Malgré la régularisation de la situation de milliers d’enseignants contractuels pendant la dernière année scolaire, la pénurie d’enseignants persiste encore, mais à un moindre degré, puisque le ministère prévoit de régulariser encore la situation de milliers d’enseignants suppléants pour faire face aux postes vacants pour l’année 2025/2026. En tout, il s’agit de régulariser la situation de près de 24 000 enseignants (10 069 en 2025 et 13 912 en 2026), ce qui pourrait contribuer à atténuer le déficit.
De sa part, le ministère des Finances a annoncé qu’au moins 10 060 enseignants et instituteurs seront régularisés en 2025. Cette mesure engendrera une hausse de 3,4% du budget du ministère de l’Éducation pour l’année 2025. La régularisation se poursuivra en 2026 avec l’intégration de 13 837 autres enseignants suppléants, représentant une incidence budgétaire de 374 millions de dinars, soit une augmentation de 4,6% du budget du ministère. Ces mesures de régularisation seront certainement d’un grand apport pour la bonne marche des études dans tous les établissements scolaires.
Pourquoi y a-t-il pénurie d’enseignants ?
D’abord, il y a moins de candidats à l’entrée dans l’enseignement. La profession n’attire plus. En effet, il y a peu d’étudiants qui optent lors de l’orientation universitaire pour des filières destinées à l’enseignement. Ensuite, le salaire touché par un professeur du secondaire n’est plus suffisant pour affronter les difficultés quotidiennes et les conditions socioéconomiques d’aujourd’hui. Beaucoup d’entre eux estiment que leur salaire est dérisoire par rapport aux tâches qu’ils accomplissent. Ensuite, c’est peut-être parce que le travail d’enseignant est classé parmi les métiers les plus pénibles dans le monde. Ajoutons à cela que les jeunes diplômés tunisiens boudent les métiers de l’enseignement, surtout à cause des conditions de travail lamentables dans les écoles, de l’infrastructure scolaire devenue vétuste et de l’indiscipline parmi les élèves. A cela, il faut ajouter le peu d’intérêt accordé par les jeunes à travailler dans les zones rurales où les conditions de travail sont en général précaires et peu motivantes. En outre, le fait que le ministère ne recrute que des enseignants contractuels ou des suppléants n’incite pas les jeunes à s’y engager, préférant garantir une carrière durable et stable en cherchant des CDI (contrat à durée indéterminée) dans des boites privées. Donc, il y a moins de candidats à l’entrée dans l’enseignement. La profession n’attire plus. Même parmi ceux qui ont opté pour le métier d’enseignant, ils l’auraient fait à contrecœur et faute de mieux, mais au bout d’une ou de deux années, ils abandonnent ce métier pour changer de cap.
Impact sur la qualité de l’éducation
La Tunisie a toujours été confrontée à un manque d’effectifs dans son système éducatif. Le manque d’enseignants a toujours eu des conséquences directes sur les conditions de travail et sur le niveau des élèves. Imaginez qu’une classe passe deux ou trois mois, et peut-être toute l’année scolaire, sans enseignant dans une ou deux matières déterminées. Le gouvernement, conscient de la situation, fait des efforts pour recruter et intégrer davantage d’enseignants. Sans doute, il s’agit d’un grand défi à relever, car il est parfois difficile d’assurer la totalité de l’effectif enseignant dès le premier jour de la rentrée.
Dans la logique, une rentrée scolaire doit se tenir dans des conditions normales et les élèves ont droit à un nombre suffisant d’enseignants du début jusqu’à la fin de l’année scolaire, mais voilà que chaque année, nos établissements scolaires font encore face à une pénurie d’enseignants. Rappelons que le nombre de postes vacants a atteint pendant l’année dernière des niveaux alarmants, avec 5300 postes non pourvus dans les collèges et lycées. Ce manque a été particulièrement marqué en arabe, avec environ 750 postes vacants, en français avec 650, ainsi qu’en mathématiques et dans d’autres matières techniques. Certains parlent d’environ 400.000 élèves, toutes disciplines confondues, surtout dans les zones rurales, qui n’ont pas eu au moins un enseignant dans une matière donnée durant toute l’année scolaire. Il y avait même ceux qui sont restés toute l’année sans cours de musique, de sport, d’arts plastiques ou de théâtre !
Sommes-nous au bout du calvaire ?
Il semble que le problème de la pénurie d’enseignants existe depuis que le ministère de l’Education a mis fin au recrutement d’enseignants, optant pour l’engagement de professeurs contractuels ou suppléants dont le nombre ne cesse de grandir et devenir une véritable force de revendications concernant les conditions de travail, les salaires, la titularisation…, soutenue par le syndicat de l’enseignement. Depuis plusieurs années, nous avons assisté à un véritable bras de fer entre le ministère de tutelle et ces suppléants : intransigeance du ministère d’un côté et revendications et grèves du côté des enseignants. Espérons qu’avec la régularisation de la situation de milliers de contractuels, cette pénurie du corps enseignant cessera et que la situation s’améliorera à partir de cette année et dans les années à venir.
Hechmi KHALLADI
