«Les travaux avancent à un rythme soutenu pour résoudre les problèmes fonciers qui avaient retardé la réalisation du projet du village artisanal de Sejnane, grâce à une forte mobilisation de toutes les structures gouvernementales, qu’elles soient centrales, locales ou régionales», a déclaré le gouverneur de Bizerte, Salem Ben Yacoub.
Lors d’une séance de travail sectorielle consacrée à l’examen de solutions concrètes pour accélérer la réalisation du projet, le gouverneur a souligné l’unanimité autour de l’importance de cette initiative. «Celle-ci vise à valoriser l’artisanat de la poterie à Sejnane et à renforcer le développement local, en améliorant notamment la qualité de vie des artisans et habitants de la région», a-t-il révélé.
Cette réunion s’est tenue en présence des autorités locales et municipales, des représentants des conseils régionaux et des districts, ainsi que de plusieurs hauts responsables du ministère des Affaires culturelles, la directrice générale du Patrimoine, la directrice générale de l’Agence de Mise en Valeur du Patrimoine et de Promotion Culturelle (AMVPPC), la directrice générale du Centre des Arts, de la Culture et des Lettres Ksar-Saïd et le directeur du Centre national de céramique d’art Sidi Kacem Jlizi .
Au cours de la séance, une proposition a été présentée pour créer un centre des produits locaux dans la région. «Ce centre, porté par l’Agence de Mise en Valeur du Patrimoine et de Promotion Culturelle, sera aménagé sur le site de l’ancienne gare de train à Sejnane et comprendra des ateliers, un musée, des espaces d’exposition commerciale et extérieure, ainsi qu’un musée numérique», ont expliqué les responsables.
Le gouverneur de Bizerte a réaffirmé l’engagement de toutes les autorités, ainsi que des acteurs professionnels et sociaux, à soutenir les programmes et projets destinés à offrir aux artisans des moyens et espaces pour présenter, commercialiser et promouvoir leurs produits, assurer la continuité de leur activité et valoriser l’ensemble du secteur.
Dans ce cadre, il a été convenu que l’Agence coordonnera avec la Société nationale des chemins de fer tunisiens (SNCFT) et le ministère des Transports afin de préparer un dossier complet, qui sera examiné progressivement lors de séances sectorielles, afin de créer toutes les conditions nécessaires à la réalisation du projet.
Allocation de fonds
Dans ce contexte, il convient de rappeler qu’à l’occasion de la Journée de la femme, le président de la République, Kaïs Saïed, s’est rendu à la délégation de Sejnane. Cette visite a été l’occasion pour le Président d’écouter les préoccupations des habitants, notamment celles liées au village artisanal. «Une partie de ce village avait été réalisée, mais elle s’est effondrée peu de temps après son achèvement, malgré les fonds alloués», a-t-il révélé.
Le Président s’est également entretenu avec plusieurs femmes et jeunes filles, héritières de la tradition de fabrication d’objets et de poteries, un savoir-faire reconnu par l’UNESCO et inscrit sur la Liste du patrimoine culturel immatériel mondial.
Le lancement déjà en 2019
Le projet du village artisanal a été lancé en 2019, lorsque la direction générale de l’Office national de l’Artisanat tunisien (ONAT) a annoncé la conclusion d’une convention de partenariat avec le Conseil régional du gouvernorat de Bizerte pour réaliser l’étude d’un village dédié à la poterie de Sejnane.
Selon l’étude préliminaire, le projet prévoit la création d’une grande salle d’exposition consacrée aux produits phares, accompagnée d’un espace dédié à la rénovation, à l’innovation et au développement des compétences. Environ cinquante ateliers seront aménagés pour la production et la promotion des créations artisanales, complétés par un espace récréatif et touristique et une salle polyvalente destinée à accueillir diverses activités culturelles et éducatives.
Le projet, d’un coût total équivalent à 7,5 millions de dinars, inclut également une plateforme numérique visant à promouvoir et valoriser le patrimoine du secteur, ainsi que la richesse culturelle de la région. Cette initiative a été rendue possible grâce à l’engagement des habitants de Sejnane, qui ont généreusement offert un terrain de 1,5 hectare à l’État pour sa réalisation, selon le gouvernorat de Bizerte.
Patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO
Le 29 novembre 2018, les savoir-faire liés à la poterie des femmes de Sejnane ont été officiellement inscrits sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. Cette démarche a été menée sous la supervision du ministère des Affaires culturelles, via l’Institut national du patrimoine et le Comité du patrimoine culturel immatériel, avec le suivi attentif de la Délégation permanente de la Tunisie auprès de l’UNESCO.
Le ministère des Affaires culturelles a indiqué qu’il s’agit du premier dossier présenté et inscrit par la Tunisie après vingt années d’absence auprès de l’Organisation. Le ministère a révélé que cette reconnaissance constitue une étape majeure dans la valorisation de la créativité artisanale tunisienne et de sa contribution au paysage culturel national. Elle confère à la poterie de Sejnane une dimension mondiale, grâce à ses motifs décoratifs et à ses caractéristiques historiques, artistiques, sociales et économiques uniques.
L’UNESCO, de sa part, a souligné l’adaptabilité et l’innovation des artisanes de Sejnane : «Confrontées aux évolutions socioéconomiques, les femmes de Sejnane ont su adapter leur artisanat aux nouvelles exigences de la vie moderne et aux fluctuations de la demande, révélant ainsi leur capacité d’innovation. Les connaissances et savoir-faire relatifs à cet artisanat sont transmis dans le cadre d’un enseignement traditionnel et informel au sein des communautés, où les jeunes filles sont encouragées à apprendre cet art du feu en parallèle de leur scolarité».
«Le processus de fabrication reste profondément ancré dans la tradition. L’argile est extraite des lits d’oueds, puis débitée en mottes, concassée, purifiée, détrempée, pétrie et façonnée. Une fois cuites, les poteries sont décorées de motifs géométriques bicolores inspirés des tatouages traditionnels et des tissages berbères. La participation des hommes à la vente transforme cet artisanat familial en véritable vecteur de cohésion sociale, faisant de la poterie de Sejnane un symbole vivant du patrimoine culturel et de la solidarité communautaire», a souligné l’UNESCO.
Nouha MAINSI
