L’emploi est l’un des piliers essentiels de la politique sociale axée sur la lutte contre l’exclusion et la marginalisation qui ont sévi durant des années et causé la montée du chômage et la baisse continue du pouvoir d’achat. C’est notamment le chômage des diplômés qui a nourri chez eux, ainsi que chez tous les jeunes dans leur cas, un sentiment de marginalisation.
Conscient de cette réalité, le Président de la République, Kaïs Saïed, a fait de cette question l’une de ses priorités dans le cadre des réformes engagées sur la base de la justice sociale. À plusieurs reprises, il a rappelé que ces diplômés, portés par un élan patriotique et désireux de servir l’intérêt général, pourraient avantageusement remplacer certains agents occupant aujourd’hui des postes dans l’administration mais qui, par leur inertie ou leur manque de rigueur, freinent l’avancement des projets publics.
Toutefois, le Chef de l’État a tenu à réaffirmer un principe fondamental : le concours qui doit rester la voie légitime et incontournable pour accéder à la fonction publique, garantissant ainsi transparence, égalité des chances et confiance des citoyens dans les institutions. Toutefois, il ne suffit pas de proclamer le concours comme règle générale, mais il importe que ce mécanisme soit entouré de toutes les garanties nécessaires, afin de préserver sa transparence et de protéger les candidats contre toute forme de favoritisme ou de malversation.
Le concours, seul moyen équitable pour le traitement des candidats
L’impératif de restaurer la crédibilité des concours devient de ce fait une nécessité, afin que chaque concerné ait la certitude que seuls son mérite, son effort et ses compétences déterminent son avenir professionnel, et non les interventions occultes, les réseaux de clientélisme ou les logiques partisanes, comme cela fut le cas auparavant. Ainsi, la justice sociale passe d’abord par un traitement équitable des candidats. Aucun d’entre eux ne doit être lésé, que ce soit par l’opacité des procédures, par des critères discriminatoires ou par l’influence de groupes de pression. Cette prise de position du Chef de l’Etat s’inscrit dans une démarche plus large de moralisation de la vie publique et de réforme de l’administration. L’objectif affiché est clair : faire du concours un outil de sélection juste, crédible et respecté, condition sine qua non pour rétablir la confiance des jeunes dans l’État et dans ses institutions. Face à un chômage massif des diplômés, il est le symbole de l’égalité devant l’emploi et de l’accès équitable aux opportunités. Restaurer sa crédibilité, c’est redonner espoir à une jeunesse en quête de dignité et de reconnaissance.
Nécessité de mécanismes concrets de contrôle
Cependant, au-delà des déclarations de principe, ce sont les mécanismes concrets de contrôle, la vigilance des organes de supervision et la volonté de rompre avec les habitudes anciennes qui feront la différence. La crédibilité des concours est aujourd’hui à la croisée des chemins : ou bien elle sera restaurée, ou bien elle continuera à être perçue comme un miroir aux alouettes, minant davantage la confiance des citoyens. Car il faut que les procédures soient plus souples afin que la plupart des diplômés chômeurs puissent se présenter aux concours. Il faut dire à ce propos que l’identification des diplômés demandeurs d’emploi est encore aléatoire, n’étant pas tous inscrits dans les bureaux d’emploi. Par ailleurs, et comme l’a fait remarquer Abdelwahab Hfaïedh dans une étude sur les diplômés chômeurs, parue dans le cahier du CNRS, «le diplôme, couronnant la période de formation supérieure grâce au mérite, a acquis une légitimité certaine depuis l’indépendance, une légitimité remise en cause actuellement par l’inflation des titres et par la plus grande efficience sociale de procédés concurrents, moins ‘’méritocratiques’’». D’où la nécessité du concours pour un recrutement mérité. Car les facilités, les interventions et la corruption, qui avaient profité à une minorité de privilégiés, ont contribué à renforcer la perception des diplômés qui optaient pour la voie normale, en tant qu’exclus de l’ordre social. Sans parler des diplômes falsifiés et des recrutements viciés qui ont permis des enrôlements par des moyens fallacieux.
Maximiser les chances de réussite, mais pour les méritants
D’autre part, ces jeunes diplômés, à travers la proposition de recrutement exceptionnel, sont-ils appelés à occuper des postes vacants ou à remplacer ceux qui partiront bientôt à la retraite ou encore, à combler les postes libérés par des agents sanctionnés pour laxisme ou fautes professionnelles ? La question reste ouverte, mais il est certain que même s’ils manquent d’expérience, ces diplômés disposent d’un atout précieux : leur motivation. Animés par la volonté d’œuvrer pour l’intérêt du pays, ils sont capables de s’adapter, d’apprendre rapidement et même de s’imposer dans leurs nouvelles fonctions. Ne dit-on pas, d’après le philosophe J.B. Lamarck, dont la citation est devenue un adage bien connu que «la fonction crée l’organe» ? Encore faut-il, pour maximiser leurs chances de réussite, que l’administration publique prépare le terrain. Cela passe par la simplification des procédures, la mise en place de dispositifs d’accompagnement, ainsi qu’un recensement rigoureux des diplômés chômeurs et demandeurs d’emploi à travers les bureaux de l’emploi. Ces derniers doivent renforcer leur vigilance et leur efficacité afin d’établir des listes fiables, actualisées et transparentes. De leur côté, les administrations publiques, lorsqu’elles organisent des concours ou procèdent à des recrutements, devraient systématiquement se tourner vers ces bureaux afin d’identifier les profils disponibles et compétents. Un tel mécanisme permettrait non seulement de mieux répondre aux besoins réels de l’État, mais aussi d’assurer une gestion plus rationnelle et équitable de l’emploi public. En définitive, ce chantier dépasse le simple recrutement : il s’agit de redonner confiance à une jeunesse trop longtemps marginalisée et de prouver que l’État est capable de transformer une crise sociale en opportunité de renouveau.
Ahmed NEMLAGHI
