Le problème du chômage des docteurs et des diplômés en Tunisie d’une façon générale, reste encore préoccupant pour les centaines de jeunes qui sont encore dans l’expectative. Cela est dû aux promesses sans lendemain faites par plusieurs responsables au gouvernement et aux politiques d’emploi restées lettre morte, notamment durant la dernière décennie. Aujourd’hui qu’il a été remis au cœur des débats publics, avec une volonté affichée du gouvernement de trouver des solutions concrètes et durables, il se heurte à des blocages administratifs persistants, entretenus parfois par des intérêts personnels au sein de certaines structures publiques. Une situation qui, au-delà du désespoir social qu’elle engendre, aggrave le chômage structurel et freine la relance économique du pays.
Remis aujourd’hui sur la table avec plus de détermination par les autorités actuelles, le dossier se heurte pourtant à de nombreux obstacles administratifs. Selon plusieurs observateurs, certains responsables au sein de l’administration publique freineraient volontairement la mise en œuvre de solutions, par intérêt personnel ou par inertie bureaucratique, au détriment de l’intérêt général et des attentes légitimes des diplômés. Le Président de la République, Kaïs Saïed, est revenu à plusieurs reprises sur cette question qu’il considère comme un symbole des inégalités et des injustices sociales. Fidèle à la politique de justice sociale qu’il prône depuis son élection, il a affirmé que le dossier des doctorants chômeurs avait fait l’objet d’un blocage délibéré avant le 25 juillet 2021, date constituant un tournant politique majeur.
Rencontrant, il y a quelque temps, un groupe de doctorants et de diplômés sans emploi qui manifestaient devant le ministère des Affaires sociales, il leur a réaffirmé son engagement à trouver une solution juste et équitable, notamment à travers leur intégration progressive dans la fonction publique ou dans des projets de recherche nationaux. «Nous avons échangé avec lui sur la question de l’intégration des doctorants dans la fonction publique. Le Président s’est engagé à trouver une solution définitive et équitable. Nous considérons sa promesse comme un véritable accord moral», a déclaré l’un des manifestants à une radio locale. Cette rencontre a ravivé l’espoir parmi une génération de chercheurs et de diplômés longtemps marginalisés, pour qui la reconnaissance de leurs compétences représente non seulement un droit, mais aussi un levier essentiel du développement national.
Proposition de loi en faveur des chômeurs diplômés
Les diplômés chômeurs s’étaient rassemblés récemment devant l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) pour manifester encore une fois leur mécontentement concernant cette situation préoccupante. Ce n’est pas la première fois qu’ils se rassemblent devant le Parlement. Ils l’avaient fait en 2020, afin de revendiquer leur droit à l’intégration à la fonction publique. Un rassemblement initié par l’Union des diplômés chômeurs qui s’est terminé en queue de poisson, l’inconvénient majeur étant les procédures administratives compliquées d’une part, et certains responsables qui mettent sciemment des bâtons dans les roues, de l’autre. En 2023, un groupe parlementaire «Pour la victoire du peuple» a présenté une proposition de loi qui a été annoncée au public, mais est toujours pendante devant l’Assemblée.
D’où l’objet de discussion entre une délégation de docteurs chômeurs et le président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), Brahim Bouderbala, qui a tenu à la recevoir, vendredi dernier, au palais du Bardo, en présence de trois députés. Cette rencontre intervient alors que ladite proposition de loi relative à leur recrutement est sur le point d’être soumise à la discussion en séance plénière. Les députés Ali Zaghdoud, Nejib El Akrimi et Mohamed Chaâbani, à l’origine de cette initiative parlementaire, ont réaffirmé leur volonté d’œuvrer pour que le texte soit adopté dans les plus brefs délais, afin de répondre aux attentes des jeunes diplômés et de redonner confiance à une catégorie frappée de plein fouet par le chômage.
Replacer la compétence et le mérite au cœur du service public
De son côté, le président de l’ARP a souligné l’engagement du Parlement à accompagner toutes les solutions législatives et sociales susceptibles de résoudre durablement ce dossier sensible. Il a insisté sur la nécessité d’une approche globale, combinant volonté politique et réformes administratives profondes, pour que la loi soit prise en compte. En effet, au-delà du cadre juridique que constituera la future loi, il apparaît indispensable d’entreprendre une réforme en profondeur de l’administration publique, notamment en sensibilisant les responsables à la fin d’une ère marquée par la corruption, le népotisme et le favoritisme. Ces pratiques, longtemps tolérées, ont non seulement freiné la justice sociale, mais aussi porté atteinte à la confiance du citoyen envers l’État et ses institutions. La rencontre du Bardo, hautement symbolique, pourrait ainsi marquer le début d’une prise de conscience collective, celle de la nécessité de replacer la compétence et le mérite au cœur du service public, condition essentielle à la reconstruction d’un État juste et équitable.
Justice sociale et égalité des chances
La question du chômage des diplômés demeure l’un des défis les plus pressants pour la Tunisie post-2011. Si les initiatives récentes du gouvernement et l’implication du Parlement témoignent d’une volonté réelle de trouver une issue durable, les blocages administratifs et les résistances internes freinent encore toute avancée concrète. Au-delà des annonces, il s’agit désormais de passer à l’action : réformer en profondeur les mécanismes de recrutement, valoriser les compétences des jeunes chercheurs et restaurer la confiance entre l’État et ses diplômés. Car, sans un engagement sincère pour une gouvernance transparente, débarrassée du népotisme et de la corruption, les promesses risquent de rester sans suite. L’enjeu dépasse le simple emploi : il s’agit d’offrir à toute une génération la possibilité de participer pleinement au développement du pays. En somme, résoudre la question du chômage des diplômés, c’est redonner sens à la justice sociale et à l’égalité des chances, valeurs prônées sans cesse par le Chef de l’Etat, et que les responsables au sein du gouvernement et de l’Administration sont appelés à incarner dans les faits et non plus seulement, dans les discours.
Ahmed NEMLAGHI
