Lundi dernier, une vaste opération conjointe de la Douane et de la brigade de la Garde nationale pour la lutte contre les stupéfiants, a abouti à la découverte, dans un conteneur maritime, de 12 millions de comprimés psychotropes, en provenance de l’Europe, qui était accosté au port de Radès. Ledit conteneur a été ouvert sur ordre du procureur de la République près le Tribunal de première instance de Ben Arous, et en présence d’un membre du parquet du même Tribunal. Des quantités de stupéfiants y étaient soigneusement dissimulées.
On parle d’une saisie sans précédent dans l’histoire de la lutte contre les stupéfiants en Tunisie. Une enquête judiciaire a été ouverte afin de procéder à l’identification des coupables, des complices et surtout des commanditaires, s’agissant d’une opération de grande envergure. Les enquêteurs cherchent également à déterminer les ramifications de cette opération et ses liens avec des réseaux de distribution sur le territoire tunisien.
Depuis le début l’année, il y a eu une série de coups de filet contre les réseaux de trafic de stupéfiants et notamment contre les barons de la drogue, avec des opérations menées par la Douane, la police, la Garde nationale lui y prêtant main forte, afin de mieux déceler un phénomène qui, par son ampleur, dépasse la consommation locale, pour le banditisme international. Ainsi, le ministère de l’Intérieur avait annoncé que, dans le cadre de la lutte contre la détention, la consommation et surtout la commercialisation de la drogue sous toutes ses formes, la brigade centrale de lutte contre les stupéfiants relevant de la Direction des affaires judiciaires de la Garde nationale à Ben Arous, en coordination étroite avec la Direction générale des douanes, est parvenue le 20 août dernier à déjouer une opération de contrebande internationale, portant sur une importante quantité de drogue via le port de La Goulette.
Ce qui a abouti à la saisie de 370 000 comprimés d’ecstasy et de 12 kg de cocaïne, soigneusement dissimulés dans une voiture en provenance d’un pays européen, transportée à bord d’un navire de la Compagnie tunisienne de navigation. Après être parvenu à quitter le navire, le véhicule a été intercepté à Mahdia. Par ailleurs, les forces de l’ordre ont également saisi une somme d’environ 550 000 dinars, 13 voitures, une moto et arrêté 14 suspects sur ordre du procureur de la République, tandis que 15 autres restent encore recherchés.
Jugements de trafiquants allant de 20 ans de prison à 200.000 dinars d’amende
Également, à la suite d’une opération qu’elle a menée, la brigade centrale de lutte contre les stupéfiants de la Garde nationale à Ben Arous, a réussi à démanteler un réseau de trafic de stupéfiants et à saisir une importante quantité de drogues et de comprimés psychotropes. Les suspects ont été arrêtés sur ordre du Parquet. Parmi eux figurent notamment un cadre de l’administration générale des services communs d’un ministère, des responsables d’entreprises privées, un moniteur d’auto-école, un employé dans une pâtisserie, ainsi qu’un directeur d’une société privée. Auditionnés par un magistrat instructeur, ils ont fait l’objet de mandats de dépôt en attendant la poursuite des investigations dans cette affaire sensible.
En outre, la chambre criminelle du tribunal de première instance de Tunis a prononcé le 22 septembre 2025 des peines de 20 ans de prison et des amendes de 200 000 dinars à l’encontre des membres d’un réseau international de trafic de drogue opérant entre un pays européen et la Tunisie. Les accusés avaient dissimulé une quantité de stupéfiants dans une cargaison de café, parmi les marchandises. Ils avaient réussi par la suite à l’extraire du port de La Goulette et à la transférer vers la cité Ettadhamen pour y être stockée puis écoulée. Comment sont-ils parvenus à extraire une telle quantité de stupéfiants du port de La Goulette ?
Un trafic dans le but de déstabiliser le pays
Ces affaires donnent une idée sur l’ampleur des réseaux de stupéfiants, devenant de plus en plus inquiétante. C’est à ce titre que le Président de la République, Kaïs Saïed, a reçu récemment au palais de Carthage, Khaled Nouri, ministre de l’Intérieur, Mourad Saïdane, directeur général de la sûreté nationale, et Houssem Gharbi, commandant de la garde nationale. La lutte contre tous les réseaux criminels, y compris ceux du trafic des stupéfiants, constitue désormais une politique publique permanente visant à éradiquer définitivement toutes les pratiques criminelles. Il a appelé notamment à renforcer davantage la sécurisation des alentours des écoles et lycées, et à intensifier la lutte contre les trafiquants de drogue et tous ceux qui ciblent l’État tunisien et la société par divers moyens.
Car de l’avis de plusieurs observateurs, il s’agit d’un trafic visant à fragiliser la jeunesse tunisienne et par là même, la stabilité du pays. Selon le député Mokhtar Abdelmoula, membre de la Commission de la défense et des forces armées à l’Assemblée des représentants du peuple, ces tentatives criminelles cherchent à cibler notre jeunesse et pourraient être liées aux positions souveraines de la Tunisie, notamment à propos de la cause palestinienne. Par ailleurs, Mbarka Brahmi a salué, mardi 23 septembre 2025, sur la Radio nationale, les opérations menées par les services sécuritaires et douaniers contre les réseaux de trafic de drogue, en soulignant que les réseaux récemment interceptés ne sont pas de simples circuits locaux, mais des organisations internationales, avec des complicités à l’intérieur du pays. Elle a, en outre, endossé la responsabilité aux gouvernements d’avant le 25-Juillet, en les pointant du doigt comme étant «complices de réseaux de contrebande, d’espionnage et d’indicateurs, mettant sciemment en péril la sécurité du pays.»
Au-delà des saisies spectaculaires et des opérations de terrain, la lutte contre la drogue en Tunisie est désormais un véritable enjeu de souveraineté nationale. C’est donc une guerre contre la drogue qui doit aller de pair avec une réforme en profondeur des institutions, un assainissement de l’administration et un engagement ferme de la justice. C’est à ce prix seulement, que la Tunisie pourra se protéger durablement de ce fléau qui ronge sa société et menace son avenir. Une bataille que le Président Kaïs Saïed entend mener avec détermination, en inscrivant la lutte antidrogue dans une vision globale de l’État de droit et de la souveraineté nationale.
Ahmed NEMLAGHI
