Parfois, la hiérarchie familiale est inversée et les parents tremblent devant leurs enfants transformés en tyrans. Un phénomène choquant et intolérable dans une société arabo-musulmane où les enfants doivent témoigner du respect à l’égard des parents et les traiter avec beaucoup de soin et de gratitude, surtout quand ils deviennent âgés. Certes, ce phénomène se traduit par un certain malaise vécu par «ces enfants parricides» et il n’y a pas d’acte de violence ou de meurtre perpétrés contre les parents sans mobile apparent. Il y a toujours des raisons familiales, sociales, économiques, émotionnelles ou psychologiques derrière tout acte criminel.
Il est peut-être permis de parler d’une recrudescence notable de la violence contre les parents en Tunisie. Il y a quelques jours, un drame familial d’une extrême violence a eu lieu à la Cité Ettadhamen : une femme a été assassinée par son propre fils, à la suite d’une dispute liée à sa demande d’argent pour acheter de la drogue. En effet, on a appris, ces dernières années, des cas de violence familiale dans différentes régions de la Tunisie. Il y avait celui qui a tué son père ou sa mère ou encore sa grand-mère, celui qui a frappé violemment sa mère ou sa sœur, des cas de ce genre qui ont connu des remous et des malheurs surtout parmi les citoyens aux âmes sensibles.
Huis clos familial
Injurier ses parents, les menacer et finir par les brutaliser, c’est une situation choquante, chez les familles comme dans la société. Cette violence perpétrée contre les parents devient de plus en plus répandue chez nous. Chaque fois que cela se passe, il est considéré comme un sujet tabou et les parents victimes n’osent ni porter plainte à la police ni alerter leurs voisins ou leurs proches d’un quelconque abus commis envers eux, histoire d’éviter le scandale. Il n’est pas rare que pas mal de parents vivent des situations de violence avec leurs enfants, mais ils ne veulent ou ne peuvent pas briser le silence familial et faire dévoiler leurs conflits ou leurs malentendus avec leurs enfants. Et dire que la plupart des cas restent cachés jusqu’à ce que la situation empire et devienne insupportable et incontrôlable, au point que les enfants recourent à la violence verbale et physique envers leurs parents. Ces enfants «terribles» imposent une véritable dictature à des parents dépassés et qui n’osent pas en parler, sauf lorsque les limites du supportable sont largement franchies ou encore que l’affaire est diffusée sur les médias ou divulguée de bouche à oreille. Quoique ces actes de violence deviennent récurrentes, il demeure quasi impossible de les chiffrer exactement car, par scrupules ou par honte, rares sont les parents qui déposent plainte contre leur enfant.
La solidarité familiale se dégrade
Il faut dire que la solidarité familiale ne se porte pas toujours bien chez nous. Et les causes sont multiples. Selon les sociologues et en règle générale, les facteurs de risque d’apparition de la maltraitance des parents sont liés au degré de la situation financière, mais aussi à la situation familiale au sein du foyer (alcoolisme, toxicomanie, fragilité psychologique, intolérance, antécédents de violence familiale…) et encore à l’infrastructure du lieu de vie (locaux trop exigus ou inadaptés, promiscuité). Parmi ces facteurs, c’est la situation économique qui est surtout à l’origine de sévères diatribes à couteaux tirés qui se déclenchent entre conjoints ou entre enfants et parents, notamment dans les quartiers populaires. Toutefois, les comportements violents de la part des enfants vis-à-vis de leurs pères, mères, sœurs) ne devraient pas être tolérés par la société et la dénonciation dans ce type de cas est plus que nécessaire.
Respecter la femme et les personnes âgées
Les dernières statistiques réalisées par le ministère de la Femme, de la Famille, de l’Enfance et des Personnes âgées sur un échantillon de 3000 femmes et 1000 hommes, révèlent qu’une femme sur deux a déjà été victime de violence, soit 54% des femmes tunisiennes ont déjà subi différentes formes de violence : au foyer, dans les espaces publics, au travail, à l’école ou sur la voie publique. Ces actes de violence contre les femmes se multiplient chaque jour davantage. Pourtant, la Tunisie a adopté une loi organique depuis 2017 destinée à l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Cette loi adopte une définition large de la violence en prenant en compte les violences physiques, morales, sexuelles, économiques et politiques. Son approche est globale et vise à «prévenir les violences faites aux femmes, protéger les victimes sur les plans juridique, physique et psychologique, poursuivre les auteurs des violences faites aux femmes, leur imposer un suivi et prendre en charge les victimes à travers un accompagnement spécifique.»
Cependant, quelle que soit la situation, les enfants, jeunes ou adultes, doivent se contrôler et éviter toute sorte de violence (verbale, physique, psychologique) envers leurs mères ou leurs pères devenus des personnes âgées.
Hechmi KHALLADI
