Par Slim BEN YOUSSEF
Aphorisme : l’absent engrange la faveur, le patient dissipe la sueur ; la fracture s’écrit au revers du dossier. Pour rouler neuf ou immaculé en Tunisie, il faut souvent un départ plus qu’un salaire ; une guérite indifférente décide. Le FCR, privilège aux mains de l’outre-rives, entretient une dissymétrie docile : l’ailleurs reçoit la caresse fiscale, l’ici ploie sous la facture.
Étendre ce droit, au moins une fois dans la vie, à ceux qui n’ont jamais quitté leur sol, c’est admettre une mobilité ordinaire : dettes, loyers, trajets, attentes. Le citoyen fidèle au pays, poli par les épreuves lentes, ne voyage pas moins : il dérive entre files et frais, entre paraphes et griffes, entre sursis et chimères, entre fatigue et survie. Reconnaître ce droit unique aux résidents, c’est relier le flux des marchandises à l’élan des vies. C’est redonner une haleine civique à ceux qui s’épuisent sans échappée ni relâche. Ce jour-là, on n’aura rien offert : on aura simplement desserré les freins.
Nous devrions admettre que rester, c’est consentir à l’usure. C’est persister, parfois s’épanouir, tantôt s’aguerrir. Trois fidélités s’endurcissent : à la pierre, au métier, aux siens – aux vivants. Quatre mécaniques broient la justice : faveur détournée, loi infirme, frustration ravalée, mémoire niée.
Colère latente ? Ressentiment diffus.
Il faut penser ceci : un privilège cesse d’en être un lorsqu’il se partage. Alors, il change de peau : de faveur en réparation, de hiérarchie en égalité. Définition d’un droit équitable : ce qui relie sans trier.
Et un jour peut-être, on se souviendra de cette réforme comme d’un virage souterrain. Non parce qu’elle aura bouleversé les équilibres économiques, mais parce qu’elle aura corrigé un pli administratif. Dans les récits du quotidien, c’est toujours une clause infime qui trace une frontière invisible. Mais parfois, un choix clair, une signature ferme, une réforme assumée, suffisent à desserrer les nœuds – à amorcer une vie accrue.
Qu’est-ce que le mieux-vivre ? Une respiration sociale, un battement public, un élan vital partagé.
