La Tunisie se trouve aujourd’hui à un moment charnière de son développement économique et social. Alors que le pays fait face à un taux de chômage persistant, notamment chez les jeunes diplômés, la formation professionnelle apparaît de plus en plus comme une solution stratégique. L’Agence Tunisienne de la Formation Professionnelle (ATFP), sous la tutelle du ministère de l’Emploi et de la Formation Professionnelle, s’affirme comme l’institution centrale dans ce domaine. À travers une nouvelle vision tournée vers l’avenir, elle ambitionne de transformer la perception et le rôle de la formation professionnelle pour en faire un moteur de croissance et un outil de compétitivité.
L’une des principales forces de la formation professionnelle est sa capacité à répondre directement aux besoins concrets du marché du travail. Contrairement à certaines filières universitaires souvent critiquées pour leur décalage avec la réalité économique, les cursus proposés par l’ATFP visent à combler les lacunes dans des secteurs en pleine demande. Il s’agit de former des techniciens, des ouvriers qualifiés et des spécialistes capables de s’intégrer rapidement dans la vie active. Les entreprises tunisiennes, qu’elles appartiennent à l’industrie, aux services ou aux technologies émergentes, expriment régulièrement leurs difficultés à trouver des profils adaptés. La formation professionnelle, en ajustant ses programmes aux évolutions de l’économie, constitue une réponse directe à ces attentes. Elle offre une main-d’œuvre qualifiée, opérationnelle et prête à relever les défis de la productivité et de l’innovation.
Dans le cadre du plan national de développement prévu pour la période 2026-2030, l’ATFP a défini des objectifs précis et ambitieux. Actuellement, ce sont environ 45 000 jeunes qui bénéficient chaque année de parcours de formation. L’agence vise à doubler ce chiffre à l’horizon 2030, afin de porter le nombre de formés à près de 90 000 par an. Cet objectif n’est pas seulement quantitatif. Il reflète une volonté d’élargir l’accès à la formation professionnelle, de diversifier les spécialités proposées et d’assurer une meilleure adéquation entre l’offre de formation et la demande du marché. Il s’agit de construire un véritable écosystème où les jeunes trouvent des perspectives claires et où les entreprises disposent des compétences nécessaires pour croître et se moderniser.
Un impact attendu sur l’économie
Former davantage de jeunes ne se limite pas à une action sociale ; c’est un choix économique stratégique. Chaque nouvelle promotion de diplômés de la formation professionnelle vient renforcer la compétitivité des entreprises tunisiennes. En disposant de ressources humaines qualifiées, ces dernières peuvent améliorer leur productivité, adopter plus rapidement de nouvelles technologies et s’inscrire dans la dynamique de la mondialisation.
De plus, cette orientation permet de réduire le chômage structurel qui frappe la jeunesse tunisienne. L’insertion professionnelle devient plus fluide, et les jeunes trouvent dans ces parcours une voie vers l’autonomie et la dignité sociale. À terme, l’impact macroéconomique pourrait être significatif : baisse du taux de chômage, élévation du niveau de vie, stimulation de l’investissement et renforcement de la croissance.
Le programme de l’ATFP ne se contente pas de maintenir les spécialités existantes, il cherche à anticiper les mutations de l’économie mondiale. Les secteurs de l’industrie manufacturière, des services et surtout des technologies de l’information et de la communication sont appelés à jouer un rôle central dans les années à venir. La Tunisie, qui aspire à devenir un hub régional dans certaines branches, a besoin d’ingénieurs, mais aussi de techniciens capables d’accompagner cette transformation. De la maintenance industrielle à la robotique, en passant par la programmation informatique ou la logistique, la formation professionnelle s’adapte pour fournir les compétences qui permettront au pays de rester compétitif. Le tourisme, autre secteur clé de l’économie tunisienne, n’est pas en reste : la formation de personnels qualifiés, maîtrisant les langues et les standards internationaux, reste indispensable pour maintenir l’attractivité du pays.
Une perception en pleine évolution
Longtemps perçue comme une alternative par défaut, choisie par ceux qui n’avaient pas accès à l’université, la formation professionnelle change aujourd’hui d’image. Grâce aux efforts de communication et aux résultats concrets en matière d’insertion, elle est désormais considérée comme un choix pertinent, voire stratégique, pour de nombreux jeunes. Le discours des autorités insiste sur cette revalorisation : la formation professionnelle n’est pas une voie secondaire, mais une voie d’avenir, qui ouvre des perspectives réelles et tangibles.
Au-delà des bénéfices économiques, la formation professionnelle joue également un rôle social et territorial. En offrant des opportunités dans toutes les régions du pays, elle contribue à réduire les déséquilibres entre le littoral, mieux équipé, et l’intérieur du pays, souvent marginalisé. En ce sens, elle participe à la cohésion nationale et à la réduction des inégalités. De plus, elle offre une seconde chance à de nombreux jeunes qui, après un parcours scolaire interrompu, trouvent dans ces filières une voie de réinsertion et un moyen d’accéder à un emploi digne. C’est un levier d’inclusion qui lutte contre la marginalisation et le sentiment d’exclusion sociale.
La Tunisie, en misant sur la formation professionnelle, parie sur un avenir où la jeunesse sera mieux préparée aux défis économiques. L’objectif fixé à l’horizon 2030 – former 90 000 jeunes par an – traduit cette ambition de mettre les compétences au cœur du développement. Dans un monde en mutation rapide, marqué par la révolution numérique et les défis de la mondialisation, le pays ne peut se permettre de rester en marge.
La réussite de ce projet dépendra de la capacité à adapter les programmes aux évolutions du marché, à mobiliser les ressources nécessaires et à convaincre encore davantage de jeunes de choisir cette voie. Mais une chose est certaine : la formation professionnelle, longtemps sous-estimée, s’impose désormais comme l’un des piliers incontournables de l’avenir économique et social de la Tunisie.
Leila SELMI