A dix jours de la rentrée scolaire, une campagne nationale conjointe de contrôle des fournitures scolaires vient d’être lancée. Il ne s’agit pas d’une première et on ne manque pas de s’interroger sur l’utilité de cette campagne si on laisse des tonnes de fournitures scolaires dangereuses passer les frontières et occuper une bonne part de nos marchés. C’est dire que les autorités compétentes choisissent de réagir au lieu d’agir pour empêcher l’arrivée de cette marchandise suspecte.
Cette campagne, menée à partir du 2 septembre 2025, a abouti à la saisie de 9 016 unités de divers articles (stylos à bille, colles, pâtes à modeler, aquarelles, etc.) qui n’étaient pas conformes aux réglementations en vigueur. Les équipes de contrôle conjointes du Commerce, de l’Intérieur, des Douanes et de la Santé ont mené cette opération dans les circuits de distribution de gros et de détail.
Selon un communiqué du ministère du Commerce et du Développement des exportations, la campagne a également conduit à la saisie de 13 526 cahiers subventionnés pour dissimulation et accaparement de marchandises.
Au total, 263 infractions ont été relevées pour non-affichage des prix, non-possession de factures d’achat, refus de vente, dissimulation et accaparement de marchandises, vente conditionnelle, non-déclaration de l’activité de distribution de fournitures de bureau et possession de produits non conformes aux réglementations en vigueur.
Des mesures à prendre
Cette campagne a fait réagir Lotfi Riahi, le président de l’Organisation d’orientation du consommateur, qui a mis en garde contre l’achat de fournitures scolaires provenant des marchés parallèles, en cette période qui constitue un véritable «pic de consommation», ce qui encourage la prolifération de produits non conformes aux normes de sécurité. Riahi a rappelé que de nombreuses fournitures mises en vente dans ces circuits parallèles présentent des risques sanitaires pour les enfants et que le ministère de la Santé avait déjà alerté à plusieurs reprises sur leur dangerosité. Selon lui, la commercialisation de ces produits devrait être strictement interdite, tout comme leur utilisation dans les établissements scolaires.
Parmi les articles les plus préoccupants figurent les emballages en plastique, qui contiennent des substances lourdes, ainsi que certaines colles, gommes et autres produits similaires. A ce propos, le président de l’Organisation d’orientation du consommateur a également insisté sur la nécessité d’unifier les listes de fournitures scolaires, non seulement pour les cahiers mais aussi pour l’ensemble des produits utilisés en classe. Il a plaidé pour que ces fournitures soient fabriquées en Tunisie, avec une origine de production claire, un prix abordable et une qualité garantie.
D’autre part, le département du Commerce a fait savoir que les opérations de contrôle à l’importation des fournitures scolaires ont abouti, au cours des huit premiers mois de l’année 2025, au traitement de 180 dossiers d’importation, au prélèvement de 400 échantillons de fournitures, ainsi qu’à la réexportation et à la destruction de 6 428 pièces de pâte à modeler pour non-conformité aux caractéristiques bactériologiques et de 152 40 stylos à bille en raison de leur non-conformité.
Au niveau économique, ce qui se passe avec toutes ces marchandises dans le secteur informel prive l’État d’environ 15 millions de dinars chaque année en recettes fiscales, selon les estimations des douanes tunisiennes. Par ailleurs, les petites entreprises locales, qui emploient près de 120 000 personnes dans ce segment, peinent à rivaliser face aux produits issus du circuit informel, souvent importés sans contrôle douanier.
D’ailleurs, le gouvernement, avec le soutien des chambres de commerce, a lancé depuis 2024 un plan d’action visant à diminuer la part du marché parallèle de 30% à 15% d’ici 2027. Ce plan repose sur un renforcement des contrôles, notamment via 500 inspections prévues sur toute la chaîne de distribution, et sur des mesures d’incitation à la fabrication locale.
On n’y est pas encore. Aujourd’hui, seulement 35% des fournitures sont produites sur le territoire tunisien, alors que ce chiffre pourrait grimper avec des aides ciblées aux entreprises nationales, favorisant à la fois la qualité et l’emploi.
Les mêmes sources du marché parallèle
D’où viennent ces fournitures de mauvaise qualité ? D’habitude, les importations légales et contrôlées des fournitures scolaires proviennent de certains pays européens, notamment la France, et cette marchandise est totalement contrôlée et introduite auprès des revendeurs de gros et de détail. Or, comme c’est le cas pour d’autres importations comportant des dérives et des risques, la marchandise suspecte dont on parle débarque d’autres pays, la Chine et la Turquie en tête.
C’est dire que c’est au niveau de la Douane que le premier contrôle se fait. D’ailleurs, les services douaniers signalent, dans beaucoup de cas, des importations suspectes et vont jusqu’à opérer des opérations de vérification dans les entrepôts où les mauvaises surprises ne manquent pas.
C’est dire que nos frontières doivent être contrôlées plus rigoureusement quant à ce genre de marchandises, commandées et interceptées par des «barons» du commerce parallèle qui continuent, malheureusement, et pas uniquement dans ce registre des fournitures scolaires, à opérer et à faire la loi dans les marchés.
De même, des campagnes de sensibilisation doivent toucher les parents qui sont appelés à ne pas «coopérer» avec ce marché parallèle et à n’acheter les fournitures scolaires que chez les libraires et vendeurs agréés. Certes, les couleurs et les formes tentent les jeunes élèves, en plus des prix qui battent parfois la concurrence, mais lorsqu’il s’agit de danger pour la santé, il faut agir avec raison et responsabilité pour éviter à nos enfants de tels risques.
Kamel ZAIEM
