bien-être des élèves.La santé mentale est un processus dynamique qui dépend de facteurs pouvant intervenir au détriment ou en faveur de la santé mentale. Ainsi les facteurs de risque contribuent au développement de troubles ou à l’aggravation de l’état de santé mentale. Les facteurs de protection favorisent le bien-être, évitent que l’état de santé mentale ne se détériore et améliorent la capacité d’adaptation et de résilience.La création d’un environnement favorable, le développement du pouvoir d’agir et d’une meilleure connaissance de la santé, dont la santé mentale, contribuent à favoriser la bonne santé mentale. Chaque membre de la communauté éducative contribue, à son niveau, à l’instauration d’un environnement favorable au bien-être des élèves et des adultes. Cette démarche vise la mise en place d’environnements scolaires, matériels et relationnels favorables à la santé, le développement de comportements et d’habitudes influant positivement sur la santé et une meilleure littératie en santé.
Chaque établissement doit se doter d’un protocole qui réunit l’ensemble de la communauté éducative et fait de la question de la santé mentale un objet de travail commun. L’enfance et l’adolescence sont des périodes cruciales pour les actions de prévention et de promotion de la santé mentale, car les habitudes de vie sont en construction et les compétences en cours d’acquisition. Les premières années de la vie sont déterminantes pour le développement psychoaffectif des enfants, l’efficacité des apprentissages et leur capacité à s’adapter dans leur future vie d’adulte. L’écoute en milieu scolaire est efficace pour les jeunes Les problématiques des élèves peuvent être de l’ordre d’une symptomatologie dépressive, de stress, d’anxiété, de difficultés d’ordre cognitif, de conflits relationnels, d’idées suicidaires, de troubles psychotiques, ou encore de questionnements. Face à ces problèmes psychiques, des campagnes de prévention et d’accompagnement psychologique sont lancées dans certains établissements par la mise en place de cellules d’écoute.
Ces cellules d’écoute reposent sur l’accompagnement des élèves en difficulté psychologique et visent à ce qu’ils puissent s’adapter et s’épanouir au mieux dans leur vie scolaire. La cellule d’écoute est souvent le premier contact qu’a le jeune adulte avec le soin psychologique. Ce premier contact peut lui permettre de mettre des mots sur son vécu et sa souffrance. Cela facilite par la suite, une recherche d’aide adéquate et une réduction de la peur d’être stigmatisé. Tous les membres de la société (décideurs publics, entreprises, organismes communautaires, citoyens) peuvent agir afin de promouvoir la santé mentale des jeunes et de prévenir l’incidence des problèmes de santé mentale. Ensemble, nous pouvons agir pour que notre société offre les conditions optimales à une bonne santé mentale pour nos jeunes.
Sur le plan économique, une population en bonne santé mentale constitue une ressource collective. La santé mentale est un bien commun. Elle ne dépend pas uniquement de choix individuels, mais aussi des réalités sociales, économiques, culturelles et politiques qui nous entourent. C’est un enjeu profondément collectif, qui nous concerne tous. Le XXIe siècle est celui de l’avènement de la prévention en santé mentale : on tente d’éviter que des symptômes psychiatriques ou psychologiques n’apparaissent ou ne s’installent durablement chez tout un chacun. Les bénéfices sont déjà au rendez-vous. Mais il y a encore du chemin à parcourir…
Kamel BOUAOUINA
