Le chef de service à la police judiciaire relevant du ministère de l’Intérieur, Sahbi Amri, a déclaré, lors de son intervention sur les ondes de la Radio nationale, que la cybercriminalité recouvre des actes variés, allant du piratage de comptes sur les réseaux sociaux, au vol de données bancaires et personnelles, en passant par le chantage électronique, les attaques visant les institutions et entreprises ou encore la propagation de fausses informations pour semer le trouble. La Tunisie a organisé le 17 septembre 2025, une première conférence nationale consacrée à la cybercriminalité à l’ère de l’intelligence artificielle, en partenariat avec les ministères de la Défense et des Technologies de la communication, afin d’examiner les mécanismes à mettre en place pour contrer cette nouvelle menace, souvent dissimulée derrière les usages de l’IA.
Il faut dire qu’avec l’évolution des technologies numériques, le recours à Internet est devenu synonyme de modernité. Cependant, comme toute avancée technologique, la révolution numérique comporte des avantages et des inconvénients. À l’ère du numérique, Internet n’est plus un simple espace virtuel détaché du réel, il est devenu un prolongement de la vie quotidienne, où chaque transaction, chaque échange et chaque interaction laisse une empreinte concrète. Si la digitalisation facilite la vie quotidienne, dynamise l’économie et ouvre de nouvelles perspectives pour l’éducation ou la gouvernance, elle a également son revers. La cybercriminalité s’impose désormais comme une menace grandissante, non seulement pour la sécurité des citoyens, mais aussi pour la stabilité de la société et, plus largement, pour la souveraineté de l’État. Les crimes commis en ligne produisent des conséquences graves dont des pertes financières pour les particuliers et les entreprises, les atteintes à la réputation des personnes ou des institutions, l’espionnage, le piratage de données sensibles et plus inquiétant encore, les menaces directes contre la sécurité nationale. A ce propos, plusieurs cas récemment enregistrés, mettent en lumière cette réalité. Des milliers de citoyens ont vu leurs comptes Facebook piratés, certains étant ensuite victimes de chantage électronique. D’autres ont subi des fraudes bancaires via des opérations de phishing, où des escrocs subtilisent les informations confidentielles pour vider des comptes. Les institutions publiques et entreprises stratégiques n’ont pas été épargnées, certaines ont subi des cyberattaques visant leurs systèmes informatiques, paralysant leurs services pendant plusieurs heures. À cela s’ajoutent les campagnes de désinformation, souvent orchestrées via de faux comptes, qui visent à manipuler l’opinion publique et à semer le doute, menaçant directement la stabilité sociale et politique.
IA et logiciels malveillants
En outre, avec l’avènement de l’intelligence artificielle (AI), la cybercriminalité entre dans une nouvelle ère. Pourtant, l’IA est conçue pour améliorer la vie quotidienne et aider à mieux entreprendre les recherches scientifiques, que ce soit dans le domaine technique, industriel ou médical. Or les cybercriminels utilisent déjà des outils basés sur l’IA pour rendre leurs attaques plus sophistiquées, plus rapides et plus difficiles à détecter. Avec l’IA, des logiciels malveillants peuvent analyser automatiquement des milliers de systèmes pour repérer les vulnérabilités en un temps record. L’IA permet aussi de générer de faux messages personnalisés (phishing) imitant presque parfaitement le style d’écriture d’un proche ou d’un responsable, rendant l’arnaque beaucoup plus crédible. Il y a également des vidéos falsifiées (deepfakes) destinées à la désinformation, au chantage ou même à la manipulation de l’opinion publique.
Mise en place d’une stratégie par le ministère de l’Intérieur
C’est la raison pour laquelle le ministère de l’Intérieur a mis en place une stratégie complète pour faire face à ces défis. Il a ajouté que toute tentative de piratage ou de chantage doit être immédiatement signalée aux unités compétentes ou au parquet, car le cyberespace n’est pas une zone de non-droit. Il n’en reste pas moins que la sensibilisation des citoyens est considérée comme une première ligne de défense, quant à la formation et au renforcement des compétences des unités spécialisées, à la coopération avec les acteurs nationaux publics et privés, et à l’échange permanent d’informations et d’expertises avec les partenaires étrangers. En effet, les citoyens doivent se prémunir contre les tentatives de fraude ou de manipulation en ligne. Le renforcement des compétences et la formation continue des unités spécialisées sont utiles pour leur permettre de suivre l’évolution rapide des techniques utilisées par les cybercriminels. La coopération avec les acteurs nationaux, qu’ils soient publics ou privés, est susceptible de mettre en place un réseau de vigilance et d’alerte efficace.
Responsabilité collective
En définitive, et comme l’a souligné Sahbi Amri, la protection du pays dans l’espace numérique ne relève pas uniquement de l’État mais de la responsabilité de tous, citoyens comme institutions ou ONG, car nous sommes tous concernés par la cybercriminalité, avec l’évolution de la numérisation et du monde digital. Si l’IA représente une opportunité extraordinaire de progrès, elle devient aussi une arme redoutable lorsqu’elle tombe entre de mauvaises mains. Le piratage assisté par l’IA n’est plus une simple hypothèse. Il constitue de plus en plus une réalité, capable de déjouer les systèmes de sécurité les plus robustes, d’exploiter les vulnérabilités à grande échelle et de manipuler l’opinion publique par des campagnes de désinformation massives. Il devient impératif, face à cette menace, d’adopter une approche globale en renforçant les infrastructures de cybersécurité, en formant continuellement les experts, tout en sensibilisant les citoyens. Il faut également et surtout anticiper, par des lois adaptées à l’usage dévoyé, de nouvelles technologies.
Ahmed NEMLAGHI
