Lors de la conférence périodique des délégués régionaux de l’éducation, le ministre de l’Éducation, Nourredine Ennouri, a lancé un appel ferme et sans équivoque : l’approvisionnement en eau potable dans les établissements scolaires doit être une priorité absolue. Au-delà des considérations pédagogiques et organisationnelles, le ministre a rappelé que la disponibilité de l’eau et la garantie d’un environnement propre et digne constituent la base même de tout système éducatif de qualité.
Cette déclaration intervient dans un contexte national marqué par une crise hydrique persistante, où les coupures d’eau affectent non seulement les foyers et l’agriculture, mais également les institutions publiques, y compris les écoles.
La question de l’eau dans les établissements scolaires dépasse le simple confort : elle touche directement à la santé, à l’hygiène, à l’égalité des chances et, in fine, à la réussite scolaire.
Dans de nombreuses régions du pays, l’absence d’eau potable dans les écoles est une réalité quotidienne. Certaines écoles, notamment dans les zones rurales et défavorisées, connaissent des difficultés récurrentes d’approvisionnement, obligeant élèves et enseignants à recourir à des solutions précaires comme le transport manuel de l’eau ou l’achat de bouteilles.
Il y va de la santé des élèves
Cette situation met en péril non seulement les conditions d’apprentissage, mais aussi la santé des enfants. Sans eau potable, il devient difficile de respecter les règles élémentaires d’hygiène : se laver les mains, maintenir la propreté des toilettes, ou encore garantir la sécurité alimentaire dans les cantines scolaires. Ces manquements ouvrent la voie à des risques sanitaires importants, tels que la propagation de maladies hydriques ou gastro-intestinales, qui affectent directement l’assiduité et la performance scolaire.
Le ministre Ennouri a insisté sur ce point : avant de parler de programmes scolaires, de mécanismes d’évaluation ou d’emplois du temps, il est indispensable de garantir des conditions minimales de santé et d’hygiène. L’école, en tant que lieu d’apprentissage, doit aussi être un espace sûr où les enfants grandissent dans la dignité.
De nombreuses études internationales confirment cette corrélation entre accès à l’eau, hygiène et réussite scolaire. L’UNICEF, par exemple, rappelle régulièrement que l’absence d’eau potable et de sanitaires adéquats dans les écoles conduit à un absentéisme accru, notamment chez les filles, et à une baisse générale de la concentration et de la productivité des élèves. La Tunisie, qui aspire à renforcer la qualité de son système éducatif, ne peut donc ignorer cette dimension fondamentale.
Au-delà de la question de l’eau, le ministre a également souligné la nécessité de préserver un environnement scolaire propre et digne. Cela passe par l’entretien régulier des établissements, l’aménagement des cantines et la mise à disposition du matériel nécessaire. Ces aspects, souvent considérés comme secondaires, constituent en réalité des leviers essentiels pour améliorer le bien-être des élèves. Dans ce sens, la restauration scolaire a été identifiée comme un autre axe prioritaire. Le ministre a insisté sur la nécessité de moderniser les cantines, de les équiper correctement et de garantir des repas répondant aux normes de qualité. Car offrir aux élèves une alimentation saine et sûre, dans un cadre propre, participe aussi à leur réussite éducative.
Une question d’égalité des chances
L’approvisionnement en eau potable dans les écoles n’est pas seulement un problème d’infrastructure, il s’agit également d’une question de justice sociale. Les disparités entre régions urbaines et rurales, déjà marquées par des inégalités socioéconomiques, se traduisent aussi par des conditions scolaires inégales. Alors que certaines écoles disposent d’installations modernes et fonctionnelles, d’autres peinent à offrir l’essentiel. Cette fracture accentue le sentiment d’abandon chez les élèves et les familles des zones défavorisées, compromettant l’égalité des chances et alimentant les tensions sociales.
Un défi à relever dans un contexte de pénurie
Il serait toutefois injuste de réduire la problématique au seul ministère de l’Éducation. La Tunisie traverse une crise hydrique majeure, conséquence du changement climatique, de la baisse des précipitations et de la mauvaise gestion des ressources. Dans ce contexte, garantir un approvisionnement continu en eau pour des milliers d’écoles représente un défi logistique et financier colossal.
Cependant, comme l’a rappelé le ministre, l’État doit mobiliser toutes les ressources disponibles pour répondre à cette urgence. Cela pourrait passer par des partenariats avec les collectivités locales, les organisations internationales et la société civile. Des initiatives telles que l’installation de citernes de stockage, la réhabilitation des réseaux internes ou encore la mise en place de systèmes de récupération des eaux de pluie pourraient constituer des solutions concrètes.
Vers une nouvelle approche de la politique éducative
En plaçant l’eau potable et l’environnement scolaire au centre de ses priorités, le ministre de l’Éducation adopte une approche globale qui dépasse le cadre strictement pédagogique. L’éducation ne se résume pas à l’enseignement de matières académiques, elle implique aussi de garantir des conditions de vie et d’apprentissage dignes pour chaque élève.
Cet appel peut être interprété comme un signal fort de changement dans la vision politique du système éducatif tunisien. Il souligne la nécessité d’intégrer la dimension sociale, sanitaire et environnementale dans la planification éducative. Si ces paroles sont suivies d’actions concrètes, elles pourront marquer un tournant décisif dans la lutte pour une école tunisienne plus équitable et plus performante.
La déclaration du ministre met en lumière une vérité fondamentale : sans eau potable ni environnement scolaire propre, il n’y a pas d’éducation de qualité. L’urgence d’agir est donc réelle et immédiate. Mais ce combat ne peut être porté par l’État seul. Les collectivités locales, les associations, les parents et même les élèves doivent s’impliquer pour préserver et valoriser leurs établissements.
La Tunisie, qui fait face à des défis multiples, ne pourra bâtir un avenir solide sans investir dans ses enfants. Et cet investissement commence par leur offrir ce qui devrait être un droit élémentaire : boire de l’eau potable dans leur école.
Leila SELMI
