La lutte contre les drogues et la prévention contre les conduites addictives et les comportements à risque constituent un réel enjeu national, en particulier auprès des jeunes scolarisés. Cette population, la plus vulnérable, est sujette à une initiation et à une consommation précoce. Mal-être, troubles du comportement, exclusion… les jeunes nécessitent une attention et une protection spécifiques.
Côté statistiques, l’étude élaborée par l’unité des sciences criminelles relevant du Centre des études juridiques et judiciaires à Tunis révèle que le taux de consommation des produits psychotropes chez les adolescents (entre 13 et 18 ans) est de 57%. Les résultats de l’étude réalisée en 2023 par l’Institut national de la santé sont alarmants. Il s’avère que 15% des lycéens ne trouvent aucune difficulté à se procurer des substances psychotropes.
Le taux des lycéens qui consomment de la drogue est de 8%. Mais, durant ces dix dernières années, le taux de consommation dans le milieu scolaire a doublé. C’est dans ce cadre que le ministère de l’Intérieur, en partenariat avec le ministère de l’Éducation, organise le samedi 4 octobre 2025, à la Cité de la Culture à Tunis, la Journée nationale de sensibilisation à la prévention de la drogue, dans le cadre des efforts du ministère pour lutter contre la drogue et prévenir ses dangers. Cette journée se déroule simultanément à Sousse, Tabarka et l’île de Djerba, avec la participation de groupes d’éducateurs, de délégués régionaux de l’éducation et de plusieurs représentants des centres intégrés pour l’enfance et des associations de lutte contre la toxicomanie et en présence des directeurs généraux des ministères de l’Intérieur, de la Santé, des Affaires culturelles, des Affaires sociales, de la Jeunesse et des Sports, de la Femme, de la Famille, de l’Enfance et des Personnes âgées, ainsi que des gouverneurs, des délégués, des chefs des centres modèles de la police de proximité et des représentants des conseils locaux de sécurité .
Cette journée vise également à sensibiliser aux dangers de la consommation de drogue et de substances psychoactives dans le milieu scolaire et à permettre au personnel éducatif de disposer d’outils de détection précoce et de gestion des cas suspects, tout en soutenant la coopération entre les établissements éducatifs et les structures de sécurité et de santé dans le domaine de la prévention contre la drogue. Le programme comprend des interventions sur la définition des types de drogues et de substances psychoactives, ainsi que la présentation d’échantillons concrets de différentes drogues, en plus des effets psychologiques et physiques de la consommation de drogues, des signes de dépendance et de la manière de détecter les changements de comportement chez les consommateurs. Il inclut également l’organisation d’une session de discussion ouverte entre tous les intervenants sur les mécanismes de coordination, de communication, d’information et de signalement des cas de consommation de drogues.
Ne pas laisser l’addiction s’installer
Plus la consommation est précoce, plus le risque de développer une addiction sur le long terme augmente. Un des enjeux est donc de retarder l’entrée dans les consommations. Il existe ainsi des dispositifs de prévention en direction des adolescents en milieu scolaire pour prévenir l’entrée dans les consommations de drogues. Il s’agit d’empêcher l’installation de l’addiction chez les consommateurs et d’aider à l’arrêt des consommations dans le cas d’un trouble de l’usage. Pour cela, le repérage précoce et l’intervention brève sont des outils utiles pour les professionnels de santé. Plusieurs dispositifs visent à renforcer les compétences des enfants et des jeunes afin de favoriser un ensemble de comportements favorables à la santé, notamment concernant les addictions comme la capacité à dire non, la capacité à gérer ses émotions, la capacité à communiquer. On les nomme «compétences psychosociales» ou CPS. Des programmes de prévention efficaces mis en œuvre dans les écoles et qui visent les élèves les plus à risque contribuent à réduire la criminalité associée à la drogue. Les écoles représentent un environnement favorable à la mise en place de programmes de prévention ayant comme objectif une réduction de l’impact des facteurs de risque et une augmentation des effets des facteurs de protection en matière de prévention d’usage de drogues et de criminalité. Pour réduire de façon efficace l’usage de drogues, les programmes de prévention en milieu scolaire doivent être ciblés, tenir compte des résultats de la recherche scientifique, utiliser des méthodes interactives et être centrés sur les jeunes. En général, les programmes efficaces en milieu scolaire sont dispensés par des professionnels. Les programmes de prévention prometteurs et efficaces font appel à des partenariats au sein de la communauté, combinent des modes d’intervention ayant déjà fait leurs preuves et utilisent du personnel spécialement formé, engagé, fiable et capable d’avoir des relations sincères et motivantes avec les jeunes.
L’usage précoce de drogue ainsi que les problèmes liés à la persistance de la consommation de drogues représentent des facteurs de risque connus pouvant conduire à la délinquance plus tard dans la vie. C’est pourquoi il faudrait assurer un suivi entre les niveaux primaire et secondaire et accompagner les élèves sur plusieurs années. L’objectif est de participer au développement des connaissances et des compétences psychosociales des élèves avec des outils ludiques. Ceci nécessite une formation des professionnels, notamment les inspecteurs et l’administration et une co-élaboration des actions en classe avec les enseignants qui apportent leur savoir-faire au niveau pédagogique et qui font le lien avec le programme scolaire. A cet âge, nombre d’élèves expérimentent le tabac ou la drogue. Certains ont déjà des consommations à risque. Il s’agit donc de partir de leurs représentations et de leurs connaissances pour ouvrir le dialogue, créer une relation de confiance, prévenir les conduites addictives et réduire les risques.
Kamel Bouaouina
