La situation des ingénieurs tunisiens demeure loin des espérances des gens du métier avec des salaires modestes et des conditions de travail décourageantes. C’est ce que révèle le président de l’Ordre des ingénieurs tunisiens qui donne quasiment raison aux dizaines de milliers d’ingénieurs qui ont préféré quitter le pays…
Le président de l’Ordre des ingénieurs, Mohsen Gharsi, vient de tirer la sonnette d’alarme, encore une fois, sur la situation difficile que vivent les ingénieurs en Tunisie, sur les plans matériel et social, précisant que plus de 45 000 d’entre eux ont quitté le pays sur un total de 110 000 inscrits à l’Ordre.
Ces révélations, faites par le président de l’OIT à l’occasion d’une cérémonie organisée avant-hier mardi, pour fêter la Journée de l’ingénieur, organisée cette année sous le thème «L’ingénieur, levier du développement durable et de l’économie circulaire», viennent rappeler un malaise général chez ce corps de métier qui se prolonge encore malgré les appels successifs et incessants de l’OIT.
Gharsi a rappelé, à l’occasion, que l’accord conclu en février 2021 entre le gouvernement et l’Ordre, portant sur l’extension de la prime spécifique aux ingénieurs du secteur public, n’a toujours pas été appliqué.
Le président de l’OIT en a profité pour insister sur la nécessité d’impliquer davantage les jeunes ingénieurs, soulignant que le décret n°12 de l’année 1982 limite leurs possibilités d’accéder aux postes de direction au sein de l’Ordre.
Par ailleurs, il a affirmé que 45 mille ingénieurs ont quitté le pays au cours des dix dernières années, notant que la majorité des ingénieurs formés en informatique part à l’étranger, ne laissant que 5% d’entre eux en Tunisie : «Plus de 95% des ingénieurs en informatique quittent la Tunisie, souvent avec un contrat de travail dès leurs études», a-t-il déclaré. Il a également mentionné que trois étudiants ingénieurs, âgés de 24 ans, ont récemment remporté des prix en robotique aux Pays-Bas, et qu’eux aussi envisagent d’émigrer.
Gharsi a également évoqué la détérioration continue des conditions des ingénieurs, soulignant que «le départ de 45 mille ingénieurs est une lourde perte pour l’État, équivalente à des prêts que la Tunisie offre à d’autres pays».
Une situation financière difficile
Il y a lieu de rappeler que le doyen a relevé, à maintes reprises, les plaintes des ingénieurs quant à leur «situation financière difficile», due notamment à l’absence de mise à jour des professions d’ingénierie, alors que de nouvelles spécialités apparaissent chaque année. Il a précisé que les salaires varient entre le secteur public et le secteur privé avec, parfois, de hauts revenus dans certains domaines, tout en notant les avancées réalisées à l’étranger grâce aux compétences tunisiennes.
D’ailleurs, il a révélé, dans une autre déclaration aux médias, que certains ingénieurs partent à la retraite avec une pension inférieure à 1 700 dinars, les salaires des jeunes ingénieurs étant encore plus faibles. Actuellement, 18 mille ingénieurs travaillent dans la fonction publique ou le secteur public, occupant souvent des postes sensibles.
Cette précarité aurait des répercussions psychologiques, a-t-il averti, appelant le gouvernement à prendre en considération la situation des ingénieurs, à revenir sur l’accord de février 2021 et à approuver les conventions existantes.
Il a souligné l’importance de mettre en place un statut de l’ingénieur définissant clairement les droits et devoirs de chacun.
A propos de formation
Chaque année, 8 500 ingénieurs sont inscrits à l’Ordre. Pour exercer, il est obligatoire d’avoir un diplôme reconnu et une inscription officielle, faute de quoi, cela constitue une usurpation de titre.
Il a aussi mentionné un projet de loi organique en attente dans les tiroirs du gouvernement. Si rien ne bouge, un groupe parlementaire sera formé pour soumettre la loi à l’Assemblée des Représentants du Peuple.
Concernant la formation, rappelons que le président de l’OIT a souvent plaidé pour une harmonisation entre les systèmes français et anglais, rappelant que la formation des ingénieurs obéit à des standards internationaux. De nombreuses écoles d’ingénieurs privées existent aux côtés des écoles nationales.
Selon lui, les étudiants devraient pouvoir choisir entre le privé et le public selon des conditions équitables. Il a signalé un sérieux problème d’accès aux écoles d’ingénieurs et revendiqué une égalité des droits et devoirs pour tous les étudiants.
De même, il a indiqué qu’un bureau national permanent a été créé pour traiter les questions liées à l’intelligence artificielle, avec un focus particulier confié à la délégation régionale de Tataouine.
Gare aux abus des annonces promotionnelles !
Sur un autre plan, le doyen a révélé que l’Ordre des ingénieurs tunisiens (OIT) a publié, mardi 7 octobre 2025 au soir, un communiqué mettant en garde contre l’utilisation frauduleuse et trompeuse du terme «ingénieur» dans certaines campagnes publicitaires menées par des établissements privés d’enseignement supérieur.
Dans son message adressé à l’opinion publique, l’ordre déplore «l’utilisation croissante de termes tels que ingénieur ou ingénierie dans des annonces promotionnelles», soulignant que cela pourrait laisser croire que tout diplômé de ces institutions acquiert automatiquement la qualité d’ingénieur, ou qu’un simple diplôme suffit pour bénéficier de ce titre.
L’OIT rappelle que la profession est strictement encadrée en Tunisie, conformément au décret n°12 de 1982, approuvé par la loi n°58 de la même année et complétée par la loi n°41 de 1997. Ces textes définissent de manière précise les conditions d’accès et d’exercice de la profession.
Mohsen Gharsi vient de le rappeler de manière ferme : «L’ingénierie est un métier réglementé qui exige compétence, éthique et reconnaissance officielle. Nous n’accepterons aucune confusion ou exploitation abusive de ce titre».
Kamel ZAIEM
