Par Slim BEN YOUSSEF
Le temps des chiffres s’installe, grave et mécanique, sous un ciel d’habitudes. Chaque automne revient le même refrain : on chiffre demain avant de l’imaginer. Projet de loi de finances ? La Tunisie de 2026 cherche moins à équilibrer ses comptes qu’à retrouver un élan. Quête de sens, besoin de réveil : notre nation a rendez-vous avec elle-même, décidée à corriger son propre destin.
Les équilibres financiers se mesurent à la prospérité sociale qu’ils nourrissent, au pain quotidien qu’ils garantissent, à la dignité qu’ils ravivent. Un budget est une écriture : il hiérarchise nos valeurs et inscrit dans le réel la place du citoyen.
Le legs du passé pèse — avec son cortège de bilans vicieux et d’illusions comptables. Trop de réformes ont été différées comme on repousse l’aube, d’un geste lâche, presque honteux. Malgré tout, l’effort national n’a pas démérité : la dette honorée, les échéances tenues, mais le peuple n’en a goûté que l’amertume. C’est là notre paradoxe : la vertu budgétaire n’a pas encore trouvé sa justice.
Les services publics, eux, respirent mal. Ici, une école s’épuise ; là, un hôpital s’endort. Trop de responsables oublient que servir la nation, c’est se taire et agir. Beaucoup considèrent encore la charge comme un butin, la routine comme une provende. Cette inertie ronge la République ; la proactivité la maintient en vie.
Vient alors le besoin d’une pensée neuve — affranchie des dogmes technocratiques et des tutelles extérieures. Une politique créative ? Une poétique inspirée, où la métrique sert la vision et la prosodie nourrit l’espérance. La réforme des finances publiques ne peut être qu’un exercice d’âme : rendre à la dépense sa noblesse, au chiffre sa musicalité, au peuple son avenir.
La Tunisie a prouvé qu’elle pouvait tenir debout sans béquille étrangère. Il lui reste à donner rime à cette liberté, à la transformer en souveraineté sociale, féconde et durable. Un duel d’idées traverse notre époque — l’ancien monde des dettes, des tutelles et des lobbies, et le monde à inventer : celui d’une doctrine tunisienne nouvelle, poétique, souveraine, sociale.
La République, elle aussi, a besoin de poésie pour s’épanouir.
Qu’est-ce que le développement véritable ? Une beauté pérenne. Un lyrisme partagé.
